GUERRE RUSSIE-UKRAINE : Vérités cachées sur le bon et le méchant

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Dans une guerre, il existe rarement les gentils et les méchants car les causes sont souvent lointaines, complexes et fruit de multiples étapes préalables au déclenchement des hostilités militaires. Tentons donc d’en comprendre les raisons historiques, les situations de légitime défense, ainsi que, les conflits de légitimité démocratique, juridique et militaire. La guerre favorise la destruction, donc, la récession, mais, pousse à la reconstruction, donc, à la croissance.

Une action militaire consistant à tuer des personnes ou à pénétrer les frontières d’un autre pays, ne s’avère jamais légitime, sauf en cas de légitime défense et de respect du droit international. Par conséquent, la guerre de la Russie contre l’Ukraine n’est pas légitime et s’avère, donc, hautement, condamnable, puisque la Russe, n’a pas obtenu l’accord légal du Conseil de sécurité de l’ONU, de mener une intervention armée pour défendre un objectif légitime, telle la défense de la souveraineté du Donbass.

Cependant, l’Occident et, en particulier, les Etats-Unis et la France ont, aussi, bombardé des dizaines de pays, depuis 1945 : Vietnam, Afghanistan, Irak, Lybie, Syrie, Mali, etc. Après la Seconde Guerre Mondiale, de 1945 à 2015, les USA ont bombardé plus d’une trentaine de pays, toujours au nom de la démocratie ! Amenez la liberté par les bombes ! Alors qu’il s’agissait, principalement, de protéger leurs intérêts économiques et géopoliques. Voici quelques uns des pays bombardés pour les « sauver », Chine 1945-1946, Corée et Chine 1950-1953, Congo 1954, Chine 1950-1953, Guatemala 1954, Indonésie 1958, Cuba 1959-1960, Guatemala 1960, Congo 1964, Pérou 1965, Laos 1964-1973, Vietnam 1961-1973, Cambodge 1969-1970, Guatemala 1967-1969, Grenade 1983, Salvador 1980, Nicaragua 1980, Libye 1986, Panama 1989, Irak 1991-1999, Soudan 1998, Afghanistan 1998, Yougoslavie 1999, Yémen 2002, Irak 2003-2011, Pakistan, 2007-2015, Somalie 2007-2011, Yémen 2009-2011, Syrie 2014-2015… Mais, si on ajoute toutes les guerres dans lesquels les USA étaient partie-prenantes indirectement, par exemple, en fournissant des armes, il y en a des centaines…

Durant ces guerres et ces bombardements, parfois, les USA et les pays occidentaux, qui les ont soutenus étaient dans la légalité du droit international, en ayant obtenu l’accord du Conseil de sécurité. Mais, souvent, les grandes puissances ont mené sans ces accords en trouvant des motifs généralement fallacieux de protection des civils, de la démocratie, de la liberté, de l’opprimé, de la stabilité… Mais, en réalité, il s’agissait prioritairement de sécuriser leurs ressources économiques et politiques. En réalité, la guerre s’avère généralement une continuation de la politique néocoloniale des grandes puissances, USA, France, Grande Bretagne, Russie… Il en fut de même avec l’Allemagne, le Japon et l’Italie durant les deux premières guerres mondiales.

Défendre la volonté d’indépendance souveraine du Donbass est légitime. Mais, pas forcément par la force. La guerre entre l’Ukraine et la Russie s’expliquent, aussi, par l’histoire de très anciennes rivalités. Nombreux sont ceux des analystes, qui cherchent les causes de la guerre dans l’histoire de l’Ukraine et de la Russie. La Rusʹ de Kiev a été fondée en 880 et c’est le territoire d’origine de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie. Ce territoire a été, plusieurs fois, conquis par différents peuples ensuite. Puis, dans les années 1770, la Russie a repris les anciens territoires d’Ukraine aux tartares. L’Ukraine a, ensuite, progressivement, retrouvé son indépendance, en récupérant territoires après territoires. Mais, à partir de 1917, l’Ukraine est, de nouveau, sous l’emprise de la Russie avec la révolution soviétique de l’URSS. A cette époque, la région du Donbass (et d’autres territoires) qui étaient russes ont été redonnés à l’Ukraine, par le dirigeant de l’époque. Mais, il y avait peu d’enjeu, car cela restait au sein de l’URSS. Puis, à la chute de l’URSS en 1989, Eltsine n’a pas récupéré ce territoire qui est alors resté en Ukraine. Or, en 1989, il y avait 45 % de la population qui était russe. En 1991, les citoyens du Donbass ont voté pour l’indépendance du Donbass à 83,9 % dans l’Oblast de Donetsk et à 83,6 % dans l’Oblast de Louhansk (1).

