FRANCE-CENTRAFRIQUE : Un pas devant deux pas derrière ou l’illisible politique de Macron en Afrique

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Question à 10.000 F CFA (15 euros). Que veut la France en Centrafrique, pays où elle a retiré son armée, il y a deux ans, malgré les supplications de son nouveau président, Faustin Archange Touadera, alors que les rébellions battaient, encore, leur plein à l’intérieur du pays jusqu’aux faubourgs de Bangui ? La question étant peut-être mal posée, faudrait-il sans doute dire les choses autrement : en réalité que ne veut pas la France en Centrafrique, bien qu’elle ait pris la poudre d’escampette laissant ce pays se démerder dans ses graves difficultés ? Réponse, également, à 10.000 F CFA (15 euros) : que la Russie de Poutine s’y implante pour aucun prétexte, elle qui a commencé, grâce à un feu vert du Conseil de sécurité, à y fournir des armes avant de s’y installer : aujourd’hui, c’est la Russie qui (chose incroyable il y a un an) s’occupe de la sécurité personnelle du président, Faustin Archange Touadera. C’est une très mauvaise affaire pour Paris et on comprend qu’Emmanuel Macron ait mis en route sa cheffe des armées, Florence Parly, pour contrecarrer les plans de Moscou. Car la stratégie de la Russie ne se limite pas au seul Centrafrique. Elle s’inscrit dans un vaste plan où elle va marcher main dans la main (comme tous bons partenaires des BRICS) avec la Chine du camarade Xi Jinping.

Et pour parler du Centrafrique (comme si ce pays était sous tutelle), la ministre française de la Défense, au lieu d’atterrir à Bangui, a choisi le principal relai de la France dans la sous-région, à savoir, le président du Tchad, Idriss Déby Itno. Bien que ce dernier soit en partie responsable des malheurs qui frappent le Centrafrique, aujourd’hui et hier, il reste, pour les Français, l’homme incontournable sans lequel aucune solution ne peut être envisagée en Centrafrique. Bangui appréciera.

La France et le Tchad veulent « remobiliser autour de l’initiative africaine » de paix en Centrafrique, a, donc, déclaré ce mardi, 9 octobre, à N’Djamena, Florence Parly, à l’issue d’un entretien avec le dictateur du lieu.

« Nous avons (…) évoqué la situation en Centrafrique, qui est l’objet d’une particulière vigilance de notre part et de la part du président Déby. Nous avons partagé l’analyse de la situation et nous convergeons sur cette analyse », a dit la ministre française des Armées.

« La conclusion que nous en tirons, c’est la nécessité de remobiliser autour de l’initiative africaine autour de la Centrafrique », a-t-elle ajouté, afin de « faire en sorte que l’Union africaine puisse remobiliser autour de cette initiative ».

Selon elle, « il est probable que cette question soit de nouveau abordée très directement au niveau des chefs d’Etat ».

En réalité, Paris ne vient pas en bon samaritain. Emmanuel Macron (dont la politique colonialiste a fini de convaincre ceux qui avaient misé sur son jeune âge en faveur du changement en Afrique) voit d’un mauvais oeil la présence russe en Centrafrique où Moscou est, notamment, impliquée dans des tentatives de médiation entre le gouvernement et les groupes armés, souligne-t-on de source française. La nature ayant horreur du vide, la Russie n’a profité que du retrait de la France pour s’implanter avec l’accord des autorités banguissoises. Il n’y a rien de mal que Touadera choisisse ses partenaires parmi les personnes qui ne sont pas en odeur de sainteté avec Emmanuel Macron (sur notre photo les deux chefs d’Etat à l’Elysée en septembre 2017). A la limite, une telle stratégie est même conseillée car elle montre une certaine indépendance des autorités centrafricaines.

Si le professeur Touadera a, souvent, parlé de « facilitation » en évoquant l’apport de la Russie dans les négociations entre le pouvoir et la rébellion, fin août, Moscou avait réuni chez son allié soudanais, à Khartoum, quatre des principaux groupes armés pour y signer une « déclaration d’entente ». Cette médiation parallèle a (beaucoup) « agacé » les partenaires de la RCA et a été, clairement, rejetée par la France, sans se soucier des qu’en dira-t-on sur le plan de l’ingérence. Car s’était-on demandé à Bangui : de quel droit la France s’est-elle permise de rejeter une telle médiation alors que malgré les supplications du président centrafricain, son armée a battu en retraite laissant le Centrafrique dans une situation de fragilité militaire extrême ?

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