CINEMA : « DOLE », UN FILM DOUX-AMER SUR LES BIDONVILLES DE LIBREVILLE.

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Premier long métrage d’Imunga Ivanga, « Dôlé » raconte le quotidien de quatre garçons livrés à eux-mêmes dans un bidonville de Libreville. Mougler et sa bande ne savent que faire de leur existence vide à laquelle il tente d’échapper par de menus larcins. Aujourd’hui, ils vont démonter les pneux d’une voiture qu’ils revendront chez Dr Michelin. Le jour d’après, ils mettent au point un stratagème qui leur permet de « braquer » un magasin tenu par un commerçant libanais, où ils raflent quelques « ghetto blasters » afin de réaliser leur rêve de chanteur de rap. Parce que dans cet univers sans horizon, le rêve représente le seul espace d’ouverture au monde. C’est ainsi que, tenant à la main un bateau remorqueur fabriqué à base du coeur de raphia, Joker, le benjamin du groupe, se lance dans un voyage autour de la terre.

Englués dans ce milieu sans issue, les quatre garçons apprennent qu’un jeu de hasard (« Dôlè ») vient de voir le jour en ville. Le jeu connait un immense succès. Il suffit de gratter un ticket de loterie pour devenir millionnaire. Signalons que « Dôlè » est une variation du mot « dola », lui-même probablement dérivé de l’américain « dollar ». Le musicien gabonais François N’gwa a d’ailleurs bien joué sur l’homophonie des deux mots dans une chanson intitulée « Dolo » (voir l’album « La panthère a pleuré », dont est tirée une bonne partie de la musique du film). Au fil des jours, « Dôlè » deviendra l’horizon du rêve collectif. Malheureusement, le pactole ne tombe pas toujours dans les mains de ceux qui le désirent le plus. A Mougler, attristé par la maladie de sa mère, qui affirme avoir le plus besoin de ce « million », le reste de la bande réplique en s’écriant : « nous avons tous besoin de cet argent ». Pour ne plus être les jouets des « singes moqueurs », la bande décide d’organiser la casse du kiosque qui abrite le jeu. Primé au Festival de Carthage 2000, « Dôlè » est un film tendre, amusant, quelque peu naïf, mais chargé de sous-entendus : en traînant sa camera du côté des matitis, Imunga Ivanga cherche à interpeller les autorités politiques sur les drames de la cité africaine. Car une société qui laisse sa jeunesse croupir dans un univers aussi malsain n’a pas d’avenir. Si Mougler ravale son ressentiment envers une société qui a laissé mourir sa mère parce qu’on ne l’a pas soignée à temps, le jeune homme doit cette capacité de dépassement à sa bande au sein de laquelle il retrouve les valeurs d’amour et de solidarité qui ont déserté le monde des adultes. Somme toute, le regard ténébreux de Mougler semble dire, à lui tout seul, l’inquiétude d’une jeunesse qui pose une seule exigence : do the right think.

Marc Mvé Békalé

Réalisation, Imunga Ivanga, Scénario et Dialogues Imunga Ivanga, Freddy N’zong Mbeng (auteur d’un livre intitulé Les Matitis), Philippe Mory, image Dominique Fausset, musique François N’gwa, Emile Mapango, Nzinga, Ella Okoué, Annie-Flore Batchiellilys, interprétation David Nguema Nkoghe, Emile Mepango Matala, Roland Nkeyi, Evrard Ella Okoué, Anouchka Mabamba, Nicaise Tchikaya… A voir à l’Espace Saint Michel, 7 Place St-Michel (5e arrondissement, Métro St-Michel), Entrepôt, 7/9 rue Francis de Pressensé (14e arrondissement, Métro Pernety).

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