BENIN : «l’Afrique est de culture vodoun »

Date

Janvier 2017. J’écrivais en m’exprimant lors de la fête des religions endogènes :« je salue et soutiens sans ambages la déclaration du président Patrice Talon »; homme sans ambiguïté, la précision finale de mon intervention était : « Je vais éplucher le programme culturel du gouvernement de la Rupture, passer au peigne fin ce qui concerne l’enseignement, la lecture, les artistes, les artisans-sculpteurs, mais je le répète : d’emblée je soutiens la politique culturelle du président Patrice Talon.»

Il y aura deux e-mails, moult coulées de bave que j’ai dû faire ravaler ; le plus préoccupant de ma vie n’accorde pas une seconde d’écoute aux vétilles des politiquement stériles.
Un ami a taclé : « Tu applaudis le Pdt ».Non je ne l’ai pas applaudit : homme de culture, il serait déloyal de ma part de passer sous silence le programme culturel d’un chef d’Etat béninois qui se serait manifesté comme l’a fait le président Talon. Le deuxième e-mail dont l’auteur est aussi un ami déclarait : «[…] il est bon que le débat se fasse et se poursuive autour du Vodun, pour permettre aux adeptes de ce culte de s’interroger eux-mêmes et, peut-être, de finalement se rendre « ailleurs », où se trouve l’existence ».

Cher vieil ami, feu R P Basilio Segurola m’avait offert, avec une longue lettre manuscrite, les deux tomes ronéotés de son Dictionnaire Fon-Français ; j’en ai depuis quelques années la belle réédition de la Société des Missions Africaines. Aussi finement intelligent que loyal, l’ecclésiastique basque qui était aussi un chercheur excellent a donné du vodún une définition nouménale qui écrase les sottises encyclopédiques des dictionnaires institutionnels; si tu veux intenter un procès à un noumène, bouche cousue ou souriants, les vodunsi te laisseront faire. Lis ou relis Le livre de Job.
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PROGRAMME D’ACTIONS DU GOUVERNEMENT 2016-2021 SYNTHÈSE

Combien de Béninois lambda passablement lettrés ont lu et compris ce long document ? La langue en est technocratique ; quand on s’adresse au peuple, c’est aussi brièvement que clairement qu’on lui dit ce qu’on voudrait qu’il comprenne. Je me souviens d’avoir lu dans Esther (cf. La Bible de Jérusalem) le mode de communication que voici qui pourrait être utile aux bavards politiques : l’empire du roi Assuérus s’étendant de l’Inde à l’Ethiopie, « il envoya des lettres à toutes les provinces de l’empire, à chaque province selon son écriture et à chaque peuple selon sa langue.. »

Discours sur l’état de la Nation.

Homme à ne pas s’immiscer dans tout, j’ai retenu :

« La carte universitaire a été revue et corrigée sur la base de critères qualitatifs, avec la volonté de doter nos universités de moyens conséquents et d’enseignants qualifiés et en effectif suffisant. C’est une réforme majeure qui devrait développer à court terme, des filières de formation professionnelle porteuses et promouvoir des activités de recherche dans les pôles économiques. Ainsi, les diplômes délivrés dans nos universités ne seront que davantage valorisés.

La création d’une agence nationale de la promotion des patrimoines et du développement du tourisme. »

Surprise et déception : au Daxomè devenu le Bénin, la culture m’a toujours semblé un marqueur dans la vie quotidienne ; la réduire au tourisme ou l’y étouffer, même dans le Discours sur l’état de la Nation est une aberration. Une toile rarissime du célèbre artiste Accalogoun est en honneur dans la salle de séjour de ma maison ; je l’ai regardée et j’ai eu l’impression d’avoir entendu l’injonction du lémure de l’artiste : « le ministre compétent doit expliciter ce que le gouvernement entend par Culture dans un pays qui ne manque pas d’artistes, de plasticiens, de photographes, de musiciens et de musicologues ; le talent des artisans-graveur est historique, plus d’un de nos intellectuels de tout ordre est réputé au-delà de nos frontières. »

Lecteur assidu de Charlie Hebdo, j’étais tombé en arrêt devant : BÉNIN. VAPORAGE DIVIN,  un entrefilet du n°1281/8 février 2017 du satirique qui écrivait :

