L’armée nigérienne a subi, mardi, 10 décembre, ses plus lourdes pertes depuis qu’elle est confrontée au défi djihadiste lors de l’attaque du camp d’Inates, dans l’Ouest du pays. Bilan provisoire : 71 morts sans compter de très nombreux disparus. Première conséquence de cette attaque : le report de la convocation d’Emmanuel Macron des présidents des pays membres du G5 Sahel à participer à un Sommet sur la « clarification » de la présence militaire française dans le Sahel à ses côtés, qui devait avoir lieu, à Pau, en France, le 16 décembre.
En plus des 71 militaires tués et des soldats encore portés disparus, on compte, aussi, « 12 blessés et un nombre important de terroristes neutralisés », selon un communiqué du ministère de la Défense du Niger, lu à la télévision nationale.
« Les combats », qui ont duré trois heures, ont été « d’une rare violence combinant des tirs d’artillerie et l’emploi de véhicules kamikazes par l’ennemi », a ajouté le ministère, estimant le nombre de « terroristes lourdement armés » à « plusieurs centaines ».
« Les terroristes ont pilonné le camp à l’aide d’obus », et beaucoup de victimes étaient décédées dans des explosions de dépôts de munitions et de carburant (notre photo d’illustration).
En accord avec son homologue nigérien, Mahamadou Issoufou, Emmanuel Macron (qui fait face à un front social très dur en France avec le dossier des retraites) a annoncé le report au « début de l’année 2020 » dudit Sommet avec les dirigeants des cinq pays du Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad et Mauritanie).
Ce Sommet aura lieu à Pau, ville du Sud-Ouest de la France où étaient basés la majorité des 13 soldats français décédés, le 25 novembre, dans un accident d’hélicoptères au Mali.
Emmanuel Macron avait convoqué ce Sommet pour pousser ses homologues africains à « clarifier » leur position sur la présence militaire française au Sahel, de plus en plus contestée par leurs opinions publiques.
Il avait souligné qu’il attendait d’eux qu’ils « assument » publiquement le fait que les soldats français sont au Sahel à la demande des pays concernés, et non pas pour des « visées néocoloniales ».
Faute de quoi, avait-il indiqué, il en tirerait toutes les conséquences. L’Elysée a précisé, mercredi, 11 décembre, que toutes les options étaient sur la table, y compris un retrait des 4.500 hommes des troupes françaises de la Force Barkhane, qui, depuis quatre ans, luttent contre les groupes djihadistes au Sahel.
Une partie de l’opinion publique sahélienne attribue la dégradation sécuritaire à la présence même des troupes étrangères. En novembre, l’état-major burkinabè avait même mis en garde les avions français qui survoleraient intempestivement son territoire.
L’attaque d’Inates est la plus meurtrière depuis le début de l’offensive djihadiste au Niger, en 2015. Au-delà de ce pays, c’est tout le Sahel – en particulier le Mali, le Niger et le Burkina –, qui est visé par les assauts de plus en plus audacieux de groupes islamistes armés, en dépit de la présence des militaires français de la force antiterroriste Barkhane. Il y a, également, la présence militaire américaine avec des hommes au sol et des avions militaires dont certains sont affectés à la surveillance, sans parler, des moyens électroniques de télécommunication, de première main. Tout ce dispositif, visiblement, ne sert à rien dans la mesure où les armées du Niger, du Mali et du Burkina Faso, se font massacrer comme jamais avant, les djihadistes montrant même aux yeux du monde que la présence militaire occidentale ne sert à rien et ne les empêche pas de commettre leurs massacres, qui n’épargnent pas les populations civiles.
Le Mali a, notamment, été frappé par un automne sanglant, lors duquel plus de 140 soldats ont été tués, provoquant un véritable traumatisme.
Le Burkina, de son côté, a perdu 24 militaires en août, dans un assaut contre la Base de Koutougou, également, près de la frontière malienne.
Inates se situe près de la frontière avec le Mali, au coeur d’une région en proie à la contrebande et aux trafics. La base militaire avait, déjà, été la cible, le 1er juillet, d’une attaque, revendiquée par le Groupe Etat islamique, dans laquelle 18 soldats nigériens avaient péri.
Dès lors, les populations du Sahel des trois pays ont, légitimement, raison de s’interroger, à voix haute, sur l’opportunité de la présence militaire française supposée les aider à enrayer la menace djihadiste. On a l’impression, au contraire, qu’elle renforce la position des djihadistes alors que des messages supposés entre Barkhane et les djihadistes, interceptés et dénoncés par les Maliens, poussent à s’interroger sur l’efficacité d’une telle présence militaire.
En fait de « clarification », elle devrait avoir lieu des deux côtés, Emmanuel Macron devant, aussi, expliquer à ses homologues les raisons de l’inefficacité de l’armée française à aider les armées africaines à mettre totalement en déroute les djihadistes du Sahel.