COUP D’ETAT AU BENIN : Le pire reste à venir

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Depuis un certain temps, Afrique Education critique le recul démocratique marqué observé au Bénin. Mené par Patrice Talon, dont beaucoup ne découvrent qu’aujourd’hui le facette de l’autocrate, ce pays n’a jamais été le territoire paisible que les autorités de Cotonou présentaient au monde entier en guise de justification. Sans le Nigeria et la France qui sont intervenus in-extremis, il aurait connu un putsch ce 7 décembre que peu auraient pu imaginer. La tentative de coup d’état déjouée, cet épisode servira-t-il de leçon au soldat Talon ? Même pas en rêve !

On dit souvent d’un homme averti qu’il en vaut deux. Mais, pour le locataire du palais de la Marina, ce dicton n’est qu’un vulgaire alignement de mots. Après s’être terré en lieu sûr dès les premiers coups de feu, il est réapparu quand la situation est passée sous contrôle, et a pris la parole pour condamner les militaires qui avaient cherché à le renverser. Alertée à son tour, la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) s’est jetée sur cette occasion en or pour déployer des troupes militaires dans un but qui interroge, puisque les soldats français, béninois et nigérians avaient déjà quadrillé tout le pays. 

Le colonel Pascal Pigri (au milieu) a obtenu le statut de réfugié au Burkina Faso.

Officiellement, l’organe ouest-africain soutient que les hommes en tenue venus de Sierra Leone et de Côte d’Ivoire ont pour mission d’appuyer le retour à l’ordre constitutionnel au Bénin. Mais, officieusement, il a finalement pu se déployer militairement aux abords du Sahel, vers lequel ses yeux sont rivés depuis l’éjection du pouvoir de Mohamed Bazoum fin août 2023, et la création de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), des mois plus tard. Coïncidence ou pas, les partisans de l’intervention militaire annoncée jadis mais avortée sont à nouveau aux avant-postes. 

Une problématique majeure relative à la raison officielle de la présence des forces armées de la CEDEAO anime cependant les débats de la société civile béninoise. Patrice Talon, qui n’a jamais convaincu quiconque de son intention de quitter le pouvoir et de rentrer vaquer à ses occupations d’homme d’affaires, a désormais entre ses mains un motif inespéré pour repousser, aux calendes grecques, le scrutin présidentiel prévu en avril prochain. D’autres l’ont fait avant lui, comme Umaru Embalo Sissoco de Guinée-Bissau, parti dans un exil bien mérité, après avoir été renversé.

Certainement pris de cours par la tentative de putsch inédite, Talon devrait, en confirmation de son virage autocratique, surprendre à son tour en exploitant l’état d’urgence national actuel pour se maintenir en poste. Ayant à sa disposition cinq, voire, six armées de pays différents, il pourrait véritablement être tenté de fouler encore plus les principes démocratiques qui lui ont permis d’accéder au pouvoir. Car, avec l’addiction qu’il a développée envers la magistrature suprême, devenir le marionnettiste d’un régime sous Romuald Wadagni ne l’enchante pas du tout.

Paul-Patrick Tédga

MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)  

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