FOOTBALL AFRICAIN : A quand l’africanisation des postes de sélectionneur national ?

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C’est un honneur de reconnaître son erreur. C’est encore mieux de la corriger de la meilleure des manières. Au lendemain de la déconfiture de certains pays à la CAN Egypte 2019, on a assisté au limogeage, sans tarder, des sélectionneurs qu’on paie à prix d’or mais dont les prestations sont à pleurer.

Je ne suis pas un spécialiste des questions sportives, mais, un modeste observateur des questions politiques, économiques et culturelles. Je ne peux, cependant, me taire devant des scandales que j’ai observés alors que se jouait la CAN EGYPTE 2019.

S’il y a un secteur où l’Afrique est bien dotée en ressources humaines, c’est bien celui du football. Malheureusement, ce sport-roi continue d’être pris en otage par des dirigeants sans foi ni loi, dont l’action est, parfois, motivée par la recherche du seul gain personnel.

Sur les 24 équipes admises à la CAN EGYPTE 2019, 13 étaient entraînées par des sélectionneurs étrangers contre 11 par des sélectionneurs locaux. Sur les 13 équipes managées par des Non-Africains, plus des 2/3 auraient pu atteindre l’Egypte avec un sélectionneur local.

Les 11 sélectionneurs locaux présents en Egypte s’appelaient : Kwesi Appiah (Ghana, quart de finale), Ibrahim Kamara (Côte d’Ivoire, quart de finale), Aliou Cissé (Sénégal, finale de la CAN), Florent Ibenge (RDC, huitième de finale), Djamel Belmadi (Algérie, finale de la CAN), Mohamed Magassouba (Mali, huitième de finale), Baciro Candé (Guinée-Bissau), Sunday Chidzambwa (Zimbabwe), Olivier Niyungeko (Burundi), Emmanuel Amunike (Tanzanie) et Ricardo Manetti (Namibie). Ces 11 sélectionneurs ont, tous, été à la hauteur, en Egypte, bien que les cinq derniers cités, aient vu leurs équipes éliminées, après la phase des trois matchs de poule.

Autre souci, la disparité dans les salaires. Sur le plan des rémunérations, en effet, les écarts sont scandaleux alors que les résultats des sélectionneurs non-nationaux, sur le terrain, ne suivent pas toujours. Par exemple, le Mexicain, Javier Aguirre, qui a « aidé » les Pharaons à n’atteindre que les huitièmes de finale et qui a (justement) été limogé le soir de leur défaite contre les Bafana Bafana de l’Afrique du Sud, percevait, 108.000 euros par mois. En deuxième position, le duo des extra-terrestres néerlandais, Clarence Seedorf et Patrick Kluivert, limogés, eux aussi, pour incompétence, le 16 juillet, gagnaient 96.000 euros par mois. Médaille de bronze de ce palmarès des hauts salaires, le Français, Hervé Renard, sélectionneur des Lions de l’Atlas, à qui la Fédération royale de football du Maroc alloue, mensuellement, 80.000 euros. Pour quels résultats ? Tout comme Javier Aguirre, Seedorf et Renard ont été défaits en huitième de finale. Pourquoi est-on parti les chercher aussi loin pour d’aussi piètres performances ? Alors que l’Egypte possède un véritable vivier de bons entraîneurs dans un championnat national relevé, sa fédération préfère faire confiance à l’expérience étrangère même quand les résultats ne suivent pas toujours. Il y a deux ans, à la CAN GABON 2017, l’Egypte n’a pu rien faire, avec son sélectionneur argentin, Hector Cuper, se faisant battre en finale, 2-1 par les Lions indomptables du Cameroun. Deux ans plus tard, l’Egypte a encore régressé, à domicile, avec son sélectionneur mexicain payé à prix d’or. Quand cette fédération tirera-t-elle les leçons de ses très mauvais choix alors que celui qui fera gagner les « Pharaons » se trouve être un sélectionneur égyptien ?

Que dire de Monsieur Renard qui s’offusque chaque fois que les Africains poussent leurs fédérations à recruter des sélectionneurs africains ? On observe qu’avec son gros salaire, il n’a mené le Maroc nulle part, ni à la CAN GABON 2017, ni à la CAN EGYPTE 2019 : quart de finale au Gabon et huitième de finale en Egypte. Le Maroc sous Renard a purement et simplement régressé. Pour 80.000 euros par mois ? Si la fédération de Sa Majesté le Roi Mohammed VI a de l’argent à jeter par la fenêtre, surtout qu’elle ne change pas ce sélectionneur qui fait tant « gagner » le Maroc.

Le cas de Clarence Seedorf et Patrick Kluivert se passe de tout commentaire. Certes, le ministre des Sports, le professeur, Narcisse Mouelle Kombi, a bien fait de demander leur limogeage à la Fécafoot : en quatre matchs, ils ont aligné quatre équipes différentes. Des spécialistes de l’à peu près et du tâtonnement. Leurs changements hasardeux au cours des matchs ont, parfois, coûté cher à l’équipe. Résultat, une sortie prématurée (mais bien méritée) du tenant du titre, qui pousse à poser quelques questions au nouveau président de la Fécafoot, Seïdou Mbombo Njoya, le successeur de Dieudonné Happi, qui les avait recrutés (par l’entremise de Samuel Eto’o Fils que certains Lions indomptables viennent d’accuser de perturber la sérénité au sein de leur équipe). Seedorf et Kluivert avaient été recrutés alors qu’ils ne présentaient aucun état de service véritable comme entraîneurs et ignoraient les réalités du football africain. Vivement, donc, un sélectionneur camerounais désigné sans ingérence quelconque à la tête des Lions indomptables. C’est déjà le cas chez les Lionnes indomptables dont la performance au Mondial en France, a été honorable malgré l’arbitrage vidéo qui leur fut très défavorable. C’est aussi le cas chez les Lions U17, vainqueurs de la CAN 2019 en Tanzanie. Ces deux équipes sont entraînées par deux (incompétents) camerounais. Pourtant, elles gagnent. Il est, hautement, souhaitable que les Lions seniors soient, également, confiés à un autre « incompétent » camerounais. Sauf si ce poste continue à faire « manger » beaucoup de monde à la Fédération et au Ministère des Sports en ce sens que le gros salaire du sélectionneur étranger est partagé avec ceux qui l’ont fait nommer. Cela aurait été, selon certaines indiscrétions, le cas pour Seedorf, Kluivert et leurs prédécesseurs.

Je termine par les disparités salariales entre les sélectionneurs étrangers et locaux. Mohamed Magassouba des Aigles du Mali perçoit 1.500 euros, par mois, une misère, par rapport au Français, Alain Giresse, qui gagnait plus de 13 fois plus quand il officiait à la tête de cette même équipe malienne. Qu’est-ce qui explique une telle différence quand on sait que les deux techniciens alignent les mêmes résultats ?

Il faut que le football africain se décolonise. Ses fédérations de football doivent cesser d’être hantées par le mythe du « sorcier blanc » qui serait synonyme de bons résultats. Cinquante-neuf ans après les indépendances, on ne devrait plus avoir à batailler sur l’africanisation des postes dans le football continental alors que notre réflexion doit, plutôt, être orientée vers des sujets beaucoup plus stratégiques comme la lutte anti-terroriste, le commerce intra-africain, la monnaie continentale, l’industrialisation de l’Afrique, l’emploi des jeunes, la professionnalisation des enseignements, et que sais-je encore ?

NB. Cet article est à lire dans le numéro 478-479 d’Afrique Education, chez les marchands journaux, à partir du 19 juillet.

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