RWANDA : Libération de quelques prisonniers politiques par Paul Kagame en prévision du prochain Sommet de la Francophonie

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L’opposition rwandaise doit dire : « Merci la Francophonie » ! Non parce que cette organisation a mérité le Prix Nobel de la démocratie. Loin de là, elle est même accusée de caresser les dictateurs (africains) et leur mentor de l’Elysée dans le sens du poil. Mais, parce que Paul Kagame (que tout le monde n’aime pas) est conscient qu’il n’a aucune chance de faire gagner sa candidate, Louise Mushikiwabo, qui brigue le secrétariat général de l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie) en octobre, alors que ses prisons, à Kigali, sont remplies d’opposants dont le seul crime est d’avoir fait leur travail d’opposant. Eh oui, l’actuel président en exercice de l’Union africaine (UA), ne supporte pas la contradiction. Lui dire Non est un crime de lèse majesté, qui conduit tout droit en prison. C’est dans ce contexte que l’ex-général de l’APR (Armée patriotique rwandaise) croit manipuler ses pairs avant de faire briguer le siège de l’OIF à sa compatriote.

Une des principales figures de l’opposition rwandaise, Victoire Ingabire, est sortie de prison, samedi, 15 septembre, dans le cadre de la libération anticipée de plus de 2.000 prisonniers décidée, la veille, par Paul Kagame.

« Je remercie le président qui a permis cette libération », a dit l’opposante alors qu’elle quittait la prison de Mageragere dans la capitale rwandaise, Kigali (notre photo).

« J’espère que cela marque le début de l’ouverture de l’espace politique au Rwanda », a-t-elle ajouté, appelant Paul Kagame à « libérer d’autres prisonniers politiques ». Car il y en a, encore, de dizaines de milliers qui peuplent les prisons surchargées du Rwanda.

La libération surprise de 2.140 détenus, dont Mme Ingabire et le chanteur, Kizito Mihigo, a été décidée lors d’un conseil des ministres, vendredi, 14 septembre, au cours duquel une mesure de grâce présidentielle a été approuvée.

« Le conseil des ministres présidé par le président Paul Kagame a approuvé aujourd’hui la libération anticipée de 2.140 condamnés auxquels les dispositions de la loi leur donnaient droit », a précisé un communiqué du ministère de la Justice.

« Parmi eux figurent M. Kizito Mihigo et Mme Victoire Ingabire Umuhoza, dont le reste de la peine a été commuée par prérogative présidentielle à la suite de leurs dernières demandes de clémence déposées en juin de cette année », a ajouté le texte.

Mme Ingabire avait été arrêtée en 2010 peu de temps après son retour au Rwanda alors qu’elle voulait se présenter à la présidentielle contre Paul Kagame comme candidate du parti des Forces démocratiques unifiées (FDU-Inkingi), une formation d’opposition non reconnue par les autorités de Kigali. Au Rwanda, seuls sont considérés comme partis d’opposition, les partis cooptés par Paul Kagame lui-même. Autant dire que la liberté dans ce pays est, tellement, restreinte qu’on peut dire qu’elle n’existe pas.

Cette économiste hutu, qui n’était pas au Rwanda pendant le génocide, avait, avant cela, passé 17 ans en exil aux Pays-Bas.

Elle purgeait une peine de 15 ans de prison prononcée en 2013 par la Cour suprême pour « conspiration contre les autorités par le terrorisme et la guerre » et « minimisation du génocide de 1994 » qui a fait 800.000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement, parmi la minorité tutsi.

Kigali l’avait accusée d’avoir nié la réalité du génocide en demandant que les auteurs de crimes contre les Hutu soient, eux aussi, jugés.

Kizito Mihigo, un chanteur très populaire au Rwanda, avait été arrêté, en 2015, et condamné à dix ans de prison pour conspiration en vue d’assassiner le président. Rien que ça !

Réélu en août 2017 pour un troisième mandat de sept ans (après avoir modifié la constitution à cet effet), Paul Kagame a, toujours, sorti l’argument de génocide chaque fois qu’il est critiqué pour son mépris pour les droits de l’homme.

En novembre, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) avait estimé que la condamnation de Mme Ingabire avait violé ses droits à la liberté d’expression et à une défense adéquate.

La Cour d’Arusha avait, cependant, souligné qu’elle n’était pas une instance d’appel des décisions de la justice rwandaise et avait refusé d’ordonner une révision du procès ainsi qu’une libération conditionnelle.
Eugène Ndahayo, ancien vice-président des FDU aux côtés de Victoire Ingabire, s’est réjoui de sa libération tout en s’interrogeant sur ses motifs.

« Nous sommes dans un contexte d’élections au niveau de l’Organisation internationale de la Francophonie et que (la candidature de) Madame (Louise) Mushikiwabo, l’actuelle ministre des Affaires étrangères, a été présentée et que cette candidature est contestée à cause de la question des droits de l’homme au Rwanda », a-t-il dit à Radio France Internationale (RFI).

Mme Mushikiwabo est soutenue par la France pour devenir la prochaine secrétaire générale de l’OIF, qui sera désignée au Sommet de la Francophonie les 11 et 12 octobre en Arménie.

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