Les Etats-Unis sont souvent accusés de n’agir que par intérêt. Ce qui n’est pas très étonnant puisqu’ils sont les pionniers du capitalisme. Cependant, leur appétit tend à parfois être insatiable, surtout, lorsqu’il s’agit d’enjeux pouvant leur permettre de dominer sur la sphère géopolitique, comme c’est le cas actuellement avec la RD Congo. Replongeons nous brièvement dans le contexte électoral de 2018 pour avoir une idée de l’approche américaine.
Après avoir constaté d’innombrables irrégularités, à l’instar de nombreux observateurs indépendants, les Américains avaient émis de sérieuses réserves quant au bon déroulement du vote, avant de faire marche arrière et reconnaître la victoire d’un Félix Tshisekedi plus outsider que jamais. Néanmoins, par souci de cohérence avec ce qui avait été constaté juste avant leur changement soudain de direction, les Etats-Unis décidèrent de trouver une poignée de boucs émissaires à sanctionner, dont l’ancien patron de la CENI, Corneille Nangaa. Une décision aussi énigmatique qu’invraisemblable venant de ceux qui se veulent être les défenseurs universels de la démocratie mais qui, non seulement, s’en prirent à celui à qui le crime ne profitait pas, et en plus, ils ne firent pas du tout cas du véritable vainqueur, Martin Fayulu.
Cinq ans plus tard, le même scénario est sur le point de se reproduire, à la différence cette fois que les signes d’obstruction à la tenue d’élections libres et équitables sont bien plus visibles. Les acteurs n’ont, quant à eux, pas changé, les Etats-Unis étant toujours de la partie. Le rôle de ces derniers a particulièrement attiré l’attention, notamment, avec le cessez-le-feu négocié entre la RD Congo et le Rwanda en marge du début du triple scrutin congolais du 20 décembre dernier. Pour l’obtenir, Washington dépêcha Avril Haines, la coordinatrice de toutes les agences de renseignement américain, à Kinshasa et Kigali, pour y rencontrer les deux hommes forts locaux respectifs, les présidents, Tshisekedi et Kagame. Le fait que Paul Kagame ait pris part à cette initiative marque une rupture avec la dénégation à laquelle il s’est livré depuis l’émergence de soupçons sur son soutien à la milice du M23. Forts d’un tel accomplissement, les Etats-Unis devaient, en principe, être ovationnés de toutes parts pour leur intervention salutaire, mais, rien n’en a été. Pourquoi ? A cause des nombreuses questions relatives à leur prise d’action.
En effet, selon des sources bien introduites, le déplacement éclair d’Avril Haines avait en réalité pour objectif d’éviter l’éclatement d’un conflit entre Kinshasa et Kigali, surtout, après la tuerie par un drone d’une douzaine de soldats rwandais présents aux alentours de Goma. Ayant été acquis l’année dernière auprès de la Chine, lesdits drones firent mouche obligeant Washington à rapidement s’interposer pour empêcher une escalade des tensions, qui aurait inéluctablement nui aux intérêts américains dans la région. La protection de ces derniers est une priorité nationale puisqu’ils portent sur l’accès aux minerais stratégiques dont regorgent la RD Congo, et qui doivent permettre d’atteindre des objectifs futurs de domination géopolitique, sachant que la Chine a déjà une bonne longueur d’avance sur ce plan. Autrement dit, la raison de l’interventionnisme américain n’était en rien liée à la volonté de voir les Congolais voter dans la quiétude. Ce qui nous renvoie à la nature intéressée des Américains.
Le fait que les Etats-Unis montrent une fois encore leur préférence à leurs intérêts stratégiques plutôt qu’à la démocratie n’est plus à prouver. Cependant, pensent-ils réellement que leurs prévisions tomberont juste si les Congolais décident de prendre leur destin en main ?
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)