TERRORISME AU BENIN : Patrice Talon écartélé entre Paris et Niamey (Avec qui bâtir une stratégie) ?

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Les relations entre le Bénin et le Niger sont toujours mauvaises. Malgré une accalmie, due en majeure partie à une volonté commune de minimiser les pertes pouvant résulter d’une suspension de la commercialisation des produits pétroliers béninois, la méfiance reste de mise entre les deux voisins ouest-africains. En particulier, du côté de la partie nigérienne, qui conditionne la normalisation de ses liens, avec sa consoeur béninoise, à son éloignement de la France.

Récemment, les railleries d’Abdourahamane Tiani à l’égard de Patrice Talon ont fait les choux gras de la presse africaine. Il faut dire que depuis début 2025, l’armée du Bénin est complètement dépassée par les groupes terroristes, qui ont accru la fréquence de leurs attaques au Bénin, faisant périr, au moins, 79 soldats en deux actes de terreur distincts. Jusque là relativement épargné, le Bénin cherche des réponses. Mais se pose-t-il les bonnes questions ?  

Le Bénin est un cas d’école en Afrique sur le plan de la recrudescence des actes de terreur. En effet, partout ailleurs, ces derniers sont souvent directement liés à la présence de multiples facteurs socio-économiques, tels que la mal-gouvernance, la marginalisation de certaines communautés ethniques ou autres, lesquels facilitent l’implantation opérationnelle des mouvements extrémistes dans de nouvelles contrées.

Si l’on s’en tient, d’une part, à la présentation au cours de ces dernières années du gouvernement de Cotonou comme étant l’une des locomotives sous-régionales de par son taux de croissance annuel moyen de 6.5%, et, d’autre part, du fait qu’il bénéficie de facilités relationnelles avec divers partenaires occidentaux en raison des rapports particuliers existant entre Patrice Talon et Emmanuel Macron, d’où peut provenir cette insécurité généralisée ? 

La réponse se trouve dans le fait que les agrégats qui sont régulièrement communiqués par l’Etat, et qui sont tous au vert, sont loin de refléter le quotidien des Béninois. Cette réalité est visible, par exemple, au travers du coefficient de Gini, qui est soigneusement exclu des indicateurs économiques habituellement brandis par les collaborateurs de Talon. Pourtant, il est l’une des principales mesures du niveau d’inégalité entre les habitants. 

Plus il est élevé, plus les inégalités sont fortes. Pour le FMI, un coefficient de Gini de 27% ou plus neutralise l’impact positif que devrait avoir la croissance sur l’économie. C’est ce qui est observé au Bénin depuis 2015 lorsqu’il était de 47.8%, avant de retomber à 34.4% en 2021. Le fait qu’il n’ait plus été révélé depuis lors par les autorités béninoises actuelles ne peut s’expliquer que par une reprise à la hausse, et le malaise qu’il leur créerait. 

Partant de ce constat, on comprend pourquoi les djihadistes gagnent du terrain au Bénin. Les inégalités y subsistent, malgré le tableau dépeint par le pouvoir en place. Patrice Talon est et demeure avant tout un homme d’affaires, pour qui l’aspect social n’est pas une priorité. Ainsi, la mascarade de sa lutte contre les inégalités ne pouvait pas durer plus longtemps, d’autant plus qu’il semblerait que le pacte de non-agression conclu avec les rebelles aurait expiré à fin décembre.

Paul-Patrick Tédga

MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)

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