SUSPENSION DU PRESIDENT DE LA COUR SUPREME : Le président Muhammadu Buhari peut-il éviter une crise électorale ?

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Le gouvernement nigérian s’est défendu d’avoir cherché à interférer dans les élections du mois prochain en suspendant Walter Onnoghen, le président de la Cour suprême et plus haut magistrat du Nigeria poursuivi en justice pour fraude. Cette suspension passe mal au moment où Muhammadu Buhari réunit les ingrédients pour permettre sa réélection : il a, récemment, nommé sa propre nièce comme porte-parole de la Commission électorale qui aura à proclamer le nom du vainqueur de la présidentielle ; selon certains observateurs, il suspend le président de la Cour suprême parce qu’il est un empêcheur de tourner en rond sur qui Buhari n’a aucune emprise. Le Sénat, lors d’une réunion d’évaluation de cette situation tenue, mardi, 29 janvier, apportera, à coup sûr, son soutien à Walter Onnoghen. Bref, à mesure que la date de la présidentielle approche, la tension monte et certains craignent de plus en plus des troubles électoraux.

« Le président de la Cour suprême n’est pas en charge de l’élection. Il n’est pas non plus le premier arbitre des plaintes électorales », a expliqué Garba Shehu, le porte-parole du président, Muhammadu Buhari, dans un communiqué publié dimanche, 27 janvier, soir.

« Lui-même et la Cour suprême n’interviendront à titre d’arbitre final qu’à la fin du processus d’appel (…) Il est illogique de lier le CJN (Chief Justice of Nigeria) aux élections de cette façon, à moins de supposer que des plaintes seront déposées et qu’elles iront jusqu’à la Cour suprême », a-t-il ajouté.

Le président Buhari a suspendu, vendredi, 25 janvier, Walter Onnoghen (sur notre photo en train d’être reçu par Muhammadu Buhari) et a nommé à son poste un juge originaire du Nord du pays, comme lui.

Walter Onnoghen est poursuivi devant le Tribunal du code de conduite, une juridiction créée spécialement pour juger les questions éthiques. Il est accusé de ne pas avoir déclaré plusieurs comptes bancaires en dollars, euros et livres sterling.

Cette mesure a provoqué des critiques tant au Nigeria qu’à l’étranger à l’égard du président, candidat à sa réélection au scrutin du 16 février, auquel il est reproché d’avoir violé la Constitution et de tenter de manipuler l’appareil judiciaire.

La Constitution nigériane prévoit, en effet, que le président ne peut renvoyer le plus haut magistrat du pays qu’avec l’approbation des deux-tiers des sénateurs. Dans ce cas, M. Onnoghen n’a pas été renvoyé, mais « suspendu ».

L’Union européenne, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, ont exprimé, samedi, 26 janvier, leur préoccupation et le Sénat doit tenir, mardi, 29 janvier, une session d’urgence sur le sujet.

Dans une première réaction, le porte-parole présidentiel, Garba Shehu, avait accusé l’UE, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis – qui doivent envoyer des observateurs électoraux – d’ingérence dans les affaires intérieures du Nigeria.

Selon lui, la position du juge Onnoghen était « intenable » et le président Buhari a été contraint de le suspendre car le magistrat avait refusé de se retirer sur une base volontaire.

Les élections de février s’annoncent très disputées entre le président sortant, candidat du Congrès des Progressistes (APC) et le principal parti de l’opposition, Parti populaire démocratique, représenté par Atiku Abubakar.

Les membres de l’Association des magistrats nigérians (NBA) se sont rencontrés ce lundi, 28 janvier, pour discuter de cette affaire, qui fait grand bruit et pourrait être un tournant dans cette campagne électorale, plutôt timide jusqu’à présent.

Les magistrats ont discuté de moyens de pression sur le gouvernement et notamment de suspendre tous les procès en cours jusqu’à nouvel ordre pour dénoncer ce qu’ils qualifient de « tentative de coup d’état contre l’appareil judiciaire ».

L’ancien général Buhari avait été élu en 2015 sur la promesse d’éradiquer la corruption, ce « cancer » qui gangrène le premier producteur de pétrole du continent, mais ses détracteurs l’accusent de mener une chasse aux sorcières et ne viser que ses opposants politiques.

Le cabinet de recherche en sciences politiques basé à Lagos SBM Intelligence rappelle que la dernière fois qu’un président de la Cour Suprême a été démis de ses fonctions remonte à 1975, lors du coup d’état militaire de Murtala Muhammad.

« Les motivations (de cette suspension) sont totalement politiques et indiquent que le président veut exercer une influence sur l’appareil judiciaire », qui devra déterminer le vainqueur des élections en cas de litiges, dit-il dans une analyse.

Cette décision devrait avoir de lourdes conséquences sur les suspicions de violation d’état de droit, mais aussi sur l’incertitude politique et économique qui en découle, selon les experts nigérians.

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