Ali Bongo Ondimba arrête de faire la politique, écrit-il dans sa lettre envoyée hier aux Gabonais. Une très bonne idée ! Il prend acte, enfin, du coup d’état militaire qui l’a éjecté du pouvoir en 2023. Le successeur du patriarche aura récolté ce qu’il a semé.
Parfois, il est arrivé qu’on se demande comment pouvait-il être un homme d’Etat aussi médiocre après avoir été à si bonne école ? Si on aime le Gabon, on n’a pas du mal à admettre qu’il n’était pas fait pour le job. Il fut un très bon ministre de la Défense mais un très mauvais président. Tout compte fait, il faut saluer le courage très responsable de Brice Oligui Nguema qui a fait quelque chose qui n’était pas simple pour lui. Car les Ondimba sont ses parents. Or, dans la tradition bantu, il n’y a pas de « Ote-toi de là que je m’y mette ». Non, ça n’existe pas. On trouve la solution aux problèmes autrement. Beaucoup de reproches étaient faits à Ali Bongo Ondimba. En vrac et au hasard de ma tête, je me souviens que les Gabonais lui demandaient d’être (personnellement) présent parce qu’il brillait par son absence avec de multiples délégations de pouvoir par ailleurs mal assurées. Les Gabonais voulaient un président travailleur alors que sa paresse était légendaire. Les Gabonais lui demandaient d’être généreux comme le patriarche alors que son bras ressemblait à une équerre. Les Gabonais lui reprochaient de les ignorer en mettant toute sa confiance dans les ressortissants étrangers. Amers de cette situation, les Gabonais en ont été tellement négativement marqués qu’ils ambitionnent, maintenant, de verrouiller complètement la loi fondamentale. Bref, il y aurait beaucoup à écrire. Je suis personnellement content que pas une goutte de sang n’ait coulé à l’issue de cette passation des charges. J’ajoute à titre personnel que tel que je le connaissais, le patriarche, de là où il observe son « pays de verre » ne peut être fier du bilan de son fils et ne peut en vouloir à son ancien aide de camp de s’être emparé du bâton de commandement, son pays allant à vau-l’eau.
Il reste aux Gabonais et aux Gabonaises seuls (sans ingérence étrangère) de se trouver les voies et moyens d’un Gabon séduisant (comme on l’a connu par le passé) et qu’ils taisent leurs divisions parfois égoïstes au nom de l’intérêt commun car l’union fait la force et la division affaiblit le pays.
Professeur Paul TEDGA
est docteur des facultés françaises de droit et d’économie (1988)
Auteur de 7 ouvrages (dont un sur le Gabon intitulé « Omar Bongo Ondimba tel que je le connais »)
et Fondateur en France de la revue Afrique Education (1993).
La lettre écrite par l’ancien président Ali Bongo Ondimba :
Gabonaises, Gabonais, Chers compatriotes,
Le soir du 29 août 2023 a mis fin à l’exercice de mon mandat de Chef de l’Etat dans des circonstances douloureuses.
Ces évènements ont porté au pouvoir un dispositif de transition, qui, ces prochains mois, se confrontera aux urnes et au vote pour engager notre pays sur une nouvelle voie. Les Gabonaises et les Gabonais, auront, à cette occasion, l’opportunité d’élire leur président de la République.
Conscient qu’une évolution était nécessaire pour améliorer la vie de nos concitoyens, j’ai cru, longtemps, pouvoir changer un système qui s’est finalement retourné contre une famille, symbole d’une époque.
Ma femme et mon fils en sont aujourd’hui les bouc-émissaires impuissants. Notre pays en constitue le témoin, spectateur, espérant le légitime changement.
Pour ma part, je respecte et je comprends la volonté des citoyennes et des citoyens de souhaiter, pour construire l’avenir, de nouveaux responsables politiques et je tiens à réaffirmer mon retrait de la vie politique et le renoncement définitif à toute ambition nationale. Cela vaut également pour Sylvia et Noureddin.
L’idée que je me fais de mon devoir est de dire avec sincérité et honneur que je ne souhaiterai jamais constituer, pour le Gabon, un risque de menace, de trouble et de déstabilisation dans ce moment de reconstruction.
Parce que notre pays est, a toujours été et sera toujours un pays d’honneur, j’en appelle à l’apaisement, à l’arrêt des violences et des tortures intentées contre ma famille, plus particulièrement mon épouse Sylvia et mon fils Noureddin et à leur libération, car depuis trop longtemps désormais emprisonnés pour des faits dont ils n’ont pas été reconnus coupables, bouc-émissaires d’une situation qui va bien au-delà de leur personne.
Je leur ai imposé, tout au long de la vie, bien des épreuves par mes choix. Mais leur emprisonnement et les sévices qu’ils subissent depuis plus d’une année vont bien-au-delà de tout ce qu’une épouse et un fils ont à supporter.
Moi-même, je demeure non libre de mes déplacements et soumis à surveillance quotidienne. Mes visites dépendent de l’autorisation des militaires. Isolé du monde extérieur sans communications, sans nouvelles de ma famille.
Je suis pleinement conscient de ce qui a été accompli sous ma présidence, comme également des insuffisances dont j’assume seul la responsabilité, tant sur le plan social que s’agissant du fonctionnement de nos institutions. Mais ce bilan aussi sincère que douloureux ne saurait justifier que tant d’abus soient perpétrés contre ma femme et mon fils, qui n’a pas serré ses enfants dans les bras depuis plus d’un an. Je connais trop les Gabonais pour savoir qu’ils savent la différence entre justice et vengeance.
J’insiste sur ce point, seul président et responsable de mes décisions, je comprends que malgré les réalisations effectuées sous mes mandats, trop de Gabonais souffrent encore et cela reste mon plus grand regret. Je souhaite de tout cœur que nous soyons en mesure de tourner la page de cette souffrance intime et nationale. Avec un seul et unique but : notre réconciliation nationale.
Aussi, j’appelle mon pays, ses dirigeants et mes concitoyens à renoncer à la vengeance et à écrire sa prochaine Histoire avec harmonie et humanité.
Que Dieu vous bénisse.
Que Dieu bénisse notre patrie le Gabon.
Ali Bongo Ondimba