ENVOI DE 5.000 SOLDATS AU BURUNDI : Comment Nkurunziza veut faire échouer la décision de l’UA

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L’Union africaine va-t-elle laisser Pierre Nkurunziza se lécher les babines alors que la population burundaise est en danger de mort sous la menace des forces de défense et de sécurité à sa solde ? Non assistance à peuple (burundais) en danger : voilà ce que l’Afrique retiendra en cas de recul de l’Union africaine sur ce dossier brûlant.

Les dirigeants africains se prononceront lors d’un vote inédit , les 30 et 31 janvier, durant le Sommet de l’Union africaine (UA), à Addis Abeba, sur le déploiement d’une force au Burundi, malgré l’opposition du petit  dictateur, Pierre Nkurunziza.

« Ce sommet pourrait – et devrait – être historique : ce sera la première fois que des chefs d’Etat voteront sur le déploiement d’une force de paix de l’UA dans un pays qui n’a pas donné son accord », souligne Stephanie Wolter, de l’Institut des Etudes de sécurité (ISS), basé en Afrique du Sud.

Justement, depuis quelques jours, Nkurunziza est à la manœuvre pour éviter l’envoi de cette force de 5.000 soldats, dans son pays. Pour cela, il compte sur le médiateur du conflit burundais, l’Ougandais, Yoweri Museveni, qui pourrait, néanmoins, se faire retirer sa médiation car elle fait du sur place, depuis huit mois. Nkurunziza compte, également, sur le Congolais, Denis Sassou Nguesso, qui avait assuré une partie du financement du processus menant à son maintien au pouvoir. Il aurait aussi eu la compréhension du RDCongolais, Joseph Kabila, et même de l’Angolais, José Eduardo dos Santos, qui devrait être représenté au Sommet par le ministre Chicoti. Le rôle de ces présidents, c’est d’influencer la position des chefs d’Etat neutres d’Afrique centrale et de l’Ouest, et de faire ressortir les dangers d’un tel précédent en Afrique.

Ils auront du travail car en face, la situation au Burundi plaide pour une intervention. Les chefs d’Etat comme le Rwandais, Paul Kagame, le Tanzanien, John Magufuli, au pouvoir depuis trois mois à peine, et même le Sud-Africain, Jacob Zuma, pensent que le Burundi ne devrait plus être seul à résoudre son problème : il faut absolument l’aider.

Une majorité des deux-tiers est requise pour autoriser l’envoi de cette Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (Maprobu), décidé par le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA, en décembre, mais, que le petit dictateur de Bujumbura – qui n’a pas encore fait savoir s’il assisterait au Sommet – a promis de « combattre » comme « une force d’invasion et d’occupation ». Par rapport à sa participation au Sommet, il y a de fortes chances qu’il ne s’y rende pas. Depuis le coup d’état raté, en mai dernier, alors qu’il séjournait, à Arusha, pour un sommet sous-régional, Nkurunziza a pris la mesure du danger qui le guette, lui qui est dans le viseur de toute la communauté internationale. « Qui a été mordu par un serpent a peur d’une corde », dit un proverbe bantou. Le président burundais a peur de se faire avoir par un autre coup d’état, alors qu’il serait en plein Sommet, à Addis Abeba.

Malgré les potentielles « conséquences dévastatrices » de la crise burundaise pour les Grands Lacs soulignées par la présidente de la Commission de l’UA, Nkosazana Dlamini-Zuma (notre photo où elle est avec Robert Mugabe, président du Zimbabwe et en exercice de l’UA, et Jacob Zuma de l’Afrique du Sud), et les avertissements du CPS sur les risques de « génocide » au Burundi – dont l’histoire post-coloniale est jalonnée de massacre entre majorité hutu et minorité tutsi -, l’issue du vote des dirigeants africains est très incertain.

Un déploiement supplémentaire d’observateurs des droits de l’Homme et d’experts militaires en plus de la poignée déjà présents depuis juillet au Burundi, semble à l’étude pour remplacer la Maprobu, face à l’intransigeance de M. Nkurunziza et ses fidèles sourds aux pressions internationales et aux menaces de sanctions.

En visite à Bujumbura ces derniers jours, les ambassadeurs du Conseil de sécurité de l’ONU, qui paraissent divisés, n’ont pas réussi à faire plier M. Nkurunziza, tant sur le déploiement de la force que sur la reprise du dialogue avec ses adversaires. Le chef de l’Etat leur a assuré qu’il « n’y aura plus de génocide au Burundi » et que « le pays est en sécurité à 99% ».

Les dirigeants de l’UA « doivent comprendre l’urgence de la situation », a, néanmoins, prévenu Matthew Rycroft, l’ambassadeur britannique aux Nations-Unies, alors que la crise a, déjà, fait plus de 400 morts et poussé 230.000 personnes à l’exil, selon l’ONU.

Après avoir lui, aussi, rencontré la délégation du Conseil de sécurité de l’ONU, le commissaire à la Paix et la Sécurité de l’UA, Smail Chergui, a estimé crucial que la communauté internationale « reste unie sur le Burundi ».

Le Sommet de l’UA devrait, également, retirer la médiation ougandaise, incapable de faire reprendre les négociations entre le camp Nkurunziza et le large front de ses adversaires, alors que les membres du Conseil de sécurité poussent pour un rôle accru de l’ONU dans ces discussions. La désignation de Yoweri Museveni comme médiateur de cette crise, fut une erreur. Museveni ne peut que caresser Nkurunziza dans le sens du poil.

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