MAHAMAT KAMOUN : « En janvier 2015, nous organisons le Forum de Bangui »

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Personne, à Bangui, n’avait misé sur Mahamat Kamoun, au poste de premier ministre, au lendemain du départ d’André Nzapayéké. Selon la petite histoire, aucune des dizaines de personnalités contactées par la présidente de la transition, Catherine Samba-Panza, pour l’aider à pourvoir, rapidement, ce poste laissé vacant, n’a proposé le nom de l’actuel chef du gouvernement. Incompétence, agenda caché ou mauvaise foi des personnes sollicitées ? Sans doute, les trois à la fois. Ancien directeur de cabinet de Michel Am Non Droko Djotodia, ancien président de la transition, Mahamat Kamoun était, pourtant, ministre d’Etat conseiller spécial à la présidence de la République, quand André Nzapayéké occupait les fonctions de premier ministre. Technocrate accompli doublé d’une grande connaissance de l’administration centrafricaine, et surtout, ne sachant faire de l’ombre à personne, Mahamat Kamoun était une perle rare qu’aucun « recruteur » n’avait su prospecter et que la présidente a, finalement, pêché, presque, à la surprise générale. Ayant pris tout le monde à contre-pied, Catherine Samba-Panza a dû assumer son choix, en résistant à la furie des uns et des autres, après la lecture du communiqué présidentiel faisant de Mahamat Kamoun, le nouveau premier ministre du Centrafrique. Que n’a- t-on pas entendu ? Ville de commérages par excellence où Radio Trottoir est la chaîne d’information la plus écoutée, Bangui bruissait de toutes sortes de rumeurs où on entendait tout et son contraire. Alors que le pays n’a pas les moyens d’une telle diversion, la classe politique n’a pas été exempte de tout reproche.

C’est dans cette ambiance nauséabonde que Mahamat Kamoun, a pris ses fonctions. Une atmosphère, véritablement, houleuse à laquelle il préfère ne pas revenir, ce mauvais souvenir étant, désormais, derrière lui. L’heure n’est, donc, plus à la polémique. Trois mois, après sa nomination, il préfère mettre l’accent, dans cette interview, sur les grandes lignes de l’action qu’il mène, à la tête du gouvernement, aux côtés de la présidente, Catherine Samba-Panza.

AfriquEducation : Cela va faire plus de trois mois que vous avez été désigné au poste de premier ministre par la présidente de la transition. Les débuts n’ont pas été simples. Loin de là. Comment vous sentez-vous dans la peau du premier ministre du Centrafrique ?

Mahamat Kamoun : Je dois vous avouer, d’entrée de jeu, qu’être chef du gouvernement d’un pays, qui a frôlé le chaos, et qui est secoué par une crise sans précédent, n’est, nullement, une sinécure, loin s’en faut. D’autant que j’ai été nommé, dans un contexte exceptionnel. Ce qui m’oblige à prendre, moi-même, les choses en main, et à donner l’exemple. Je travaille énormément. Cela dit, en dépit des nombreuses difficultés, mais aussi, de l’adversité et des défis auxquels nous sommes confrontés, je crois que nous avons réussi à impulser une dynamique qui a permis, au pays, de retrouver un fonctionnement quasi-normal. Mais, vous conviendrez que l’on ne peut pas tout faire, en trois mois. Il subsiste, encore, je le reconnais, volontiers, de nombreux points qui méritent qu’on s’y arrête, afin de corriger ce qui doit l’être et aller de l’avant.

Le GIC vient de se tenir, à Bangui, où tous les partenaires étaient présents. Quel est le bilan que vous en faites, à l’issue des travaux ?

La réunion du Groupe international de contact sur la Centrafrique (GIC) à laquelle nous accordons la plus grande importance, nous a permis d’évoquer, les priorités de l’action gouvernementale, conformément, à la feuille de route de la transition. Nous notons, simplement, que les participants sont satisfaits des efforts entrepris par le gouvernement, avec l’appui, bien sûr, de la communauté internationale pour remettre le pays sur les rails. Pour nous, cette sixième réunion du GIC a été une réussite.

Quelles sont les grandes étapes qui restent à parcourir, ainsi que, leur chronogramme, avant la fin de la transition ?

