KENYA : William Ruto et la poursuite démesurée des liquidités

Date

Au pouvoir depuis près de 14 mois, le président, William Ruto, continue à diviser sur sa gouvernance du pays. Ayant fait de la chasse aux liquidités son cheval de bataille, le président kenyan montre, par ses décisions controversées, que sa promesse électorale d’améliorer la situation des travailleurs modestes et des chômeurs, une fois élu, n’est plus qu’un lointain souvenir. En effet, son bilan d’aujourd’hui en matière d’emploi laisse à désirer, notamment, avec les conséquences sur les entreprises de la vague des nouvelles mesures fiscales (imposition accrue sur le chiffre d’affaires) implémentées par son gouvernement, qui ont occasionné des réductions d’effectifs, les employeurs ne disposant pas d’autre alternative face à la montée drastique de leurs coûts de production, dans un contexte économique déjà marqué par la crise au niveau mondial.

Dans sa poursuite effrénée de liquidités, William Ruto vise, désormais, le personnel diplomatique résidant dans son pays. Se basant sur le règlement propre aux relations diplomatiques figurant dans la Convention de Vienne de 1961, il souhaite mettre fin à l’exemption des frais relatifs à l’usage des services gouvernementaux accessibles aux diplomates, laquelle leur est, habituellement, accordée du fait de leur statut, et par extension des exemptions contenues dans ladite Convention. Par exemple, les frais d’établissement d’actes de naissance pour les enfants nés sur le sol kényan ne seront plus gratuits.

Cette annonce a pris de court toutes les représentations diplomatiques basées à Kigali, certaines réclamant la liste des services qu’elles devront, dorénavant, payer, et d’autres estimant avoir besoin d’un délai pour budgétiser cette disposition. En plus du durcissement de la politique fiscale, le gouvernement de Nairobi entend, par cette nouvelle mesure, démontrer qu’il fait tout son possible pour pouvoir assurer le service de la dette et financer ses projets de réformes en matière d’habitation et de santé.

Il demeure, néanmoins, que des critiques n’ont pas manqué de dénoncer le traitement de faveur accordé aux partisans de William Ruto, qui sont membres du Parlement, dans le cadre de l’application du taux d’imposition sur le revenu. Relevé à 35% en mai dernier, contre 30% avant, pour tout salaire d’au moins 500 000 Ksh, ce taux devait s’appliquer à tous les Kényans concernés, surtout, les alliés du parti au pouvoir qui forment la majorité parlementaire, puisqu’ils perçoivent une allocation mensuelle de 710 000 Ksh. Mais, une révision, venue de nulle part, du niveau de salaire minimum entraînant ce taux de 35% l’a finalement fait passer de 500 000 Ksh à 800 000 Ksh, privilégiant ainsi les parlementaires de Ruto.

La situation économique du Kenya est-elle vraiment aussi critique que les autorités de Nairobi veulent le faire croire ? Si oui, comment expliquer qu’elles aient accepté de perdre les recettes fiscales qu’aurait généré un salaire minimal de 500 000 Ksh imposable à hauteur de 35% ?

Paul Patrick Tédga

MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)

Envie d’accéder aux contenus réservés aux abonnés ?

More
articles

×
×

Panier