La guerre en Ukraine relève donc bien, aussi, d’une guerre de territoires entre des populations liées par des origines communes. Cependant, le problème fondamental concernant la région du Donbass, n’est pas à qui appartient historiquement ce territoire. Mais, qui est souverain sur son territoire ? Or, en système démocratique, la légitimité devrait se fonder sur le libre choix des habitants d’un territoire à décider par eux-mêmes, de leur orientation et de leur avenir. Donc, aussi de leurs alliances avec les Russes, l’Ukraine, l’OTAN ou autres en ce qui concerne les habitants du Donbass. Par conséquent, quelles que soit les origines historiques, c’est aux habitants du Donbass de choisir, s’ils veulent être indépendants et de décider de leurs alliances. Il en est de même des Catalans en Espagne, des Irlandais en Grande Bretagne, les Corses ou les Calédoniens en France… Mais, généralement, même dans les nations dites démocratiques, les dirigeants des nations acceptent, difficilement, le choix des territoires, qui réclament leur autonomie ou leur indépendance.

Par conséquent, la défense de la souveraineté démocratique et économique d’une région, telle le Donbass, semble plus légitime que la défense des frontières et du territoire d’une nation (telle l’Ukraine) en vertu du principe de souveraineté. Par conséquent, le Donbass dispose légitimement de leur droit à l’indépendance, donc, à sortir de l’Ukraine ou de rejoindre la Russie, à l’issue d’un référendum au Donbass. Mais, malgré les Accords de Minsk de 1994, le gouvernement de Kiev n’a pas tenu sa promesse de faire un référendum au Donbass.

Il semblerait que les partisans d’un Donbass libre, autonome ou indépendant sont, finalement, assez minoritaires, selon le référendum de 1991 sur l’indépendance de l’Ukraine vis à vis de la Russie. Cependant, cela fait déjà 30 ans, donc, les choses ont pu changer, mais, cela s’avère déjà un bon indicateur. Cette volonté d’indépendance d’une minorité d’habitants du Donbass aurait été attisée par un très riche entrepreneur local pro-russe, afin de renforcer l’influence de la Russie en Ukraine. Intéressant, et c’est bien possible. Cela n’empêche pas qu’un référendum d’autodétermination aurait été nécessaire, mais, cela laisse penser, qu’il n’est pas certain que le vote pour l’indépendance ou l’autonomie aurait été favorable. Par conséquent, cela diminue un peu l’argument de la volonté d’autonomie de la majorité des citoyens du Donbass.

Une action violente fondée sur la légitime défense s’avère légitime. De même, une intervention militaire étrangère, pour défendre une population en danger physique paraît légitime. Or, au Donbass, il y a des combats physiques et des bombes contre les civils du Donbass par le gouvernement ukrainien, depuis au moins 2014 (date des Accords de Minsk) à cause de la volonté d’indépendance du Donbass. Cela a engendré plus de 8 000 personnes russophones du Donbass qui sont morts entre 2014 et 2021. Par conséquent, l’intervention militaire russe pour protéger les civils du Donbass est légitime sous cet aspect.

Il n’était pas légitime pour les Russes de conquérir l’ensemble de l’Ukraine. Cependant, au plan stratégique, pour défendre uniquement le Donbass, il est vrai qu’il était peut-être plus efficace pour les Russes d’annexer l’Ukraine, afin de limiter les attaques de Kiev contre le Donbass avant, pendant et après la guerre Russie-Ukraine. Or, c’était sans compter avec le soutien militaire massif de l’OTAN. Cette stratégie a, donc, échoué et les Russes se sont repliés sur le Donbass et l’Est de l’Ukraine, pour mener leurs offensives.

De plus, officiellement, la guerre en Ukraine débute le 24 février 2022 avec l’invasion russe. Or, non seulement, elle est l’aboutissement de 8 ans de conflits, mais, en plus, une semaine avant, le 17 février 2022, c’est l’Ukraine, qui a relancé les hostilités en bombardant le Donbass (2). Les civils ont donc commencé à fuir vers l’intérieur du Donbass et vers la Russie. Cette dernière a donc réagi en envahissant l’Ukraine.

Compte tenu que des milliers de soldats russes stationnaient à la frontière depuis quelques semaines, ces bombardements du gouvernement de Kiev ont été une provocation, une incitation volontaire pour le déclenchement de la guerre. Quel pouvait donc être l’intérêt du gouvernement de Kiev et de son président, Zelenski, de pousser la Russie à la guerre ?

Lorsqu’on se trouve face à un danger beaucoup trop puissant et dangereux pour nous, la sagesse nous conduit généralement à l’éviter, lorsque c’est possible. Compte tenu, que les Ukrainiens se trouvaient face à la 2e armée du monde, n’aurait-il pas été plus sage, qu’ils capitulent directement, plutôt que de subir d’énormes pertes humaines et matérielles et finalement, perdre quand même, comme c’est très probable ? Cela relève un peu du bon sens et de la sagesse.

L’OTAN cherche à exercer une pression contre la Russie et les nouveaux pays non-alignés, telle la Chine, ou certains pays d’Amérique du Sud. Pour l’OTAN menée par les USA, la guerre en Ukraine s’avère donc une occasion d’affaiblir la Russie, à la fois militairement, politiquement et économiquement. L’appui des USA a donc conduit, plus ou moins directement, l’Ukraine à provoquer un peu la Russie, pour qu’elle déclenche les hostilités.

