DIKEMBE MUTOMBO : Une vie de hauteur et de profondeur

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Il y a un an, le monde disait adieu à l’un de ses géants, dans tous les sens du terme. Dikembe Mutombo, ancien joueur emblématique de la NBA et philanthrope engagé, s’éteignait à l’âge de 58 ans des suites d’un cancer du cerveau. Installé depuis plusieurs années à Atlanta, il y avait passé les derniers temps de sa vie, entouré des siens.

Né à Kinshasa, en République démocratique du Congo, le 25 juin 1966, Dikembe Mutombo n’était pas seulement un athlète exceptionnel. Avec sa stature imposante – 2,18 mètres –, il a marqué les esprits, non seulement, par ses performances sportives, mais aussi, par la grandeur de son cœur.

Une carrière exemplaire en NBA

Mutombo a foulé les parquets de la NBA pendant 20 saisons. Il a joué pour plusieurs franchises prestigieuses, dont les Denver Nuggets, les Atlanta Hawks, les Philadelphia 76ers, les New Jersey Nets, les New York Knicks et les Houston Rockets. Très tôt dans sa carrière, il s’est imposé comme l’un des meilleurs défenseurs de l’histoire du basketball.

Son geste emblématique – lever l’index après un contre, comme pour dire « pas dans ma maison ! » – est devenu légendaire. Il a remporté à quatre reprises le titre de meilleur défenseur de l’année, a été sélectionné à huit All-Star Games et figure parmi les meilleurs contreurs de l’histoire de la ligue.

Le Biamba Marie Mutombo Hospital de Kinshasa du nom de sa vénérée maman.

Mais, au-delà de ses statistiques impressionnantes, c’était sa détermination, son intelligence de jeu et son esprit d’équipe qui faisaient de lui un leader respecté sur et en dehors du terrain. Pour beaucoup, il représentait l’excellence africaine dans le sport mondial, un modèle pour des générations entières.

Un humaniste avant tout

Si la carrière de Mutombo impressionne, sa véritable grandeur se mesure à travers ce qu’il a fait pour les autres. Contrairement à tant de figures publiques qui se contentent de briller sous les projecteurs, Mutombo a utilisé sa notoriété pour servir des causes profondes, avec un engagement sincère et constant. Convaincu que le sport devait être un vecteur de transformation sociale, il n’a jamais oublié ses racines. Avec une vision claire et une volonté farouche, il a financé la construction d’un hôpital dans la banlieue de Kinshasa – le Biamba Marie Mutombo Hospital, du nom de sa mère. Cet hôpital, inauguré en 2007, a offert à des milliers de Congolais l’accès à des soins de qualité, dans un pays où les infrastructures médicales manquent cruellement.

Il a également investi dans l’éducation, en finançant la création d’une école à Tshibombo, dans le Kasaï oriental, une région souvent négligée du Congo. Pour Mutombo, l’éducation et la santé étaient les deux piliers du développement. Il estimait qu’un peuple éduqué et en bonne santé pouvait se relever de n’importe quelle crise. Son engagement ne relevait pas d’un simple geste philanthropique ponctuel. C’était un mode de vie, une mission. Il croyait profondément que la réussite individuelle ne valait que si elle se traduisait en impact collectif. Comme il le disait souvent : « On n’existe vraiment qu’avec les autres. »

Une philosophie de vie inspirante

Dans un monde souvent dominé par l’individualisme, Mutombo incarnait une autre voie. Pour lui, réussir sa vie, ce n’était pas accumuler les richesses ou les titres, mais se rendre utile aux autres. Son message était clair : si les êtres humains ne sont que de passage sur cette terre, alors leur séjour devrait laisser des traces positives et durables. Il refusait de dissocier l’excellence professionnelle de la responsabilité sociale. Il considérait que chaque privilège – qu’il soit financier, éducatif ou médiatique – s’accompagnait d’un devoir moral d’agir. Agir pour ceux qui n’ont pas eu les mêmes chances, tendre la main, bâtir, éduquer, soigner. Son parcours rappelle cette citation célèbre de l’écrivain Albert Pine : « Ce que nous faisons pour nous-mêmes meurt avec nous. Ce que nous faisons pour les autres et pour le monde demeure et est immortel. »

Le géant lors de l’inauguration de son école en 2023 à côté de son buste – Une institution que l’Etat se doit de soutenir pour le bien des jeunes rdcongolais.

Un héritage qui continue de vivre

Un an après sa mort, le souvenir de Mutombo demeure vivace. Non seulement, dans les mémoires des fans de basketball, mais aussi, dans le cœur de toutes celles et ceux qui ont été touchés par sa générosité. Les institutions qu’il a créées continuent leur œuvre. Son hôpital à Kinshasa soigne toujours, son école à Tshibombo continue d’éduquer. Son héritage n’est pas seulement fait de briques et de béton. Il est aussi spirituel et moral. Il nous oblige à réfléchir à ce que signifie réellement « réussir ». Dans un monde souvent obnubilé par l’image et le paraître, il nous rappelle que la véritable grandeur se mesure à l’impact que nous avons sur la vie des autres. Mutombo nous enseigne qu’il est possible de concilier succès personnel et responsabilité collective, performance individuelle et solidarité. Il nous montre que même au sommet de la gloire, on peut rester humble, fidèle à ses origines, engagé envers son peuple.

Une leçon d’humanité

Dikembe Mutombo était un géant du sport. Son décès, il y a un an, a laissé un vide. Mais, il a aussi laissé une lumière. Celle d’un homme qui a su utiliser les outils de sa réussite pour construire, soigner, éduquer, transmettre. Il appartient à cette catégorie rare d’êtres humains qui, au-delà d’avoir réussi dans la vie, ont véritablement réussi leur vie. Il nous laisse un message simple, mais fondamental : « Faites en sorte que votre passage sur terre soit utile à l’humanité. » Et à la lumière de son parcours, on peut dire sans hésitation que Mutombo a été utile, profondément utile. 

Jean-Claude DJEREKE

est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).

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