SAINT-SIEGE : Un Africain succédera-t-il à François ?

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Plusieurs médias occidentaux décrivent François comme un pape progressiste alors que Benoît XVI et Jean-Paul II  seraient conservateurs selon eux. Ces étiquettes et catégorisations sont trop manichéennes et trop simplistes pour être pertinentes.

Pourquoi ? Parce qu’un pape peut être progressiste et conservateur à la fois. Tout dépend des questions sur lesquelles il se prononce. Par exemple, François a conservé le célibat des prêtres et le mariage entre un homme et une femme quoiqu’il ait approuvé « Fiducia supplicans », le document du Dicastère pour la Doctrine de la foi qui encourage prêtres et évêques à bénir les couples homosexuels. Par contre, le pape argentin a préféré sa modeste chambre de la résidence Sainte-Marthe aux luxueux appartements pontificaux, a nommé des cardinaux dans des diocèses peu connus ou moins importants (Bangui en Centrafrique, Port-au-Prince en Haïti, Port Moresbay en Papouasie-Nouvelle-Guinée, Wa au Ghana, etc.) au détriment de sièges traditionnellement cardinalices (Paris, Lyon, Venise, Tolède, Séville, Baltimore, Detroit ou Los Angeles), a invité l’église à aller vers les pauvres et les périphéries, a vigoureusement défendu la cause des migrants, a réduit le poids de la Curie romaine, a mis fin aux avantages immobiliers accordés aux cardinaux et hauts fonctionnaires du Vatican, a créé plus de cardinaux africains (18) que ses prédécesseurs, a reconnu, le 1er octobre 2024, par la voix du cardinal Michael Czerny, que l’église catholique fut « complice de systèmes qui ont favorisé l’esclavage et le colonialisme », a tancé les pays occidentaux, fin janvier 2023, à Kinshasa (RDC), les invitant à cesser d’étouffer l’Afrique qui « n’est ni une mine à exploiter ni une terre à dévaliser » (sur notre photo, Fridolin Cardinal Ambongo, nommé au Conseil des cardinaux du Vatican par le pape François de qui il était proche).

Last but not least, en limogeant certains évêques coupables de mauvaise gestion ou d’absentéisme, il a envoyé le message qu’aucun évêque n’est intouchable.

Benoît XVI, considéré comme un réactionnaire, avait fait preuve de progressisme en démissionnant en février 2013 après 8 ans de pontificat. Cela n’était plus arrivé depuis Grégoire XII en 1415.

Le successeur de François sera, lui, aussi, progressiste  et conservateur. Qui sera-ce après l’apparition de la fuma bianca ? On le saura dans deux ou trois semaines. En attendant, les médias mainstream français ne tarissent pas d’éloges à l’endroit de Robert Cardinal Sarah, 79 ans et préfet émérite de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. Pas étonnant, à mon avis, car certains de ces médias appartiennent à  Vincent Bolloré.

Je suis d’accord avec Sarah lorsqu’il déplore « le démantèlement des valeurs de la foi et de la piété » dans un Occident qui « a renié ses racines chrétiennes ». Je l’approuve lorsqu’il critique « une exagération dans l’expression de la foi, des danses exubérantes, des chants envahissants et des bavardages creux » dans l’église d’Afrique. Je trouve ses réflexions profondes, argumentées et documentées. J’ai du respect pour cet homme qui n’a pas peur du silence, qui n’a pas sa langue dans la poche et qui se dressa contre Ahmed Sékou Touré quand il était archevêque de Conakry. Mais, je ne lui pardonne pas son silence devant le pillage des ressources naturelles des pays africains par Bolloré, Bouygues et d’autres entreprises françaises. J’eusse souhaité qu’il apportât publiquement son soutien aux dirigeants des trois pays du Sahel, qui se battent courageusement pour une Afrique libre et souveraine. Tout comme j’aurais aimé qu’il se montre moins rigide sur le célibat sacerdotal qui n’est pas un dogme mais une règle adoptée par l’église catholique seulement au XIIe siècle (au premier concile du Latran). La règle sera réaffirmée au XVIe siècle par le concile de Trente. Sarah et les autres clercs qui veulent sacraliser et absolutiser une règle humaine oublient que, autant Jésus parle de l’abstinence sexuelle pour le Royaume des cieux, autant il ne la recommande pas à ses apôtres (cf. Jean Duchesne, « A propos du célibat sacerdotal » in « Communio », 2017/3, N. 251-252, pp. 158-166).

A moins que cela ne m’ait échappé, je n’ai pas entendu l’auteur de « Dieu ou rien. Entretien sur la foi » (Fayard/Pluriel,  2016) s’indigner et protester comme feu Christian Cardinal Tumi (du Cameroun) contre l’intervention grossière de la France dans la crise post-électorale ivoirienne en 2010-2011 et la déportation injuste et illégale du président, Laurent Gbagbo, à La Haye. 

J’ai donné tous ces exemples pour montrer que le cardinal guinéen n’est pas mon favori. L’Afrique est un des continents où le catholicisme croît le plus. En outre, il y aura 18 cardinaux électeurs africains contre 11 en 2013. Certains se fondent sur ces faits pour penser que le futur pape pourrait être un Africain. Si l’Esprit Saint poussait les cardinaux à faire un tel choix, mon cœur et mon âme seraient dans une joie immense. Mais je ne serais point mécontent si le cardinal Pietro Parolin, 70 ans, ou un autre cardinal accédait au trône de Pierre.

Jean-Claude Djéréké

est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).

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