COTE D’IVOIRE : Patrick Achi la double nationalité et la question de loyauté nationale

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Le Journal Officiel de la République française en date du 12 août 2025 nous apprend que Patrick Achi Jérôme n’est plus Français. Cette information, en apparence anodine, suscite de profondes interrogations sur la gestion de notre vie publique et les principes qui fondent notre démocratie. Car cela signifie qu’Achi fut ministre des Infrastructures économiques (2000-2017), puis premier ministre de Côte d’Ivoire (10 mars 2021-16 octobre 2023), président du Conseil régional de la Mé depuis 2013… en tant que citoyen français.

La double nationalité au sommet de l’Etat : Un silence coupable

Peut-on diriger un pays tout en conservant un autre passeport ? Cette question, qui aurait dû susciter un débat national depuis longtemps, est aujourd’hui éclipsée par le silence de ceux qui devraient en être les garants : Nos institutions, nos élus, nos gardiens de la Constitution. Comment un homme détenteur de deux nationalités peut-il être autorisé à accéder aux plus hautes fonctions sans que cela ne trouble l’ordre républicain ? Cette situation, loin d’être un cas isolé, traduit un profond dysfonctionnement de notre système politique.

Le cas de Patrick Achi est d’autant plus troublant que ce dernier n’a décidé de renoncer à sa nationalité française qu’à l’âge de soixante-dix ans (notre photo). Pourquoi maintenant ? Pourquoi après avoir passé toute une carrière au service de l’Etat ivoirien, tout en étant juridiquement rattaché à une autre nation ? Pourquoi ne pas avoir tranché bien plus tôt entre ses appartenances ? La question mérite d’être posée.

Une ambition présidentielle dissimulée ?

Il est permis de s’interroger sur les raisons de cette renonciation tardive. Certains y voient une manœuvre politique en vue de préparer une candidature à l’élection présidentielle. Une hypothèse plausible si l’on considère les précédents récents dans notre histoire politique. Le cas d’Alassane Ouattara, devenu président malgré les controverses sur sa nationalité et l’interprétation controversée de la Constitution de 2016, a ouvert la voie à une lecture très libérale – pour ne pas dire laxiste – des textes fondamentaux.

Il ne s’agit pas ici de pointer du doigt la personne de Patrick Achi, en particulier, mais plutôt de s’inquiéter d’un système dans lequel il est désormais possible d’atteindre les sommets de l’Etat tout en entretenant une double loyauté potentielle. Cette situation fragilise l’idée même de souveraineté et interroge sur la protection de nos intérêts nationaux.

Une République perméable, un Etat infiltré ?

Pendant toutes ces années où Patrick Achi a siégé au gouvernement, avait-il accès à des secrets d’Etat ? Probablement. Etait-il dans une position de pouvoir stratégique ? Indéniablement. Alors, à qui devait-il allégeance ? A la Côte d’Ivoire ? A la France ? Aux deux ? A aucun ? Le simple fait que cette question puisse se poser suffit à souligner la gravité de la situation.

Ce flou institutionnel renforce l’idée selon laquelle notre pays serait devenu, aux yeux de certains, une simple cour de récréation, une cour du roi Pétaud où règne le désordre. Nos textes sont interprétés au gré des intérêts du moment, et notre souveraineté est peu à peu vidée de sa substance. Pendant que nous débattons de futilités, des pans entiers de notre économie sont entre les mains d’intérêts étrangers, souvent, au détriment du développement national.

L’hospitalité est une valeur noble. Mais, une nation, pour rester debout, doit faire la différence entre ouverture et naïveté. Elle ne peut accueillir indéfiniment tous les opportunistes du monde au prétexte de l’inclusivité. Une nation qui ne se respecte pas finit par devenir une poubelle diplomatique, économique et politique.

Refonder la République sur des bases solides

Lorsque le régime actuel sera balayé, il faudra revenir à l’essentiel. Et cela passe par une révision profonde de notre Constitution. La Constitution de novembre 2016, fondée sur une interprétation douteuse de la nationalité, devra être remise en cause. Il est temps de réintroduire la clause « être de père et de mère ivoiriens » pour tout prétendant à la magistrature suprême.

Il ne s’agit pas de xénophobie. Il s’agit d’un principe de précaution républicaine. Celui qui aspire à diriger la nation doit être irréprochable sur le plan de son attachement exclusif à la patrie. La double nationalité à ce niveau de responsabilité constitue un conflit d’intérêt permanent. De même, interdire l’accès à la présidence à toute personne mariée à un citoyen étranger, notamment, français, est un principe de cohérence nationale. Le pouvoir suprême ne peut se conjuguer avec la moindre ambiguïté.

Comment Patrick Achi a-t-il pu expliquer aux Ivoiriens qu’il pouvait être premier ministre de Côte d’Ivoire tout en étant de nationalité française plus de soixante ans après l’indépendance ? Il a raté sa vocation car il aurait dû être un acrobate.

Conclusion 

Le cas Patrick Achi, s’il est aujourd’hui un fait accompli, doit servir de leçon pour demain. Notre pays ne peut continuer à fonctionner comme un moulin à vent, où chacun entre et sort selon ses intérêts personnels. Il est temps d’exiger plus de rigueur, plus de clarté et plus de patriotisme. Gouverner, ce n’est pas seulement gérer des dossiers techniques. C’est incarner une vision, défendre une identité et protéger un peuple.

Les Ivoiriens méritent un Etat fort, souverain et lucide. Et cela commence par des dirigeants qui n’ont qu’un seul passeport : celui de la Côte d’Ivoire.

Jean-Claude DJEREKE

Est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).

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