GUINEE : Alpha Condé et la (terrible) tentation du troisième mandat

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Le président de la Guinée, Alpha Condé, en visite officielle à Abidjan, a, une nouvelle fois, laissé planer le doute sur une modification de la constitution, qui lui permettrait de briguer un troisième mandat en 2020. « Conseiller politique » d’Alassane Ouattara qui, de son côté, est « conseiller en matière économique » d’Alpha Condé , ce dernier est venu se concerter avec son homologue ivoirien, qui vit une situation similaire. En effet, au sein du PDCI du président, Henri Konan Bédié, tout comme, dans le camp de Guillaume Soro, son ancien allié contre Laurent Gbagbo, on n’hésite pas à affirmer que c’est la volonté d’effectuer un troisième mandat (sans l’assumer publiquement pour le moment) qui a conduit le président, Alassane Ouattara, à faire imploser le RHDP (Rassemblement des houphouétistes pour le démocratie et la paix). Entre Alpha et Alassane, il s’agissait, donc, à Abidjan, de trouver le meilleur moyen de faire passer cette pilule à leurs populations respectives, sans que cela ne provoque un tremblement de terre (notre photo). Dans tous les cas, d’un côté comme de l’autre, l’exercice sera loin d’être simple. Un peu suicidaire même.

« Il y a un débat en Guinée. Moi j’observe (…), ce qui est évident c’est que le peuple guinéen est un peuple souverain, (…) qu’on ne peut pas empêcher le peuple de s’exprimer s’il le souhaite », a répondu Alpha Condé à la presse qui l’a interrogé sur le sujet. Sans vraiment convaincre personne.

Il a, aussi, fait valoir qu’il n’avait « de comptes à rendre qu’au peuple de Guinée et éventuellement au peuple africain, mais, pas à l’extérieur ». « Je fais ce qui sera la volonté du peuple de Guinée. Pour le moment (…) je laisse le débat se dérouler dans le pays », a-t-il ajouté. Pourtant, sa décision (d’un troisième mandat) est déjà prise. Dans son cœur. Sans réelle concertation avec le « peuple de Guinée ».

Les principaux partis d’opposition guinéens, ainsi que, des associations de la société civile et des syndicats, ont annoncé, début avril, la création d’une coalition pour empêcher Alpha Condé de briguer un troisième mandat en 2020.

Ancien opposant historique et premier président, démocratiquement, élu de ce pays, Alpha Condé, dont le deuxième mandat constitutionnel s’achève en 2020, a, souvent, contesté la pertinence de la limitation du nombre de mandats sur le continent. On croirait écouter le président congolais, Denis Sassou-Nguesso, dont il est devenu, d’ailleurs, le très grand ami contre la logique de son histoire personnelle ! Sassou a changé la constitution en 2015, après avoir réussi à manipuler François Hollande (qui disait au départ ne pas cautionner une telle pratique avant de changer d’avis) et à frauder massivement lors du référendum constitutionnel organisé au Congo à ce sujet. Voilà la voie qui inspire, désormais, l’ancien opposant guinéen pendant cinquante ans en France, après que Allah Le Très Miséricordieux lui ait ouvert les portes du palais présidentiel, à Conakry. Est-il en accord avec sa conscience, s’il en a encore une ?

Alpha Condé, 81 ans, n’a, jusqu’à présent, pas annoncé de modification de la constitution afin de pouvoir se représenter en 2020, mais, plusieurs de ses déclarations récentes ont été interprétées en ce sens.

« Personne en Guinée ne m’empêchera d’aller devant le peuple pour lui demander ce qu’il veut et faire la volonté du peuple », avait-il dit, le 24 mars, devant les militants de son parti.

En janvier, la présidence avait publié des propos de l’ambassadeur de Russie, suggérant d’amender la constitution pour permettre au chef de l’Etat de briguer un troisième mandat, au grand dam de l’opposition et de la société civile.

Le président ivoirien, Alassane Ouattara, 77 ans, dont le deuxième mandat se termine, également, en 2020, entretient, lui aussi, le mystère quant à une éventuelle candidature. Il estime avoir le droit de se représenter en raison d’un changement de constitution en 2016, ce que conteste l’opposition.

Mais, en Côte d’Ivoire, comme en Guinée, ce troisième mandat ne sera pas une partie de plaisir. Les pays concernés risqueront de balancer dans la violence. Hélas !

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