La crise s’enlise au Soudan où le gouvernement créé parallèlement par les Forces de soutien rapide (FSR) a vu le jour le 26 juillet dernier. Avec à sa tête Mohamed Hamdan Daglo, alias Hemedti, et comme premier ministre, Mohamed Hassan al-Ta’ayshi, cette autorité donne des sueurs froides aux Etats voisins d’une sous-région au bord d’une implosion des conflits armés. Fait surprenant : William Ruto n’a pas pris part à cet événement qu’il avait, pourtant, enfanté.
Dans le communiqué le plus poignant qu’il a pondu depuis un moment, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a, copieusement, critiqué la naissance du conseil rival à celui du général-président, Abdel Fattah al-Burhane. L’assimilant à une tentative de balkanisation du Soudan, il a appelé tous les pays membres de l’UA à ne pas reconnaître le nouveau gouvernement de Nyala. Mais le Kenya rentrera-t-il dans les rangs ? (sur notre photo, les présidents du Soudan du Sud et du Kenya affichent une proximité qui encourage le rebelle Hemedti dans ses basses oeuvres).
Après avoir indigné toute l’Afrique en accueillant Hemedti et ses acolytes venus à Nairobi, fin janvier, pour annoncer la formation de leur gouvernement parallèle, William Ruto aurait dû être reçu sur tapis rouge par son ami et rebelle soudanais, non seulement, en tant que leader kényan, mais aussi, en tant que président en exercice de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE). Son absence ne saurait, toutefois, être vue comme une prise de conscience du personnage.
D’où l’impératif de chercher à comprendre pourquoi les organisations sous-régionales et continentales d’Afrique, et leurs consoeurs internationales n’ont pas encore étudié, ou plutôt adopté, l’idée d’administrer des sanctions à Ruto pour avoir réduit à néant des années d’efforts de médiation au Soudan. Est-ce à cause de la basse besogne qu’il réalise à Haïti pour le compte des Américains et qui lui confère un semblant de couverture ?

La CAE, suivie de l’UA, devrait se pencher sur son cas, en ayant à l’esprit que même si d’autres acteurs externes, tels que les Emirats arabes unis, sont régulièrement cités comme partie prenante au conflit soudanais, ils agissent dans l’ombre. Ce qui n’est pas le cas du Kenya, dont la responsabilité dans la crise humanitaire du Soudan est, officiellement, établie et visible depuis que William Ruto a offert une plateforme à Nairobi à Hemedti pour concevoir la partition du Soudan.
Ne pas sanctionner le président kényan reviendrait à encourager que ce genre d’attitude se reproduise ailleurs sur le continent africain. L’urgence étant là, il ne faudrait pas, non plus, attendre que des actes concrets soient, d’abord, posés par des acteurs extérieurs, avant que les Africains ne se lèvent à leur tour, pour ainsi confirmer l’interminable suivisme qu’on leur reproche depuis toujours. Quand apprendront-ils à gérer eux-mêmes les crises afro-africaines ?
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)