AFRIQUE-RUSSIE : Enjeux autour du blé

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En Afrique subsaharienne, à l’exception du Sénégal, le blé est un complément au riz, au maïs, au sorgho, au mil ou au manioc. Par contre, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, le blé est un aliment de base, qui constitue un apport calorique de premier ordre.

Le blocage du blé ukrainien ne fait a priori pas courir à l’Afrique un risque de famine généralisée, mais la probabilité d’une hausse du prix du blé et par voie de conséquence, de produits fortement symboliques comme le pain et la semoule n’est pas à exclure.

Les gouvernements africains ne veulent surtout pas vivre ou revivre pour certains d’entre eux des  » émeutes du pain « . En Tunisie et en Egypte, les hausses du prix du blé et du pain ont donné lieu à des protestations de rues et des violences qui ont déstabilisé les régimes en place.

C’est le spectre d’une hausse des prix et la hantise des » émeutes du pain », qui ont amené le président sénégalais et président en exercice de l’Union africaine, Macky Sall, poussé par ses pairs, à rencontrer et à demander à Vladimir Poutine la levée du blocage du blé ukrainien (sur notre photo, Macky Sall et Moussa Faki Mahamat reçus à Sotchi par Vladimir Poutine pour parler du blé et de l’engrais à livrer en Afrique).

Par ailleurs, une hausse du cours du blé est susceptible d’avoir un impact sur les actions du Programme alimentaire mondial (PAM) qui connait, depuis plusieurs années, des problèmes budgétaires récurrents. Le PAM vient en aide à des populations confrontées à des crises alimentaires aiguës du fait de conflits locaux ou de changements climatiques. On a compté en 2021, selon l’ONU, 90 millions de personnes déplacées dans le monde. La situation ne s’est pas améliorée en 2022 puisque les dernières statistiques annoncées par la même ONU font état de plus de 100 millions de personnes déplacées, le principal contingent venant de l’Ukraine.

Le chantage sur le blé est une arme à double tranchant pour la Russie. Elle joue son image sur le continent africain où elle tente de revenir après avoir été longtemps absente.

La Russie ne peut logiquement dénoncer le passé colonial de la France ou du Royaume-Uni, d’un côté, et faire courir des risques politiques aux gouvernements africains en place, de l’autre.

Vladimir Poutine a tenu au président, Macky Sall, des propos qui se sont voulus plutôt rassurants.

Affaire à suivre car les voies du Maître du Kremlin, pour reprendre une expression consacrée, sont impénétrables.

Patrick David 

Docteur en droit 

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