« La fin du monde approchant à grands pas, mieux vaut s’y préparer. C’est ce qu’ont fait les fidèles de la très sainte Eglise de Jésus-Christ de Banamè, au Bénin,qui, sur les conseils de leurs prêtresse, baptisée Lady perfect, se sont enfermés dans des salles de prière où ils ont fait du feu et brûlé de l’encens afin d’attirer sur eux les grâces du Très-Haut. Manque de bol, à défaut de Saint-Esprit, c’est surtout la fumée qui est venue envelopper les adeptes. En envoyant six d’entre eux ad patres et une dizaine d’autres dans les hôpitaux de la région pour des complications pulmonaires. Fumer Dieu tue. »

L’information suscite déjà des persiflages : « Hourra ! On ira voir fumer Dieu au Bénin ! » « Beau spectacle de Lady perfect ! » « Tourisme à Badamè ! »

En 1993, les artistes et les intellectuels énumérés par lémure de Naccalogoun furent à l’honneur aux Retrouvailles ; on les a vus – comme on dit maintenant-, échanger avec nombre d’autres créateurs sans se priver d’aller voir ou revoir le Parc W.

Peu importent les faits du prince, les ostracismes : quand bien même je serais au pied de la tombe, je serai présent dans tous les combats pour la Culture de mon pays natal. Faudrait-il en appeler à descendre dans la rue, voire, à une insurrection culturelle afin qu’une image digne de ce nom soit celle de la terre natale ?

Le tourisme privilégié dans le Discours sur l’état de la Nation ne sera jamais culturel sans, d’abord, la restauration et l’entretien de l’espace historique décrit dans Le Monde Afrique ; j’ai repris un extrait du reportage dans mon article intitulé DIVERSION ; journaliste perspicace et pointilleux, Serge Michel écrivait :

« …au Bénin, c’est un autre musée qui se vide, celui d’Abomey, au centre d’un site pourtant classé en 1985 par l’Unesco. Quarante-sept hectares et des palais, construits par 12 rois successifs, autrefois, protégés par un large fossé que peuplaient crocodiles, serpents venimeux et plantes maléfiques. Salles sombres et mal entretenues, vitrines poussiéreuses. La veille de notre visite, une famille de souris a été délogée de la vitrine contenant la tunique d’une amazone, les fameuses guerrières de Béhanzin, dont elle se régalait. Le directeur, Urbain Hadonou, en fonctions depuis 2004, est assis à l’extérieur, sur un muret. Des écoliers passent, jettent des emballages plastiques par terre. »

L’allocution présidentielle sur l’état de la Nation ajoute :

« Le secteur de l’éducation me tient particulièrement à cœur. Les actions phares à engager concernent entre autres la création et l’opérationnalisation d’une Agence pour la Qualité et l’Evaluation dans l’Enseignement Supérieur ; la mise en œuvre de la déconcentration et de la décentralisation de la gestion de l’Education à travers la constitution d’un pool d’Inspecteurs départementaux; l’amélioration des conditions de vie et de travail des enseignants ; la poursuite des recrutements d’enseignants dans les trois ordres d’enseignement, la promotion de l’alphabétisation et de l’éducation des adultes.
« Nous sommes, mon Gouvernement et moi, plus que jamais déterminés à travailler sans relâche pour renforcer l’image de marque de notre pays à travers l’innovation. »

J’en ai pris notes : avoir été professeur de lettres dans des lycées de France ne m’a jamais empêché d’être attentif aux problèmes de l’Education nationale dans mon pays natal où la Bibliothèque offerte par l’ONG et la Commune de Nandy sur Marne est baptisée Bibliothèque Olympe BHÊLY-QUENUM.

PROGRAMME D’ACTIONS DU GOUVERNEMENT 2016-2021 SYNTHÈSE. « Bénin Révélé »

Tourisme et Culture en étant la rubrique qui m’a le plus intéressé, j’ai retenu :
« Au Bénin, la contribution du tourisme de 0,7% au PIB apparaît bien modeste. Paradoxalement, le Bénin est l’un des pays africains disposant d’un potentiel touristique exceptionnel. L’ambition du nouveau Gouvernement est de faire du tourisme une filière de développement économique, créatrice de richesses et d’emplois et un outil du rayonnement du Bénin, à l’international.