Il ne vous a pas échappé que le gouvernement de transition que je dirige, sous l’impulsion de Madame Catherine Samba-Panza, chef de l’Etat de transition, doit mettre, en œuvre, avec le soutien de l’ensemble de la communauté internationale, les priorités définies par la feuille de route de transition, qui s’articulent autour de cinq axes majeurs. Il s’agit, entre autres, du retour de la sécurité, dans le pays, de l’assistance humanitaire et la réconciliation nationale, de la restauration de l’autorité de l’Etat, de la relance de la machine économique et administrative, de la mobilisation des ressources internes et de la préparation des prochaines élections afin de doter la République centrafricaine des institutions démocratiques.

Nous devons, donc, d’ici, au mois de janvier, organiser le Forum de Bangui que nous souhaitons, inclusif, qui est une étape indispensable pour la réconciliation nationale et la cohésion sociale. Nous en attendons, beaucoup, en termes d’apaisement du climat politique, en termes de suggestion, aussi, de la part des acteurs centrafricains.

On peut certifier, sans risque de se tromper, que vos relations avec la tête de l’exécutif sont excellentes, ce qui n’a pas, toujours, été le cas, auparavant, ce qui explique aussi le retard pris pour aller aux élections. Qu’en est-il des relations avec vos partenaires de la communauté internationale, qui tiennent, d’abord, compte de leur propre agenda, dans leurs interventions ?

La communauté internationale nous a, toujours, soutenu. Son appui est déterminant pour l’amélioration de la situation sur le triple plan sécuritaire, économique et social. Maintenant, si vous voulez me faire dire que l’aide que nous apportent nos partenaires extérieurs, n’est pas dénié de calculs ou d’arrières-pensées, qui iraient à l’encontre des intérêts de notre pays, je vous réponds qu’il appartient aux acteurs centrafricains de savoir ce qu’ils veulent pour leur pays et d’œuvrer au retour de la paix et la stabilité.

A quoi va servir le dispositif de veille de l’aide extérieure qui vient d’être mis en place ? Est-ce pour lever les doutes et soupçons ?

Cela répond à l’exigence de la bonne gouvernance et au souci du gouvernement d’être irréprochable dans la gestion de la chose publique.

Après une longue période d’insécurité, l’administration fonctionne-t- elle à nouveau à plein régime (écoles, hôpitaux, ministères, etc.) ?

Les Centrafricains, dans leur immense majorité, ont compris qu’ils doivent compter, sur eux- mêmes, pour régler leurs contradictions et pour sortir le pays de la misère et du sous-développement. Ils ont, aussi, compris que pour être pris au sérieux, ils sont tenus de s’entendre sur l’essentiel, à savoir, l’intérêt supérieur de la nation. Il y a, sans doute, des efforts qui restent à faire. Mais, le plus important, aujourd’hui, c’est la détermination de nos compatriotes, de tourner, définitivement, la page des soubresauts politiques et de l’instabilité chronique.

La justice fait débat avec le dossier de l’impunité. Quand ferez-vous que la peur change de camp ? Car aujourd’hui, c’est le personnel de justice et de maintien de l’ordre qui rase les murs, et non les délinquants.

S’il est vrai que nous devons, davantage, muscler notre réponse à l’égard des fauteurs de troubles, je dois dire que je ne partage pas votre analyse, qui semble, manifestement, ignorer la gravité de la crise que traverse le pays. Ce qu’il faut dire, c’est que le pays revient de très loin, et qu’il nous faudra du temps, et, surtout, de la volonté politique pour le remettre sur le droit chemin. Il n’y aura aucune zone de non droit sur le territoire national. Vous comprenez que le premier ministre que je suis, n’a pas le sentiment que les agents de la chaîne pénale rasent les murs comme vous l’affirmez. Je suis, par contre, très optimiste sur notre capacité à lutter contre l’impunité.

Les Centrafricains ont hâte de sortir de la transition et de revivre dans un pays normal. Est-ce le cas pour votre gouvernement ?

Si la préoccupation est de savoir quand va s’achever la période de transition, je vous rappelle que l’une des priorités du gouvernement, je l’ai, déjà, dit, est de doter le pays d’institutions démocratiques, à l’issue de la transition. D’ailleurs, le chronogramme proposé par l’Autorité nationale des élections (ANE) pour l’organisation des scrutins législatifs et présidentiels, a été validé par la sixième réunion du GIC.

Vos relations avec le CNT se sont- elles améliorées ?

J’ignorais que les relations entre le Conseil national de transition (CNT) et le gouvernement étaient tendues. Non, ne vous fiez pas aux rumeurs. Nos relations avec le CNT ont, toujours, été au beau fixe.

Et votre mot de la fin ?

Que toutes les bonnes volontés nous aident à conduire cette transition consensuelle à bon port. Il y va de notre avenir.

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