Monsieur le Professeur, Amadou Mahtar Mbow, a rendu l’âme, ce matin, mardi 24 septembre 2024, à l’âge de 103 ans. Une perte incommensurable pour le Sénégal et l’Afrique. Et le monde. Depuis New York où il participe à la 79e Assemblée Générale des Nations-Unies, le président du Sénégal, Bachirou Diomaye Faye, a tenu à lui rendre cet hommage : « De New York pour l’Assemblée Générale des Nations-Unies, c’est avec une profonde émotion que j’apprends la disparition du Professeur, Amadou Mahtar Mbow, ancien directeur général de l’UNESCO et un grand défenseur du multilatéralisme. » Et le président d’ajouter : « C’est un des patriarches de la nation sénégalaise qui s’est éteint, en laissant un héritage inestimable, marqué par son combat pour une justice éducative et culturelle mondiale. Que sa sagesse et son engagement continuent d’inspirer l’Afrique et le monde. Paix à son âme ».
Né le 20 mars 1921, à Dakar, Amadou Mahtar Mbow était un monument. Plusieurs livres, thèses et mémoires, furent rédigés sur lui au point qu’il est considéré, aujourd’hui, comme l’un des Africains les plus étudiés scientifiquement. A l’occasion de ses 100 ans, un colloque et une exposition s’étaient tenus, samedi, 20 mars 2021, à Dakar, sur le thème « Vie et Oeuvre d’Amadou Mahtar Mbow ».
Après avoir été enseignant, il devint, pendant la colonisation française, ministre de l’Education, de la Culture, de la Jeunesse et des Sports de 1957 à 1958, et démissionna ensuite pour s’engager dans la lutte pour l’indépendance de son pays, effective en 1960. Il occupa, par la suite, les postes de ministre de l’Education nationale de 1966 à 1968, puis, de la Culture et la Jeunesse jusqu’à 1970.
Il devint le directeur général de l’UNESCO, pendant deux mandats consécutifs, de 1974 à 1987.
Son deuxième mandat à l’UNESCO fut l’objet de beaucoup de polémiques, notamment, entre les pays du Nord et ceux du tiers-monde, pour le contrôle et la gestion des affaires du monde. Les Occidentaux, maîtres de l’univers, lui reprochaient de politiser l’organisation en sortant de ses sphères de prédilection qui étaient l’éducation, la formation, la recherche et la culture.
En effet, de sa position de directeur général d’une grande organisation internationale, il était soutenu par des chefs d’Etat influents comme l’ancien président de Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny, qui l’encourageaient d’aller de l’avant, conscients qu’il tenait le bon bout, ce qui expliquait les vociférations de certains pays du Nord où l’esprit colonial est viscéral. Ces derniers forment, d’ailleurs, un groupe au sein de l’UNESCO, tout comme les pays du continent ont, de leur côté, le « Groupe Afrique ». Le départ des Etats-Unis de l’UNESCO tient ses ramifications à cette période, car principal contributeur du budget de l’organisation (de 20 à 25% selon les années), ils entendaient mener Mbow à la petite baguette. Leur manœuvre ne marchant pas, le chantage commençait à s’exercer sur le nerf de la guerre (l’argent).
Organisation des Nations-Unies à la pensée féconde sous Amadou Mahtar Mbow, les Nations-Unies, sous l’égide de la CNUCED (Conférence des Nations-Unies pour le commerce et le développement), avaient des équipes en leur sein pour propulser une autre vision des relations internationales. C’est ainsi que prospéra l’idée du NOEI (Nouvel ordre économique international) dont les pays occidentaux ne voulaient pas entendre parler.
Depuis l’UNESCO, Mbow propulsa, aussi, le NOMIC (Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication) afin que le monde entier dispose d’une information équilibrée et non orientée depuis les seuls pays du Nord. Il fut, âprement, combattu à ce niveau.
Il créa, également, des programmes en faveur de l’environnement, comme l’homme et la biosphère ou la Commission océanographique internationale. Son successeur, l’Espagnol, Federico Mayor, de 1987 à 1999, lui aussi, ancien ministre de l’Education du royaume d’Espagne, enjoignit, carrément, au NOEI, la notion d’environnement.
L’acharnement dont Amadou Mahtar Mbow fut victime par les pays occidentaux, préfigurait les combats que les pays du tiers-monde mènent, aujourd’hi, au sein des instances internationales. Il fut l’Africain dont le passage dans une organisation mondiale fut marqué de son empreinte indélébile au point d’inspirer les générations suivantes, sans oublier la fierté qu’il procura aux fonctionnaires africains de l’UNESCO.
Mercredi, 25 septembre 2024, est prévue une prière mortuaire, à la mosquée omarienne de Dakar. L’inhumation suivra selon les dignes et respectables traditions musulmanes.
La revue Afrique Education qu’il aurait porté à bout de bras, si elle avait été créée pendant son mandat, lui voue une reconnaissance éternelle et remercie Dieu le Tout Puissant d’avoir donné un aussi digne Fils de sa trempe, pour éclairer le continent avec son intelligence.