Pour atteindre cet objectif, le Bénin dispose de nombreux atouts, parmi lesquels on peut citer le plus riche parc animalier et naturel d’Afrique de l’Ouest (la Pendjari et le parc W), les vestiges et la mémoire de la traite négrière qui seront utilisés pour reconstruire la cité historique de Ouidah, et la plus grande cité lacustre d’Afrique (Ganvié)».

Une fois encore le tourisme est privilégié comme si l’afflux de touristes suffirait à «  renforcer l’image de marque de notre pays à travers l’innovation ».
Rénover est un problème d’êtres humains compétents et de moyens ; la Fondation Zinsou en est une évidence ; après mon intervention à la Mutualité à côté de Lionel Zinsou, on m’a laissé entendre: « si le candidat de votre préférence est élu, il organisera au Bénin une conférence nationale des créateurs, artistes et des écrivains. »

Dans le brouhaha je n’ai pas pu voir le compatriote qui me parlait, ni m’enquérir de la source de son information ; peu importe, nul n’ignore que de tout temps l’humain et la compétence sont au cœur de toutes les réalisations.

Insultes et postillons jaillissent sur « un vieil écrivain au pied de la tombe », « un émigré qui vit grassement chez les Blancs » quand j’interviens dans la politique de mon pays natal ; à tous je souhaite longue vie et joie de vivre.

Au premier tour des primaires PS j’avais voté pour Arnaud Montebourg ; j’ai répondu à ses remerciements.

« Garrigues-Ste-Eulalie, 24/01/17

« Bonjour cher ex-candidat,

 » Puisque vous avez appelé à voter pour Benoît Hamon, il faudrait attirer son attention sur la culture qui fait singulièrement défaut dans cette campagne, à droite comme à gauche; dans une lettre signée François Mitterrand, le très regretté président m’avait écrit :  « homme de lettres votre rôle est important », c’était à l’époque de la Conférence de La Baule.
Ecrivain africain originaire du Bénin, c’est le vieux prof de lettres qui, le 10/11/16, était l’hôte de l’ENS, rue d’Ulm. (cf. www.obhelyquenum.com (rubrique Documents) ; l’Afrique n’existe point et vous l’avez tous ignorée ; que c’est gentil ! Français, avant tout, Africains francophones, nous sommes de plus en plus indignés par l’oubli, voire, l’indifférence manifeste dont font preuve les candidats de droite comme de gauche; mais, nous n’ignorons pas qu’en catimini certains candidats ont déjà leur Monsieur ou Madame Afrique.
« Si l’Afrique et la culture sont ostracisées des interventions de Benoît, nous, Africains francophones, nous en prendrons acte.

« Cordialement.
Amitié socialiste d’un vieux militant de 90 ans.
« Olympe Bhêly-Quenum. 
O.B-Q »
*
Mutatis mutandis, les précisions et clarifications que le peuple béninois a le droit d’attendre du ministre de la culture du Bénin, je les ai trouvées dans la réponse de Benoît Hanon, candidat du Parti socialiste, à un de mes messages.

REPONSE DE BENOÎT HAMON A OLYMPE BHÊLY-QUENUM
E-mail d’origine—–
De : Benoit HAMON
A: agblo
Envoyé le : Ve, 27 Jan 2017 23:48
Sujet : Mener la bataille culturelle

Dans le cadre des Primaires citoyennes, conformément â la Circulaire N°2 du Comité National d’Organisation des Primaires citoyennes (CNOP) du 13 décembre 2016, chaque candidat bénéficie de l’envoi d’une newsletter. Voici celle de Benoît HAMON

Mener la bataille culturelle qui nous oppose à la droite, rompre, pour se projeter dans un avenir collectif, avec l’individualisme et « l’autorité de l’éternel hier », telle que l’évoquait Max Weber, nécessite de renouveler sans cesse notre rapport au monde. Les artistes nous y aident en donnant à voir et à partager d’autres lectures du réel qui nous éveillent et nous portent. On ne trace pas de chemin politique sans un imaginaire puissant.

