Au Maroc, durant les décennies 1960 et 1970, l’éducation et la santé représentaient deux piliers essentiels du service public. Gérés par l’Etat, ces secteurs garantissaient à chaque citoyen un accès équitable au savoir et aux soins, favorisant ainsi la cohésion sociale et l’égalité des chances. Or, depuis la vague de réformes économiques et la montée du libéralisme dans les années 1980, la privatisation progressive de ces domaines a profondément bouleversé cet équilibre. Dès lors, on peut s’interroger : La coexistence d’un système public fragilisé et d’un secteur privé florissant permet-elle encore d’assurer l’égalité des chances ?
I. Le service public d’hier : un modèle d’équité et d’efficacité
Au lendemain des indépendances, la priorité des jeunes Etats était la formation et la santé de leurs populations. L’école publique, gratuite et ouverte à tous, a permis à des générations entières d’accéder à la connaissance. Les enseignants, souvent, des coopérants venus d’Europe, assuraient un enseignement rigoureux et de qualité (sur notre photo, une cour d’école au Maroc).
De même, les hôpitaux publics offraient des soins accessibles et humains. Les internats, cantines et dispensaires, facilitaient la scolarisation et la prise en charge des populations, même dans les zones reculées.
Ce système, bien que perfectible, reposait sur une vision collective du développement : L’éducation et la santé étaient perçues comme des biens communs, non comme des marchandises.
II. La privatisation et ses effets : Naissance d’une société à deux vitesses
A partir des années 1980, sous l’effet des politiques d’ajustement structurel imposées par les institutions internationales (FMI, Banque mondiale), les Etats ont réduit leurs dépenses publiques. Cette réorientation a entraîné une ouverture du marché de l’éducation et de la santé au secteur privé.
Les établissements privés, mieux dotés en infrastructures et en personnel, ont rapidement attiré les classes moyennes et aisées. En revanche, les écoles et hôpitaux publics, souffrant de sous-financement, ont vu leurs conditions se dégrader : Classes surchargées, manque de matériel, pénurie de personnel, infrastructures délabrées.
Dans ce contexte, l’égalité des chances s’est transformée en privilège social : Seuls ceux qui peuvent payer accèdent à la qualité. La santé et l’éducation, censées unir les citoyens, deviennent des marqueurs d’inégalités profondes.
III. Vers une nécessaire réhabilitation du service public
Si la privatisation a permis de diversifier l’offre, elle a aussi affaibli le principe d’universalité des droits. Une démocratie authentique ne peut exister sans un accès équitable au savoir et à la santé.
Réhabiliter le service public suppose d’augmenter les investissements publics, de renforcer la formation des enseignants et du personnel médical, et de redéfinir les partenariats public-privé dans une logique de complémentarité, non de concurrence.

Sans cette refondation, les valeurs d’égalité, de justice et de solidarité resteront des idéaux sans portée réelle.
Conclusion
L’évolution du système éducatif et sanitaire illustre la fragilité du modèle social contemporain. La privatisation, en accentuant les disparités, a affaibli le lien entre citoyens et Etat.
Ainsi, tant que l’école et la santé fonctionneront selon une logique marchande, l’égalité des chances demeurera un mythe. Restaurer la confiance dans le service public n’est pas seulement un choix politique : C’est une exigence morale et une condition du progrès collectif.
Par Dr Lahcen Benchama
 
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
  
				 
															



