CORONAVIRUS : Quand un petit pays a de grandes idées

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En plus du confinement de la population, des mesures exceptionnelles et vigoureuses sont nécessaires si l’on veut efficacement lutter contre le COVID 19. Le Niger l’a bien compris puisqu’il n’a pas hésité, lors du conseil des ministres du 27 mars 2020, à prendre de bonnes décisions, pour faire face à la pandémie.

Ces décisions sont : “Prise en charge gratuite des malades confirmés positifs au COVID 19 suivant le protocole chloroquine et/ou azithromycine en milieu hospitalier ou de soins ; mise en œuvre de la stratégie de recherche active des cas suspects de malades à coronavirus ainsi que le renforcement du test de dépistage ; renforcement des équipements de protection du personnel de santé engagé dans la lutte contre le coronavirus ; recrutement de 1.500 agents de santé à la Fonction publique de l’Etat ; report de la date limite de paiement de la vignette à la fin du mois de juin 2020 au lieu du 31 mars 2020 ; prise en charge par l’Etat des factures d’électricité et d’eau pour les tranches sociales pour les mois d’avril et mai 2020 ; remise gracieuse de peines en faveur de 1.540 détenus pour des raisons humanitaires et pour désengorger les maisons d’arrêt ; suspension des contrôles fiscaux sur place pendant les mois d’avril et mai 2020 ; exonération de la TVA pendant toute la durée de la suspension des activités, pour les transports terrestres inter urbain de personnes ; report du paiement de la deuxième échéance de l’impôt synthétique du secteur de transport au 1er mai 2020 au lieu du 1er mars 2020 ; suspension des poursuites en matière de recouvrement des impôts et taxes pendant trois (3) mois, soit, jusqu’au 30 juin 2020 pour les agences de voyages ; suspension des poursuites en matière de recouvrement des impôts et taxes pendant deux mois à compter du 1er avril 2020 pour les bars et débits de boissons ; suspension des poursuites en matière de recouvrement des impôts et taxes pendant deux mois à compter du 1er avril 2020 dans le secteur des sports et loisirs.”

Le Niger, pays aride où plus des deux tiers de la population vivent avec moins d’un dollar par jour, s’était déjà positivement illustré en août 2017 avec l’inauguration de l’hôpital général de référence de Niamey.

Le Niger, pays aride où plus des deux tiers de la population vivent avec moins d’un dollar par jour, s’était déjà positivement illustré en août 2017 avec l’inauguration de l’hôpital général de référence de Niamey. Construit par les Chinois et ayant coûté plus de 45 milliards de F CFA à l’Etat nigérien, cet hôpital de 500 lits vise à “réduire de manière significative les coûts des évacuations sanitaires (ces coûts étaient passés de 800 millions à 10 milliards de F CFA entre 2010 et 2017) et à obliger le président de la République, les ministres, les députés et toute autre personnalité à se soigner sur place aux frais de l’Etat”.

En décidant de venir en aide aux populations et entreprises, en bâtissant un hôpital de pointe, le Niger démontre ainsi qu’être un petit pays (petit parce que disposant de moins de moyens que la Côte d’Ivoire) n’empêche pas d’être grand dans la tête. Bravo à son gouvernement et à son président qui n’a pas fui Niamey pour se cacher à Tahoua, à Tillabéri ou à Zinder avec l’illusion et le faux espoir que la pandémie ne pourrait l’y atteindre ! Honte, en revanche, à l’autre qui semble affectionner les hôtels. En effet, après avoir fait hier du Golf hôtel de la Riviera (Cocody) son quartier général où comzones et mercenaires de la sous-région se préparaient à massacrer les Ivoiriens, il aurait réquisitionné 13 établissements hôteliers d’Assinie pour éviter que sa famille et ses serveurs de thé ne soient contaminés. Du coup, l’accès à cette ville est devenu difficile, voire impossible, pour quiconque ne fait pas partie de la race et du clan élus.

Précaution ridicule, vaine et inutile cependant car quel endroit la mort ne peut-elle pas pénétrer ? Où ne peut-elle pas sévir ou frapper ? Si c’est le coronavirus qui doit mettre fin au règne de tous ceux qui ont donné gratuitement la mort à d’autres, aucune précaution n’y pourra rien. Et si le destin veut que ceux qui ont semé la mort et la désolation dans notre pays depuis 2002 débarrassent le plancher de cette façon, ni aucun tuteur ou protecteur occidental, ni aucun compte bancaire, ni aucune société secrète ne pourra empêcher ce destin de s’accomplir.

En attendant, il est réjouissant de constater que ceux qui sont devenus milliardaires en syphonnant les caisses de l’Etat et en affamant les pauvres ne pourront plus sortir du pays pour se faire soigner dans les grands hôpitaux de France qui eux-mêmes sont démunis (la France attend que la Chine lui livre un milliard de masques).

Il y a quelques jours, le footballeur professionnel Max Gradel, le chanteur Asalfo de Magic System, l’ancien ministre RDR Adama Bictogo et les autres, qui sont loin d’appartenir à la catégorie des démunis, ont présenté leurs excuses aux Ivoiriens. C’est une bonne chose de le reconnaître quand on a mal agi mais ce qu’on attend d’abord et avant tout de ceux qui auraient dû se rendre à l’INJS pour éviter la propagation de la maladie, c’est qu’ils se montrent solidaires de leurs compatriotes confinés et n’ayant aucun moyen de savoir s’ils sont porteurs ou non du virus en prenant une partie de leurs millions pour offrir masques, gants et gels aux hôpitaux et dispensaires, en soutenant les petits vendeurs et propriétaires de maquis et de restaurants, en payant la chloroquine pour les moins nantis ayant contracté le coronavirus, en contribuant à la prise en charge des frais de dépistage, dépistage qu’ils devraient encourager, car se contenter de confiner les gens ne sert à rien.

Au Niger, si les gens « tolèrent » le confinement, c’est parce que leur gouvernement a promis de régler leurs factures d’eau et d’électricité et de soutenir financièrement certaines petites et moyennes entreprises. Le gouvernement ivoirien, lui, n’a pris aucune mesure sociale et demande à la population de ne pas sortir. Mais comment des personnes, qui vivent au jour le jour et gagnent leur pain la nuit, vont-elles nourrir leur progéniture si elles sont confinées ? Et puis, le coronavirus ne s’attrape-t-il que de 7 h du soir à 5 h du matin ? Pourquoi ne pas utiliser ce temps pour désinfecter les quartiers et marchés? Quelle est la pertinence d’un confinement non accompagné de mesures sociales ? Comment peut-on confiner les autres à Abidjan alors que soi-même on se la coule douce à Assinie ?

Jean-Claude DJEREKE
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis)

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