Le samedi 24 août 2019, les “Chinois” (c’est ainsi qu’on appelle les partisans de DJ Arafat) ont marché en l’honneur de leur président décédé 12 jours plus tôt à l’âge de 33 ans dans un accident de moto. Combien étaient-ils ? 20 mille ? 100 mille ? Difficile à dire.
En tous les cas, nombreux étaient les fans qui ont rallié Angré (un quartier de la commune de Cocody au Nord d’Abidjan), ce jour-là, ce qui prouve une fois de plus que “ le Daïshikan” avait du monde derrière lui, que sa musique et ses messages plaisaient et parlaient à un bon nombre de jeunes et de moins jeunes. Je ne résiste pas à l’envie de leur dire bravo et merci pour cette démonstration de force et d’affection. On peut imaginer qu’ils seront plus nombreux le 30 août, la veille de l’inhumation du “Zeus d’Afrique”. Chacun se remémorera alors la vie et les combats de Yôrôbô, son enfance difficile, ses frustrations, peines et angoisses, son acharnement au travail pour survivre. Chacun se souviendra également de ses coups de gueule, de son saint refus de se soumettre à l’injustice. Et c’est ici que je voudrais interpeller la Yorogang, car il y a encore trop d’injustice dans notre pays, en lui disant ceci : lorsqu’on représente 52,4% de la population ivoirienne (chiffres du Recensement général de 2014), on doit prendre conscience qu’on constitue une force et que n’importe quel pouvoir est obligé d’écouter cette frange de la population et de discuter avec elle.
Marcher, ce 24 août, était incontestablement une bonne chose mais, à mon avis, la meilleure façon, pour les partisans du “Commandant Zabra”, de perpétuer son souvenir serait, non plus de subir en silence la gestion de la Res publica, par des individus plus soucieux de se servir et de s’enrichir que de servir toute la population, mais, de se faire entendre quand le pays souffre ou pleure, d’organiser des marches (aussi imposantes que celles de samedi) pour protester contre la confiscation des médias publics par le RDR, les marchés passés de gré à gré, le rattrapage ethnique, les hôpitaux et dispensaires devenus de véritables mouroirs, l’école qui ne coûta jamais autant cher que sous ce régime violent et liberticide, le chômage qui frappe de plein fouet nombre de diplômés, l’enlèvement et le sacrifice des enfants, l’assassinat des gendarmes et policiers par les “Microbes” et autres affreux “Gnambros”, le siphonnage quotidien des caisses publiques, etc.
Le roi du Coupé-Décalé, qui s’est imposé en étant inventif et en travaillant dur, n’aura pas chanté en vain, sera fier des Chinois, si et seulement si, ces derniers se mettent au travail, s’ils mettent du sérieux dans leur travail, s’ils ne méprisent aucun métier, s’ils se cotisent, non pas, pour acheter des casiers de bière et de vin, mais, pour ouvrir une boutique, monter une petite entreprise ou créer une unité de production.
Jean-Claude DJEREKE
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis)