Vingt-six ans après son intronisation, le règne de Mohammed VI s’impose par la constance de sa vision : celle d’un Maroc moderne, socialement, ancré, économiquement ambitieux et diplomatiquement actif. Si les grandes réformes internes ont marqué le début des années 2000, c’est sans doute sur le terrain africain et régional que le Royaume a le plus affirmé, ces dernières années, la profondeur de sa stratégie.
Le choix de l’Afrique
Dès les premières années de son règne, Mohammed VI s’est démarqué par une diplomatie de proximité tournée vers l’Afrique subsaharienne. A rebours de certaines postures diplomatiques passives du passé, le Souverain a multiplié les déplacements sur le continent, dans une logique de coopération Sud-Sud pragmatique et solidaire.
Ces visites royales, souvent, accompagnées de délégations économiques et politiques, ne relevaient pas de la simple symbolique. Elles ont débouché sur des accords concrets : investissements agricoles, projets énergétiques, chantiers d’infrastructures, partenariats bancaires, appui à la formation des cadres africains. Le Maroc ne s’est pas contenté de “parler Afrique” — il a agi.
En plaçant le continent au cœur de sa politique étrangère, Mohammed VI a fait le pari d’une intégration africaine à partir du terrain, bien avant que cela ne devienne une tendance dans les cénacles internationaux.
Le retour dans l’Union Africaine : Plus qu’un symbole
Le retour du Maroc au sein de l’Union Africaine en 2017, après 33 ans d’absence, n’a pas été une simple réintégration institutionnelle (le roi à la tribune de l’Union africaine en janvier 2017 : un grand moment). Il s’agissait d’un réalignement stratégique : dire au continent que Rabat veut en être, sans condition ni complexe.
Depuis, le Royaume s’est affirmé comme un acteur incontournable dans de nombreux dossiers africains : migration, sécurité, climat, développement durable, santé, éducation. Ce retour s’est aussi accompagné d’un renforcement de la position marocaine sur le Sahara, désormais, défendue de manière assumée dans les forums africains, avec un appui croissant d’Etats frères.

Le Maghreb entre blocage et main tendue
Mais si le Royaume progresse sur le plan africain, la construction maghrébine reste l’un des grands chantiers inaboutis du règne de Mohammed VI. Le constat est amer : l’Union du Maghreb Arabe, pourtant, riche de tant de promesses, demeure à l’arrêt.
Face à ce blocage, le roi a multiplié les gestes d’ouverture, en particulier, envers l’Algérie. Discours solennels appelant au dialogue, propositions de rencontres bilatérales, silence assumé face aux provocations — la ligne marocaine reste inchangée : privilégier la paix, éviter l’escalade. Mais l’autre rive ne répond pas.
Avec la Tunisie, les relations ont connu, ces dernières années, des hauts et des bas, marqués par une certaine distance diplomatique. Si les liens historiques entre les deux pays restent forts, la coopération bilatérale a été affectée par des divergences de position ponctuelles et un climat politique tunisien en mutation. Rabat a toutefois veillé à maintenir un ton mesuré, privilégiant la discrétion au conflit.
En revanche, avec la Mauritanie, le Maroc a réussi à établir un dialogue régulier et constructif, renforçant les échanges sur les plans économique, sécuritaire et diplomatique. Les deux pays affichent une volonté commune de consolider leur coopération, dans un esprit de voisinage apaisé. Nouakchott est aujourd’hui perçue comme un partenaire stratégique stable dans la région sahélo-saharienne.
Dans le cas libyen, le Maroc a su adopter une position de médiateur neutre, en abritant plusieurs rounds de négociations inter-libyennes à Skhirat, contribuant à une solution politique entre les parties rivales.
Un leadership tranquille
Il faut aussi souligner que Mohammed VI ne pratique pas une diplomatie de l’esbroufe. Peu de grandes déclarations, peu de posture théâtrale. Mais, une présence continue, une action structurée, souvent, discrète, toujours, ancrée dans le long terme.
Ce style contraste avec les modes communicationnels dominants. Il mise sur la solidité des alliances, la constance des engagements et la crédibilité des partenariats.
Aujourd’hui, plusieurs pays africains voient dans le Maroc un modèle de stabilité politique, de réforme maîtrisée et d’ouverture constructive. Une rareté dans un environnement marqué par les instabilités et les désillusions.

Et maintenant ?
A l’heure où le monde connaît des basculements majeurs — conflits régionaux, crise climatique, transition énergétique, fracture numérique — le Maroc de Mohammed VI apparaît comme un pays pivot, enraciné dans ses valeurs, tourné vers son continent, attentif à ses voisins.
Le bilan de ces 26 années n’est pas exempt de défis encore à relever — notamment sur les plans social et éducatif — mais, il montre une ligne claire, une direction assumée.
Dans ce moment où tant de nations doutent de leur rôle et de leur avenir, le Maroc, sous le règne de Mohammed VI, a choisi une voie : celle de l’engagement, du respect et de la coopération.
C’est peut-être cela, au fond, la plus grande réussite de ces vingt-six années.
Par Dr. Lahcen Benchama