D’abord, une mise au point : Nathalie Yamb a la nationalité suisse et non camerounaise (parce que la loi camerounaise ne permet pas de garder une double nationalité pour son cas). Moi, je suis Camerounais d’origine et de nationalité. Donc, qu’on n’analyse pas le soutien que je lui apporte parce que nous venons d’un même pays. Nous menons le même combat, avec les moyens et des stratégies différents, mais, ne dit-on pas que c’est la fin qui justifie les moyens ?
Nathalie Yamb que je connais, est comparable à nos mamans de l’UPC (Union des populations du Cameroun), dans le temps, qui avaient le rôle de gardiennes de la lutte que menaient les Um Nyobe, Moumié, Ouandié et autres, pour vaincre le système colonial qui oppressait tout le pays. Ces amazones ne participaient pas directement dans les combats en brousse, mais, elles aidaient à structurer la réflexion de ceux qui représentaient le mouvement au sein des instances nationales et internationales, sans oublier, le rôle maternel et féminin qui étaient le leur.
Bien sûr que la colonisation a encore quelques beaux restes, mais, elle est finissante. Et Nathalie Yamb fait partie des Africaines qui travaillent, activement, et efficacement, pour porter l’estocade finale à ce crime contre l’Afrique qui n’a que trop duré.

Je me souviens que, parce qu’il était horrifié sur ce qui s’écrivait sur lui, le président, Valéry Giscard d’Estaing, prit la lourde et fâcheuse décision de chasser de la France, en 1980, la revue, Afrique Asie, de Simon Malley, qui, se réfugia en Belgique. C’est François Mitterrand qui, arrivé au pouvoir en 1981, fit revenir la revue en France. La France peut se montrer violente à plusieurs égards alors qu’elle s’affiche comme la patrie des droits de l’homme. Elle a pourtant interdit de séjour Nathalie Yamb sur son sol. C’est quand même inimaginable d’en arriver là, en ce début de 21e siècle. Nathalie Yamb est juste une militante de la cause panafricaine. C’est, également, une décision disproportionnée qu’Alassane Ouattara avait prise en son temps de l’expulser de la Côte d’Ivoire, parce que la conseillère du parti Lider (Liberté et démocratie pour la République) empêchait son pouvoir de tourner en rond. C’est ainsi qu’elle est rentrée prématurément en Suisse, avant que la France, à son tour, ne lui ferme ses portes. Décidément, que se passe-t-il pour qu’elle soit autant pourchassée ?
Je félicite Nathalie Yamb à qui le gouvernement burkinabé venait de remettre une décoration spéciale pour son appui à la cause défendue par ce pays à l’international. Je pense que le capitaine-président, Ibrahim Traoré, devrait la nommer ministre d’Etat-conseillère à la présidence du Faso pour qu’il bénéficie au plus près de ses conseils avisés.
A l’Union européenne, je dis ceci : on ne combat pas le paludisme en cassant le thermomètre. Lors d’une interview accordée à Afrique Education dans les années 2010, Michel Rocard m’avait dit que « La colonisation est finie ». Titre qui fut d’ailleurs la Une de la pleine page de couverture de ce numéro. Depuis cette date, l’eau a coulé sous les ponts avec l’installation (à la place de la France et parfois de l’Europe) de la Russie au Mali, au Niger, au Burkina Faso, au Tchad (avec le départ de l’armée française) et en Centrafrique. Au Sénégal, la France a été battue par les urnes, elle qui soutenait le troisième mandat de Macky Sall. J’espère qu’elle ne fera pas la même bêtise avec Alassane Ouattara qui n’a pas droit à un 4e mandat inconstitutionnel. Sont-ce les mauvais conseils de Nathalie Yamb à l’endroit du président français, qui ont abouti à ce désastre politique et diplomatique de la France en Afrique ? Que Non !

Que Madame Ursula von der Leyen lève cette interdiction honteuse qui ne fait que ternir (encore plus) l’image de son organisation. Que la France lève, aussi, de son côté, l’interdiction de circuler en Hexagone qui frappe Nathalie Yamb. Que l’UE et la France s’en prennent à Vladimir Poutine, le vrai et seul responsable de leur déculottée en Afrique de l’Ouest et du Centre. Qu’on laisse ma sœur Yamb tranquille et je termine en lui disant Courage Nathalie. On est ensemble comme on dit en Côte d’Ivoire. Car je peux t’assurer qu’il n’y a pas un seul Africain actuellement qui ne pense pas comme toi.
Professeur Paul TEDGA
Est docteur de l’Université de Paris 9 Dauphine (1988)
Auteur de sept ouvrages
Fondateur en France de la revue Afrique Education (1993).