SOUVERAINETE NATIONALE : Le capitaine-président Ibrahim Traoré recadre (gentiment mais sévèrement) son homologue Mohamed Bazoum

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Mohamed Bazoum, c’est le président qui donne des leçons à tout le monde. Quand ce n’est pas au colonel-président du Mali, Assimi Goïta, avec qui les relations sont exécrables, c’est au capitaine-président, Ibrahim Traoré, du Burkina Faso. Pour qui se prend-il alors que, arrivé lui-même au pouvoir seulement en avril 2021, il est loin, très loin, d’avoir fait ses preuves comme chef d’Etat du Niger ? Quelle dignité a-t-il à reposer sa sécurité (personnelle) sur l’armée française, récemment, chassée du Mali et du Burkina Faso ? C’est comme s’il parlait au nom de la France qui, au regard de son image actuelle en Afrique, n’a pas le courage de tenir certains propos de peur de se faire lyncher dans les réseaux sociaux.

Le président du Niger, Mohamed Bazoum, a récemment critiqué le recours, par son homologue du Burkina Faso, Ibrahim Traoré, à des civils, communément, appelés volontaires pour la défense de la patrie (VDP), dans le cadre de la loi portant mobilisation générale contre le terrorisme.

Estimant que de simples civils sont incapables de tenir tête à des organisations terroristes, le dirigeant nigérien a qualifié la stratégie burkinabé d' »erreur tragique ». Des propos qui sont mal passés du côté de Ouagadougou, après ceux de Mahamadou Tarka, haut gradé de l’armée nigérienne, sur le Burkina Faso et le Mali en avril dernier, et auxquels le ministre burkinabé de la Communication, Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo, n’a pas tardé à réagir (sur notre photo, le président, Mohamed Bazoum, a reçu, vendredi, 15 juillet 2022, matin, les ministres français de l’Europe et des Affaires étrangères, Cathérine Colonna, et des Armées, Sébastien Lecornu, en visite de travail au Niger, en présence de l’ambassadeur de France au Niger). Le capitaine-président du Burkina Faso n’a pas eu à commenter cette audience, ni positivement ni négativement. De quel droit le président du Niger, lui, se permet de s’ingérer dans les affaires intérieures du Burkina Faso pour les critiquer ?

S’interrogeant sur la nécessité pour le Niger de sous-traiter sa sécurité nationale à des armées venues d’autres continents, celui qui occupe également le poste de porte-parole du gouvernement burkinabé n’y voit qu’un manque de confiance des autorités nigériennes envers leurs hommes en tenue. Rappelons que les armées française et américaine stationnent au Niger pour l’aider à combattre le djihadisme. Et, aussi, prévenir Mohamed Bazoum contre tout risque de coup d’état militaire. Car ne contrôlant pas son langage, il est exposé à un tel risque. Son prédécesseur, ingénieur, Mahamadou Issoufou, est, pourtant, resté 10 ans à la tête du Niger sans recourir aux forces extérieures pour sa sécurité personnelle. Il était, uniquement, gardé par l’armée du Niger qui en était fière. Contrairement à son voisin de Côte d’Ivoire, il a quitté le pouvoir au terme de son deuxième et dernier mandat. Un exemple à suivre ! Que se passe-t-il donc pour que Mohamed Bazoum soit, subitement, pris par la phobie du coup d’état militaire au point de confier sa sécurité aux armées étrangères ? C’est une insulte à la vaillante armée du Niger qui combat Boko Haram avec efficacité dans les confins du Lac Tchad.

Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo n’a pas manqué de réaffirmer l’intention des autorités de la transition burkinabé de reprendre le contrôle de l’ensemble du territoire, avec le soutien des (seules) populations locales. Car les populations (locales quand elles collaborent avec les militaires) constituent le principal vecteur du renseignement pour aider l’Etat à bien ajuster sa stratégie. Sans ce lien population-armée nationale, le succès mettrait beaucoup de temps à être au rendez-vous.

En recadrant gentiment le Niger sur la question de la stratégie anti-terroriste, le Burkina Faso entend faire une nouvelle fois respecter sa souveraineté nationale en s’opposant à toute forme d’ingérence d’un pays, voisin ou éloigné, dans ses affaires. 

Le capitaine-président, Ibrahim Traoré, et son homologue nigérien, Mohamed Bazoum, auront bien des choses à se dire lors de leur prochaine rencontre. Si et seulement si le président nigérien a le courage de venir les lui dire en face, ce qui n’est pas sûr.

Paul Patrick Tédga

MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)

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