DECES DE PASCAL LISSOUBA : Le témoignage de son ancien (proche) conseiller Romain Bedel Soussa

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Romain Bedel Soussa, comme beaucoup de Congolais, a été affecté par la mort du professeur des professeurs, Pascal Lissouba. Victime du coup d’état militaire perpétré en octobre 1997 par celui que le président, Pascal Lissouba, qualifiait (à juste titre) de « général félon », c’est-à-dire, le général, Denis Sassou Nguesso, il avait dit adieu à la politique en installant ses quartiers à Perpignan en France. Fidèle conseiller pendant tout son parcours présidentiel au point qu’il se voyait à son image (les deux hommes ont d’ailleurs des Antillaises comme épouses), Romain Bedel Soussa a, naturellement, suivi son mentor en exil. C’est donc un témoignage de cœur qu’il livre ce matin et qui est le reflet d’une sincérité qui n’avait jamais fait défaut au bien distingué professeur des professeurs.

Le témoignage de Romain Bedel Soussa.

Pascal LISSOUBA, un homme qui a impacté ma vie. C’est avec beaucoup de tristesse et d’émotion que j’ai appris ce matin, 24 août 2020, le décès de ce grand homme d’Etat.

Homme de science, visionnaire, le président, Pascal LISSOUBA, incarnait une certaine idée de l’Afrique, l’Afrique qu’il aimait tant. Le Congo vient de perdre un fils, un homme d’Etat, un grand patriote attaché à son pays et à son peuple.

Panafricaniste avéré, il attirait la sympathie, non seulement, des Intellectuels et Cadres africains, mais aussi, des Africains simplement., J’ai encore vivant à l’esprit l’accueil qui lui a été réservé lors de notre tournée en Afrique de l’Ouest, en février 1998, après la guerre.

J’ai eu la grâce de connaître en 1991, lors de la réunion que nous avons eue à Tremblay (93 France), celui par lequel je me suis engagé en politique.

La première chose qui m’a impressionné au cours de ce premier contact, c’est sa chaleur humaine, puis, la qualité de son projet de société pour le Congo.

Cofondateur de la Fédération UPADS-France, membre du Bureau fédéral, j’étais tout indiqué pour lui poser des questions sur son projet de société au cours de cette réunion. Je me souviens encore de toutes les questions qu’il nous posait ce jour-là au restaurant. Une de ses questions qui avait retenu mon attention fut celle de la notion de tribalisme. Au cours de cette réunion avec les autres membres du Bureau, j’ai été fasciné par cet intellectuel doté d’une intelligence remarquable. C’était un homme de devoir.

Le président, Pascal LISSOUBA, habité par la conscience du temps long, a fait de la science et la technologie un outil de développement. Il voyait loin.

Le chemin du développement qu’il montrait au peuple congolais ne fut pas seulement celui d’un scientifique de renom, mais aussi, celui d’un chef d’Etat porteur d’un rêve africain.

En tant que son conseiller qui l’a suivi partout sur le chemin du calvaire, je peux, sans subterfuge, témoigner de l’homme. Elu démocratiquement à 62% président de la République du Congo, en 1992, le président, Pascal LISSOUBA, s’efforçait de donner ce qu’il avait de meilleur en lui. Il avait des idées qu’il considérait jusqu’à sa mort, bonnes pour son pays.

Ma première rencontre avec le président, Pascal LISSOUBA, fut un point de connexion solide, qui nous a conduits dans une relation de confiance et de fidélité comme un fils bien-aimé. En 1992, lors du 2ème tour de l’élection présidentielle, il m’invita à participer à la campagne électorale à Talangaî (Brazzaville) où j’ai représenté l’UPADS à côté du professeur, Théophile OBENGA, au bureau électoral de la Circonscription électorale de Talangaî.

Homme de cœur et d’amour sincère, devenu président de la République du Congo, il ne m’a pas oublié. Après la dissolution de l’Assemblée nationale, en 1993, il me sollicita pour être candidat à la députation dans la circonscription d’ABALA. Cette circonscription d’ABALA était pour les dirigeants de l’UPADS à l’époque un siège à oser. Malgré les différentes contraintes à surmonter, contraintes familiales (enfants très jeunes), contraintes professionnelles (arrêt de ma carrière d’ingénieur chez Alcaltel), mes convictions politiques et mon admiration pour cet homme, m’ont amené à prendre une décision difficile : celle d’accepter de me présenter comme candidat à la députation dans la Circonscription d’ABALA.

Le président, Pascal LISSOUBA, s’engagea à financer, personnellement, ma campagne électorale. Il avait une entière confiance en moi, ce qui m’a permis d’accéder au Palais en tant que conseiller à la Présidence.

Cependant, l’inévitable a surgi au moment précis où il se sentait le plus sûr et le plus confiant (sur notre photo Pascal Lissouba reçoit Jacques Chirac à Brazzaville en juillet 1996 venu sceller la réconciliation et réchauffer les relations).

Le 5 juin 1997, la guerre éclate. Deux voies se présentent alors devant moi : quitter le Congo et abandonner le président ou rester à ses côtés, loyalement, fidèlement, jusqu’à la fin de la guerre.

Le 15 octobre 1997, je sors, par la Grâce de Dieu, vivant du Palais sous une pluie d’obus.

En effet, à trois reprises, j’ai raté la mort.

Malgré les circonstances de ma séparation avec le président LISSOUBA au Palais, je n’ai pas manqué de le suivre sur le chemin de l’exil.

Je suis resté à ses côtés au Burkina, aux Pays Bas, à Paris, et à Londres.

Durant le temps passé auprès du président, Pascal LISSOUBA, dans sa traversée du désert, j’ai appris à connaître, réellement, ce grand homme.

Il connut dans son parcours des années de conquête et de combat marquées par des succès et des échecs.

Le président, Pascal LISSOUBA, portait en lui l’amour du Congo et des Congolais. Il avait un grand cœur. C’était un homme généreux dont le cœur était plein de compassion.

Je n’oublierai jamais les conseils et les enseignements que j’ai reçus de ce grand homme.

Le président, Pascal LISSOUBA, était mon mentor, mon père dans la vie politique.

Il a impacté ma vie.

Je veux, ici, dire à Madame LISSOUBA, mon amitié et mon respect, lui présenter toutes mes condoléances ainsi qu’aux enfants.

Ecrit à Paris le 24 août 2020.

Romain Bedel SOUSSA
a été Conseiller du président Pascal Lissouba.

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