BURKINA FASO ET EGYPTE : Moubarak et Compaoré bientôt face à la justice de leur pays ?

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L’ex-président égyptien, Hosni Moubarak, sera rejugé, dans la seule affaire de corruption, qui le maintenait, en détention, après l’annulation, mardi, 13 janvier, d’une condamnation, à trois ans, de prison. Mais, son éventuelle remise en liberté dépend d’une nouvelle décision de la justice.

Au Burkina Faso, l’ancien président, Blaise Compaoré, exilé, en Côte d’Ivoire, vit dans l’attente d’être jugé, dans son pays, ou dans une juridiction extérieure, ses détracteurs ne cachant pas qu’ils mettent ce temps à profit, pour confectionner des dossiers solides contre lui. Déjà, Mariam Sankara accélère le dossier de l’assassinat de son époux, Thomas Sankara, pour un dénouement aussi vite que possible.

Hosni Moubarak est détenu, depuis avril 2011, après sa démission, en février, à l’issue d’une révolte populaire, après 30 années passées au pouvoir. En novembre 2014, il avait, déjà bénéficié d’un abandon, en appel, des accusations de meurtre de manifestants, qui lui avaient valu la prison à vie, en première instance. Mais, il était resté, en détention, dans un hôpital militaire du Caire, dans le cadre de son procès pour corruption.

Début janvier 2015, la Cour de cassation a ordonné l’annulation de sa condamnation initiale, en mai 2014, à trois ans de prison, pour le détournement de fonds publics, pour plus de 10 millions d’euros (plus de 6 milliards de F CFA), pour la rénovation de ses palais présidentiels, et, ordonné un nouveau procès.

Agé de 86 ans, l’ancien rais, à la santé précaire, n’a pas été remis, en liberté « parce que la décision de la Cour de cassation n’a pas ordonné sa remise en liberté », selon une annonce simultanée de la télévision et l’agence de presse d’Etat. La décision sera, donc, entre les mains du parquet général ou du nouveau tribunal qui va le rejuger. Mais son avocat, Farid al-Deeb, avait assuré que Hosni Moubarak est libre, son client ayant « purgé sa peine » (mais) « il restera toutefois dans cet hôpital militaire car il est malade ».

« Quelle que soit mon opinion concernant Moubarak, légalement, il doit être remis, en liberté, car il a purgé sa peine ou il approche de la fin, et, s’il demeure détenu, ce ne peut être que le résultat de pressions politiques », a estimé l’avocat, Gamal Eid, qui dirige l’ONG égyptienne, Arabic Network for Human Rights Information.

La plus haute juridiction égyptienne a, également, annulé la condamnation, à quatre années de prison, de ses deux fils, Alaa et Gamal Moubarak, dans la même af faire de détournements.

Le 30 novembre, l’Egypte avait accueilli, dans l’indifférence, l’abandon des accusations contre l’ex-raïs, pour son rôle, dans la mort de 846 manifestants durant la révolte populaire, dans la lignée des printemps arabes, en janvier et février 2011. Cet abandon avait été motivé par d’obscurs « vices de procédure ».

Le procureur général a fait appel de cette décision devant la Cour de cassation, laquelle doit, maintenant, décider d’ordonner un nouveau procès ou de confirmer l’abandon des poursuites.

L’Egypte est, désormais, dirigée par l’ex-chef de l’armée, Abdel Fattah al-Sissi, élu président, après avoir destitué l’islamiste, Mohamed Morsi, en juillet 2013, et réprimé, dans le sang, ses partisans. Très, majoritairement, pro-Sissi, la population excédée, par trois années de chaos politique et économique, depuis la chute de Hosni Moubarak, avait, peu, réagi à la relaxe de l’ex-raïs. Au Burkina Faso, la révolution d’octobre ne vient que d’avoir lieu. Mais les choses s’accélèrent et le pouvoir de transition, qui devra passer le tablier à un président issu des élections du 11 octobre 2015, sait ne pas avoir beaucoup de temps pour agir. C’est la raison pour laquelle il tente d’aller vite d’autant plus qu’il n’a aucune envie d’être suspecté, par la population, de jouer la montre, pour éviter de s’attaquer aux dossiers de justice dont tout le monde parle, à savoir, le dossier de l’assassinat de l’ancien journaliste, Norbert Zongo, mort en décembre 1998, et celui de l’ancien président, Thomas Sankara, descendu, en plein Conseil de l’Entente, le 15 octobre 1987. De l’avis général des Burkinabé, dans leur majorité, ce sera sur la base des résultats produits, par la justice, qu’ils jugeront le pouvoir de transition dirigé par le président, Michel Kafando, et le premier ministre, Yacouba Isaac Zida. La seule interrogation, c’est leur degré d’autonomie par rapport à certains chefs d’Etat de la sous-région, qui les invitent à beaucoup plus s’impliquer dans le succès de la transition, que dans le déterrement des vieilles affaires de justice dont le prochain gouvernement peut, valablement, s’occuper.

Cela dit, la justice constitue une priorité. Le chef de l’Etat intérimaire en a fait une préoccupation principale, sans le cacher, dans l’entretien qu’il a accordé aux médias burkinabé, avant la fin de l’année dernière.

La justice constitue, actuellement, le fondement de la cohésion sociale. Accessible à tous et exercée, en toute impartialité, conformément, aux lois en vigueur, la justice devient un terreau pour le renforcement des relations entre les administrations étatiques et les administrés, d’une part, et, d’autre part, entre les autorités et les citoyens. En s’insurgeant contre le régime de Blaise Compaoré, les Burkinabé rejetaient, aussi, vigoureusement, tout un système de gouvernance dont la triste caractéristique est une justice politisée appliquant le deux poids deux mesures. Cette justice a cristallisé les mécontentements autour d’elle, qui ont, entre autres, favorisé l’insurrection de fin octobre. Il est, donc, question que l’institution judiciaire œuvre à redorer son blason, terni par ses décisions passées, et qui, souvent, étaient, fortement, contestées. Voilà pourquoi, le pouvoir de transition, sans tarder, s’est saisi de gros dossiers brûlants qui ont su s’appuyer sur le régime déchu pour se soustraire de la justice, et se mettre au-dessus de la loi.

L’Etat a pris la décision de donner les moyens nécessaires à la famille Sankara, aux fins de procéder à l’expertise de sa tombe. Il appartient, donc, à la ministre de la Justice, de donner des instructions au procureur général pour la réouverture formelle du dossier Sankara. Ce n’est qu’un détail du moment où le président et le premier ministre de la transition, vibrent au même diapason sur ces différents dossiers de justice, volontairement, enterrés sous le précédent régime.

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