CONGO-BRAZZAVILLE : « Un pays de voleurs » (Bonnes feuilles du très intéressant livre de Laurent Dzaba)

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La pauvreté des Congolais est restée, la même, en dépit de l’accroissement constant de la richesse du pays ! La croissance ne bénéficie, en rien, au peuple. Plus de la moitié des Congolais vivent, en dessous, du seuil de pauvreté. Le revenu moyen, par habitant, se situe, environ, à 2 euros, par jour. Où va l’argent du pétrole ? Dans les poches de qui ?

Le responsable de l’aval pétrolier au sein de la Société nationale du pétrole du Congo qui gère la vente du pétrole, est le fils cadet du président ! Cette seule remarque suffit à répondre à la question ! Les richesses tirées du pétrole congolais sont confisquées, à leur profit, par les gens du pouvoir et, en rien, redistribuées au peuple.

L’économie du pétrole, au Congo, reste, volontairement, opaque. Les Congolais ne savent pas à quel prix le pétrole est vendu ni combien il rapporte exactement. Toutes les informations à, ce niveau, sont verrouillées. Le maintien du peuple, dans cette ignorance, est, déjà, en soi, un aveu de la confiscation des richesses, par le pouvoir ! Des associations ont été mises, en place, qui luttent pour la transparence des industries extractives, mais, elles ne maîtrisent, rien du tout, et les chiffres donnés sont fantaisistes et invérifiables. On peut dire que le pétrole congolais est géré sur un coin de table entre le président et son fils ! C’est du vol organisé et personne ne peut s’en plaindre du fait de la dictature. On peut parler d’un véritable pillage ! Pendant une certaine période, des cargaisons de pétrole ont, même, carrément, disparu dans la nature. Le vol a été manifeste et personne ne s’est plaint.

Oui, le détournement des richesses est un sport national, au Congo ! Ce qui suppose que soient gardées opaques toutes les informations sur la gestion du budget, des institutions et de la présidence de la République. Le pétrole apparaît, ainsi, comme la propriété du président et de sa famille. L’argent de la vente du pétrole n’est pas versé au Trésor Public.

Les Congolais connaissent la blague classique sur deux ministres des Travaux publics, l’un, Français, et l’autre, Congolais. Selon l’histoire, le ministre congolais rend une visite privée à son homologue français. Il admire, beaucoup, sa villa et lui demande comment il a pu se construire une telle maison compte tenu de son salaire. Le ministre français l’amène à la fenêtre et lui montre une autoroute :

« Tu vois cette autoroute ? J’ai demandé à l’entrepreneur d’en rogner quelques centimètres et cela m’a permis de construire ma villa ! », lui répondit-il.

Quelque temps, plus tard, le ministre français rend, à son tour, une visite de courtoisie au domicile de son homologue congolais. C’est un somptueux château qu’il y trouve ! Le ministre français s’exclame alors :

« Quand tu es venu chez moi, tu as admiré ma villa qui est une véritable hutte à côté de la tienne ! Pourtant, un ministre congolais gagne un salaire bien inférieur à celui d’un ministre français! » (Ajoutons pour l’anecdote que la situation s’est inversée depuis deux ans !)

« Tu vois cette autoroute ? », lui demande-t-il.

« Non, je n’en vois pas ! », s’étonna le ministre français.

« Eh bien, justement ! », lui rétorqua le ministre congolais.

En 2005, le jugement du Tribunal de Grande Instance britannique a identifié un trafic d’au moins 472 millions de dollars US, qui ont transité, à travers, deux sociétés : Sphynx Bermuda et Africa Oil and Gas Corporation (AOGC). La majeure partie des bénéfices dégagés des ventes du pétrole, a abouti dans les comptes bancaires de l’AOGC. Ce système de sociétés-écrans était, entièrement, contrôlé par l’ancien dirigeant de la SNCP, aujourd’hui, député de Boundji, Denis Gokana, qui a supervisé les ventes de pétrole alors qu’il était conseiller spécial du président. La FIDH (Fédération internationale des droits de l’homme) a publié un rapport sur la gestion de la rente pétrolière, au Congo- Brazzaville. Ce rapport est sans appel. Il affirme que :

« 70% de la population congolaise vit en dessous du seuil de pauvreté. Pourtant, le pétrole est un important potentiel économique représentant 67% du PNB : 95% des exportations et 78% des revenus de l’État. »

A tous ces détournements, s’ajoutent les coûts de la corruption généralisée, dans le pays, qui prévaut, dans toutes les sphères de la vie politique, économique et sociale du Congo. Aucun ministère n’y échappe. La corruption concerne tous les étages de l’État, avec des foyers plus importants dans le Trésor Public, les Douanes, la Police nationale, l’Armée, les services de l’Immigration et de l’Émigration, la Justice, la Santé, le Commerce et l’Approvisionnement, le Cadastre, les Mairies et les Préfectures…

Parmi 178 pays, Transparency International effectue un classement des pays les plus corrompus sur un indice de perception de la corruption établi, en 2010. Cet indice mesure le niveau de corruption publique à partir de la perception des entreprises et d’experts sur place. Le Congo-Brazzaville obtient le rang de 154e !

Aux détournements et à la corruption s’ajoute, enfin, la fuite des capitaux. Des valises de billets circulent, ainsi, que de l’argent caché dans des tombes et des coffres-forts dissimulés, partout, sur le territoire national. Selon le rapport DATA 2013 de l’ONE, le Congo se trouve en queue de peloton (parmi les trois derniers) des pays qui respectent les huit objectifs du Millénaire pour le développement :

« La croissance économique n’est pas pour autant corrélée avec la réduction de la pauvreté qu’elle le pourrait », regrette le rapport.

En février 2012, la congolaise : « Publiez ce que vous payez » (PWYP Congo), une ONG luttant contre la corruption, a jugé « incompréhensibles » des écarts relevés entre les revenus pétroliers déclarés par le Congo au Fond monétaire international (FMI), en 2010, et ceux de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE).

« Il est simplement incompréhensible que pour 2010, les recettes pétrolières déclarées au Fond monétaire international (FMI) se chiffrent à 1.758 milliards de F CFA (plus de 2,6 milliards d’euros) et que, pour la même période, l’Initiative pour la Transparence dans les industries extractives (ITIE) ait déclaré 1.553,25 milliards de F CFA (plus de 2,3 milliards d’euros), soit un écart de près de 204 milliards de F CFA (plus de 310 millions d’euros) pour lequel le gouvernement devrait fournir des explications », écrit PWYP Congo dans un communiqué.

« Le refus de coopération de ces différentes entités publiques (dont la Direction du Trésor) a eu pour résultat des écarts injustifiés des flux physiques et financiers s’élevant respectivement à 1.384.059 barils et 106 milliards de F CFA (plus de 161 millions d’euros) », ajoute-t-elle.

Où va, donc, l’argent du pétrole congolais ? La réponse est claire et connue de tous les pays du monde : il est mis au service des intérêts privés de la petite caste dominante qui tient le pouvoir et tourne autour de lui.

Pour un Congo-Brazzaville libre et prospère !

Le temps d’agir

Par Laurent Dzaba

Paris L’Harmattan 2014,

226 pages, 23 euros.

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