NIGER : Vivement la désescalade dans les relations CEDEAO-NIGER (sinon on va droit vers la catastrophe)

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Depuis mercredi, 2 août, et pendant trois jours, les chefs d’état major des armées de la CEDEAO, à Abuja, planchent sur un plan pour une éventuelle intervention militaire au Niger après le coup d’état, qui a renversé le président, Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023. Par ailleurs, la délégation politique de la CEDEAO avec à sa tête, l’ancien président du Nigeria, Abdulsalami Abubakar, venue rencontrer le président déchu et le chef de la junte, le général, Abdramane Tchiani, n’est pas allée plus loin que le salon présidentiel de l’aéroport international Hamani Diori de Niamey. Elle a vertement été éconduite par le CNSP (Conseil national pour la sauvegarde de la patrie), qui a durci sa position, montrant, clairement, ses muscles à ceux qui disent venir vouloir le déloger du palais présidentiel. Au même moment, et le timing n’est pas neutre car on est dans la dernière ligne droite de la validation du putsch, le président chassé du pouvoir, a écrit une tribune parue dans le quotidien américain, le Washington Post, pour dénoncer le fait qu’il soit pris en otage et alerter sur les risques de déstabilisation de la sous-région en cas de succès de ce putsch. Il a terminé son texte en réclamant l’intervention militaire des Etats-Unis. Simple coïncidence : au même moment (ou presque), le président, Joe Biden (qui ne s’était pas encore prononcé sur cette crise laissant parler son chef de la diplomatie Anthony Blinken) est sorti de sa réserve pour « demander la libération immédiate du président Bazoum et de sa famille, ainsi que, la préservation de la démocratie durement acquise au Niger ».

Cela fait beaucoup de choses qui n’ont pas été de nature à perturber la relative sérénité du CNSP, qui de son côté, s’est montré tout aussi actif. C’est ainsi que, partie de Bamako, la délégation conduite par le numéro 2 du CNSP, le général, Salifou Modi, a été reçue, à Ouagadougou (notre photo), par le capitaine-président, Ibrahim Traoré : « Nous avons reçu un très fort soutien du Burkina Faso. Comme vous le savez, un certain nombre de pays de la CEDEAO ont décidé d’appliquer des mesures sévères de sanctions contre le Niger. Au cours de nos échanges, nous avons parlé précisément de cette situation parce que nous ne souhaiterions pas que le Niger devienne une nouvelle Libye », a indiqué le général, Salifou Modi. Avant d’ajouter : « En coordination avec nos frères du Burkina Faso, nous avons décidé d’entreprendre un certain nombre d’activités pour sécuriser nos populations et sécuriser nos deux pays ».

Sur le plan national, la junte s’installe et travaille à cet effet, en attendant la formation de son gouvernement. La situation politique se normalise et le couvre-feu instauré le 26 juillet, après le putsch, vient d’être levé. Le chef du CNSP, le général, AbdramaneTchiani, commence à prendre l’étoffe. Il a reçu, mercredi, 3 août, matin, les principaux leaders de la société civile nigérienne, après avoir obtenu le soutien d’une partie de l’opposition nigérienne, qui soutient le putsch contre Bazoum.

Dans une déclaration lue par le secrétaire général du SNECS (Syndical national des enseignants-chercheurs du supérieur), Dr Bakasso Sahabi, l’organisation syndicale a constaté que la gouvernance en général (de Mohamed Bazoum) était caractérisée par la corruption, l’impunité, l’injustice, la négation des libertés individuelles et collectives et le pillage des ressources publiques, autant de comportements que l’on croyait à jamais révolus. A noter que Mohamed Bazoum, lui-même, est un ancien syndicaliste. Face aux menaces de déstabilisation en provenance de certains pays occidentaux et de la CEDEAO, le SNECS a demandé au CNSP « de prendre toutes les mesures tendant à préserver l’intégrité du territoire, la sécurité et la souveraineté nationale afin que le Niger retrouve la paix et la plénitude de sa souveraineté politique et économique ; de faire rentrer l’Etat nigérien dans ses droits en espèces et en nature partout où ils ont été spoliés ; de créer les conditions d’une justice réellement indépendante et impartiale ; de créer les conditions d’un retour à l’ordre constitutionnel normal durable dans un délai raisonnable et de déclarer nul tout acte juridique contraire aux intérêts du Niger ».

La déclaration a, enfin, « invité les peuples voisins et frères du Bénin et du Nigéria à se démarquer des décisions malheureuses et contraires à la fraternité africaine, prises par les dirigeants de la CEDEAO et de l’UEMOA au détriment même de l’intérêt de leurs propres pays pour conforter la politique néocoloniale ».

Soupçonnée de soutenir en sous-main la junte du Niger, la Russie, au lendemain du Sommet Russie-Afrique tenue à Saint-Petersburg, fin juillet, s’est bornée dans un rôle de modération : « Nous pensons que la menace de l’usage de la force contre un Etat souverain ne contribuera pas à désamorcer les tensions et à résoudre la situation dans le pays », a soutenu, le 2 août, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, et de souhaiter « une solution africaine aux problèmes africains ».

La situation au Niger, visiblement, se normalise. Le CNSP consolide sa position de jour en jour alors que personne n’est en mesure de dire comment pourrait concrètement réussir une intervention militaire de la CEDEAO à Niamey, visant à extraire Mohamed Bazoum, de sa résidence plongée dans le noir à cause des délestages provoqués par la coupure de la fourniture électrique venant du Nigeria, et à le remettre au pouvoir qu’il a perdu le 26 juillet. C’est tout simplement chose impossible. Un malheur ne venant jamais seul, la France, outre la perte du pouvoir de son poulain, assiste à la dénonciation des cinq accords de sécurité et de défense qu’elle avait signés avec le Niger, ce qui annonce le départ prochain des 1.500 soldats français stationnés à Niamey, pour l’essentiel d’entre eux. Pour le moment, il n’en est rien pour les Américains, mais si le CNSP a l’intention de faire venir Wagner, comme c’est le cas au Mali et bientôt au Burkina Faso, la cohabitation entre Russes et Américains, possible, hier contre les Nazis, pendant la deuxième guerre mondiale, aura du mal à se concrétiser sur le terrain, en 2023, même si les deux pays combattent le djihadisme. Pour boucler la boucle, le CNSP a limogé les ambassadeurs du Niger accrédités auprès des gouvernements français, américain, nigérian et togolais.

Après avoir été le va-t-en guerre numéro un de la CEDEAO, son président en exercice, le Nigérian, Bola Tinubu, commence à prêcher le dialogue et la modération. C’est ainsi qu’il a recommandé un règlement à l’amiable de la situation au Niger à la délégation qu’il vient d’envoyer en Libye et en Algérie pour évoquer la crise au Niger. Il ne parle plus (trop) d’intervenir militairairement, mais de dialoguer et de trouver une solution « à l’amiable ». Après avoir prêché la guerre, est-ce le début du commencement de la sagesse de Bola Tinuba ?

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