En matière de politique culturelle, le quinquennat qui vient de s’écouler a mal commencé, avec une forte baisse des crédits publics. Mais c’est avant tout symboliquement que la culture a cessé d’être une priorité. L’art et la culture comme horizon d’émancipation doivent être au cœur du discours et des actes de la gauche. Faire vivre les droits culturels, le droit à l’accès à l’art et au patrimoine et, pour chaque citoyen, le droit à la création et à la reconnaissance de ses identités culturelles, quelles qu’elles soient, passe par trois exigences.

D’abord, le principe d’une juste rémunération des artistes. Je souhaite porter le projet d’un statut de l’artiste, notamment pour ceux, nombreux, comme les auteurs et les plasticiens, qui n’ont pas accès à l’intermittence. Pour les plus jeunes, particulièrement précaires et qui renoncent trop souvent, le premier étage du revenu universel d’existence répond à un impérieux besoin.

La rémunération des auteurs à l’ère numérique doit être une exigence. Si cette révolution est une formidable opportunité pour les artistes, ils sont bien trop souvent le seul maillon de la chaine à ne pas en vivre. Il nous faut inventer les solutions techniques et juridiques, développer l’offre légale. Les droits d’auteurs ne sont en rien contradictoires avec une diffusion au plus grand nombre. Aujourd’hui, les GAFA s’emparent, des œuvres et refusent, comme ils refusent de participer à l’effort fiscal, de payer leurs créateurs. Ce n’est pas acceptable.

Ensuite, inlassablement, la lutte contre la reproduction culturelle, première des inégalités. La parole de Pierre Bourdieu est toujours d’actualité. Quand l’économie se resserre, que les voies de la promotion sociale se rétrécissent, la culture est le dernier discriminant, l’attribut des dominants et le stigmate de ceux qui ne sont pas nés dans le bon milieu. Il faut évidemment donner la priorité absolue à l’éducation artistique et culturelle, notamment en soutenant les collectivités locales, la culture ayant été la première victime des baisses de dotation, en mettant l’accent sur les zones qui en ont le plus besoin.

La répartition de notre offre culturelle est en effet extraordinairement inégale, avec une concentration des crédits en Ile de France. Je donnerai la priorité à la lutte contre les déserts culturels, en milieu rural comme en milieu urbain. Il faut penser autrement les nouveaux lieux de culture qui ne peuvent plus être le résultat de « grands travaux », d’une culture institutionnelle et descendante. Qu’est-ce qu’un lieu d’art qui n’invente plus ? Je porte le déploiement de fabriques de culture, de dispositifs mobiles et innovants. De nombreux acteurs nous interpellent sur la formidable opportunité que représentent l’art et la culture dans l’espace public, ou sur les lieux de travail, pour confronter exigence artistique, expérimentation et accès au plus grand nombre. Il faut ouvrir de nouveaux horizons. Le Ministère de la culture ne doit pas être une forteresse. La France est très en avance, notamment dans les créations numériques, comme le jeu vidéo ou l’animation. Je souhaite soutenir l’entreprenariat culturel et les nouveaux modes de création, plus collectifs, qui pensent la culture en lien avec le développement durable et la lutte contre les inégalités.

Enfin, faire vivre le projet culturel européen. L’exception culturelle, qui permet de soutenir économiquement la culture, doit être plus que jamais portée à ce niveau. Je souhaite aussi qu’une politique culturelle commune participe à l’identité de l’Union. C’est ainsi à l’échelle de l’Europe que nous devons faire de la protection des artistes persécutés dans leur pays une priorité de notre politique d’asile.
La première des ressources pour la culture, ce sont des citoyens qui ont un désir d’art, parce qu’ils ont le temps, la sécurité économique et l’accès aux œuvres. Prendre acte de l’évolution inéluctable du monde du travail, de la nécessité absolue de repenser le revenu et les modes de production participe évidemment d’une culture désirable.  

© 2017 Benoît Hamon 2017 »

Dans le contexte culturel au Bénin, voilà la clarification que j’attends du ministre en charge de ce problème.

Olympe BHÊLY-QUENUM.

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