De même aider militairement, les Ukrainiens à se protéger d’une attaque militaire relève, aussi, de la légitime défense. D’un autre côté, la puissance des Russes s’avèrerait au départ si importante, que la victoire russe semblait un peu pliée d’avance. Donc, si le gouvernement ukrainien avait capitulé, rapidement, cela aurait épargné beaucoup de vies humaines et de destructions. Cependant, c’était sans compter avec l’énorme soutien en matériel militaire de l’OTAN. Or, sans celui-ci, l’armée ukrainienne n’aurait sans doute pas tenu longtemps contre la seconde armée du monde. Mais, le soutien indéfectible des USA, à donc poussé le gouvernement ukrainien à prendre des risques et à lancer une nouvelle série de bombardements au Donbass le 17 février 2022, poussant les Russes vers la guerre. Cette dernière implique indirectement, tant de nations, que c’est une nouvelle guerre mondiale, après celle du Moyen-Orient.

Poutine, le président russe fait la guerre pour protéger la Russie de l’expansion de l’OTAN à l’Est. Il utilise comme prétexte la défense de la souveraineté du Donbass. Cela pourrait être légitime, si cela n’était pas aussi un prétexte pour envahir en même temps l’Ukraine, ou du moins, à l’annexer et la contrôler. Comme toutes les grandes puissances, la Russie cherche à « persévérer dans son être », dirait Spinoza. Elle n’a de cesse de chercher à accroître sa puissance d’agir. Nietzsche parlerait de volonté de puissance. Au plan psychologique, il s’agit d’une volonté de pouvoir comme l’expliquait le psychanalyste, Adler, fondé sur un complexe d’infériorité subconscient, c’est-à-dire, la peur subconsciente d’être faible. De même, l’OTAN, les USA et la France, devraient donc cesser leur expansion vers les frontières de la Russie, pour éviter de faire monter la pression militaire.

Alors, qu’est ce qui a poussé la fragile Ukraine à ne pas capituler face à la puissance de l’armée russe ? Peut-être l’ego, la fierté, la peur subconsciente d’être faible ou de ne pas s’estimer. Mais, plus encore, la pression de l’OTAN et son soutien militaire, qui instrumentalise l’Ukraine pour affaiblir la Russie. Puis, il y a, aussi, les marchands de canon et du bâtiment, qui poussent à la guerre, puis, à la reconstruction. Ainsi, que les intérêts occidentaux consistant à affaiblir économiquement la Russie en limitant ses capacités à vendre ses marchandises, son gaz, son pétrole… Ce qui explique aussi la guerre en Ukraine relève sans doute un peu de ces trois causes, qui sont psychologiques, économiques et politiques.

Ce texte vise à présenter un panorama plus équilibré des responsabilités de chacun des protagonistes en conflit. Or, dans les grands médias occidentaux et russes, les points de vue s’avèrent quasiment toujours partiaux. Ils exposent rarement les deux points de vue simultanément et de manière équilibrés. Les reportages des médias contribuent ainsi peu à peu à orienter (voire à manipuler) l’opinion publique de chaque pays, afin qu’elle appuie les objectifs stratégiques du gouvernement national. Or, une véritable information, un véritable travail journalistique et scientifique, se doit d’exposer les différents points de vue et non un seul. Sinon, cela relève de la propagande et non pas d’une recherche d’analyse objective et honnête. Or, lorsqu’il y a un enjeu politique fort et qu’on connaît bien un sujet, on constate que les médias servent toujours un projet politique et se révèlent des organes de propagande.

En conclusion, toutes les parties en conflit sont en partie en faute. C’est le cas de la Russie puisqu’elle attaque militairement des humains, qu’elle les blesse, les tue et qu’elle attaque l’Ukraine, une nation souveraine. Mais, cette dernière et l’OTAN se révèlent, aussi, responsables de cette guerre, puisqu’ils ne respectent pas la volonté des citoyens du Donbass de décider par eux-mêmes de leur autonomie vis à vis de l’Ukraine. Et cela malgré les Accords de Minsk pris entre l’OTAN, l’Ukraine, le Donbass et la Russie, il y a plusieurs années, en 2014. De plus, depuis cette année-là, plus de 8 000 de civils ont été tués au Donbass par le gouvernement d’Ukraine par ses forces militaires et miliciennes. De plus, l’OTAN s’étend toujours plus vers l’Est, malgré ses engagements faits à la Russie de Gorbatchev, ce qui place la Russie sous une pression croissante.

Thierry Brugvin

Sociologue et auteur d’une vingtaine d’ouvrages

dont « Le pouvoir illégal des élites », Ed. Max Milo

(1) DON HARRISON Doyle, Secession as an International Phenomenon : From America’s Civil War to Contemporary Separatist Movements, University of Georgia Press, 2010, 397 p.

(2) LE MONDE / AFP, Crise en Ukraine : des bombardements dans le Donbass ravivent les tensions et les inquiétudes sur une possible action militaire russe, 18 février 2022.

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