PRESIDENTIELLE AU CAMEROUN : Maurice Kamto (en s’autoproclamant vainqueur) veut-il mettre le pays à feu et à sang ?

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On ne peut pas avoir enseigné le droit à plusieurs générations de Camerounais et bafouer soi-même ce droit. En annonçant sa victoire (« J’ai reçu mission de tirer le penalty, je l’ai tiré et je l’ai marqué ») avant la proclamation des résultats d’abord par Elecam (Elections Cameroun), ensuite, par le Conseil constitutionnel camerounais dont les décisions sont sans appel comme en France, Maurice Kamto piétine en effet les lois de son pays et se comporte, par la même occasion, comme un hors-la-loi.

Dire cela ne signifie pas qu’on est pour la réélection de Paul Barthélemy Biya qui à mon goût est resté trop longtemps au pouvoir malgré un bilan que les observateurs sérieux et objectifs trouvent très négatif. Ceux qui ont lu mon dernier papier sur le Cameroun consacré à l’assassinat de Mgr Jean-Marie Benoît Bala savent combien je déteste la politique de Biya que je pourrais résumer en quelques mots : progressif appauvrissement des couches populaires, meurtres de Camerounais parmi lesquels le savant Engelbert Mveng et Mgr Yves Plumey dont les coupables n’ont jamais été arrêtés, gaspillage des deniers publics dans des séjours prolongés en Suisse.

J’étais au Cameroun quand Ahmadou Ahidjo démissionna du pouvoir. Même si le premier président n’était pas un enfant de chœur (c’est avec sa bénédiction que Um Nyobè, Félix Roland Moumié, Ernest Ouandié et d’autres nationalistes camerounais furent liquidés), le pays avait fière allure, était respecté.

Au moment où il passait le flambeau au Sudiste Biya, parmi les structures qui marchaient encore, il y avait le Fonader et plusieurs missions de développement et beaucoup d’autres structures de secteurs secondaire et tertiaire, qui ont disparu. A cause de la mauvaise gestion. Pour un pays qui possède beaucoup d’atouts comme le Cameroun, il faut avouer que c’est un recul. Ce n’est pas tout. Car je pourrais parler aussi des détournements de milliards par ses proches enfermés certes à Kondengui mais à qui on n’a jamais ordonné de rembourser l’argent volé au peuple camerounais. Tout ceci pour dire que je ne roule pas pour ce président jugé fainéant (les conseils de ministres sont rarissimes dans le Cameroun de Paul Biya) et accusé par nombre de Camerounais de financer des sectes criminelles.

Je ne roule pas non plus pour l’opposition pour la simple raison que la monnaie africaine, le départ de l’armée française de l’Afrique, la sortie du Cameroun de la CPI et d’autres questions de fond ne figurent pas dans le projet de société des challengers de Biya. Le président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), Maurice Kamto, pense avoir remporté le scrutin du 7 octobre 2018 au regard des premiers décomptes partiels relayés sur les réseaux sociaux, et qui le mettent en tête dans certains bureaux de vote. Mais, quand on a enseigné le droit pendant des années et qu’on est sur le point de devenir le garant de la Loi fondamentale, peut-on se permettre de se déclarer vainqueur avant la fin des opérations prévues par la Constitution ? Et si Elecam, qui est à la botte de Biya, le spoliait de sa « victoire » ? Dans ce cas, la Constitution l’autorise à déposer des réclamations auprès du Conseil constitutionnel. J’aurais voulu que Kamto épuise toutes ces voies de recours avant de déclarer qu’il a gagné et « reçu du peuple un mandat clair qu’il entend défendre jusqu’au bout ». Kamto parle-t-il ainsi parce qu’il se sait soutenu par les Francs-maçons, Georges Soros et d’autres forces tapies dans l’ombre ? Si le jusqu’au-boutisme installa Dramane Ouattara au pouvoir en Côte d’Ivoire, celui de Jean Ping au Gabon fut un flop. Dans les deux cas, il y eut malheureusement des blessés, des morts et la destruction de biens privés et publics. Maurice Kamto (sur notre photo lors de la déclaration de sa victoire sans donner un seul chiffre) veut-il la même chose dans son pays ? Souhaite-t-il une guerre civile au Cameroun et sera-t-il dans le pays pour vivre les affres de cette guerre ? Des institutions comme Elecam et le Conseil constitutionnel peuvent être imparfaites et leurs décisions, contestables mais est-ce une raison suffisante pour brûler et détruire son propre pays ? « La victoire obtenue par la violence équivaut à une défaite, car elle est momentanée. »

Puisse cette parole de Gandhi inspirer aussi bien Kamto que Biya !

Jean-Claude DJEREKE
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).

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