La corruption au Tchad est un cancer sociétal. Endémique et caractérisée par le népotisme, elle explique la 158ème place (sur 180) de l’Etat tchadien au classement 2024 de l’indice de perception de corruption de Transparency International. Une triste distinction qui va de pair avec la présence du pays dans la liste des 20 nations les plus pauvres du monde. Face à ce duo aux effets socio-économiques terribles, Mahamat Idriss Déby Itno (MIDI), nouvellement, démocratiquement, élu après une période de trois années de transition où il a pu observer de près le fonctionnement de l’Etat du Tchad, a décidé de se mobiliser d’abord contre la corruption, ce qui est une bonne chose. Car avec ce cancer, aucune possibilité de construire un Etat moderne au Tchad.
Bien qu’il ait, par voie de décret, en 2023, créé l’Autorité indépendante de lutte contre la corruption (AILC), le chef de l’Etat est déterminé à être aux avant-postes dans ce combat. Lui-même, en personne. Il faut dire que la tâche de l’AILC s’annonce complexe, voire, quasiment impossible, compte tenu du profil des principaux suspects, et de leur appartenance aux plus hautes sphères de la République. L’exemple de l’ancien directeur de cabinet de MIDI en est l’illustration (sur notre photo, MIDI lors de son investiture le 23 mai 2024).
Embourbé dans un scandale chiffré à plusieurs milliards de F CFA, Youssouf Boy se croyait intouchable du fait de sa proximité avec le président tchadien. Mais, c’était sans compter sur la détermination du jeune président et sa volonté de mettre fin à toute forme d’impunité relative à ce genre d’actes. Après quelques mois de détention, Youssouf Boy a été jugé, puis, condamné à 5 ans de prison, à l’instar de son co-accusé et magnat, About Hachim Bouder. Des exemples pour tous ceux qui seraient tentés d’emprunter cette voie sinueuse.
Cela dit, de nombreux critiques se sont élevés pour exprimer leur déception face à la légèreté de la sentence prononcée, et ont prédit qu’elle ne serait pas purgée, oubliant le côté historique de ce dont ils ont eu l’opportunité d’être témoins de leur vivant. Toute la procédure judiciaire s’est déroulée dans la discrétion et le calme qui caractérisent la nature de l’actuel leader du pays. Pour démontrer le maintien de son activisme, MIDI vient d’ordonner un audit de la Caisse nationale des retraités civils du Tchad (CNRCT). Un coup de tonnerre dans le ciel très chaud de Ndjaména !

Sa décision fait suite à une visite inopinée effectuée le 16 juin dans les locaux de cet organisme public, d’où il a pu constater une série de gros dysfonctionnements, allant du mauvais accueil des retraités à la recrudescence des arnaques dont ils sont victimes. La CNRCT ayant déjà perçu 13 milliards de F CFA de l’Etat en guise d’arriérés à reverser aux retraités civils, elle doit justifier de leur bonne redistribution aux ayants-droits. Cette sortie de MIDI devrait considérablement améliorer les choses pour ces derniers.
Il est très important que Mahamat Idriss Déby Itno ait pris à cœur l’initiative de lutte contre la corruption dans son pays. Avec lui, l’AILC n’aura aucune excuse pour ne pas présenter des résultats probants à l’heure du bilan périodique. Si le puissant Youssouf Boy a pu tomber, cela veut dire que personne ne pourra bénéficier d’un passe-droit du président de la République pour tout ce qui a trait à la corruption et à ses corollaires. Que ceux qui ont des oreilles entendent !
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)