Les Malgaches aiment, décidément, la fête. La preuve, ils sont en train de reconduire à la présidence de la République, l’ancien disc-jockey, Andry Rajoelina, qui dirigea le pays pendant quatre ans de 2009 à 2014, après l’éviction du patron de Tiko. En effet, il a pris l’avantage sur ce rival de toujours, Marc Ravalomanana, dans la course à l’élection présidentielle à Madagascar, selon des résultats partiels, dans un climat tendu par les accusations de fraudes que se renvoient leurs deux camps.
Un décompte provisoire communiqué, vendredi, 21 décembre, par la Commission électorale (CENI), après dépouillement de près de 1,7 million de bulletins de vote, sur près de 10 millions d’électeurs inscrits, créditait Andry Rajoelina de 54,85% des suffrages, nettement, devant Marc Ravalomanana avec 45,15%.
La publication de ces premières tendances significatives intervient alors que les deux candidats ont proclamé leur victoire, dès le soir du second tour.
« Le changement arrive demain et, dès aujourd’hui, vous pouvez dire que +Dada+ (Papa, son surnom) est élu », avait lancé, mercredi, 19 décembre, Marc Ravalomanana, devant ses partisans réunis à Antananarivo.
« C’est le 13 (son numéro sur la liste des candidats) qui mène dans tout Madagascar », avait asséné, en retour, Andry Rajoelina : « Je suis persuadé de remporter une victoire, mais on va attendre les résultats officiels » (notre photo).
Au premier tour, l’ex-publicitaire et disc-jockey, 44 ans, avait, déjà, viré en tête avec 39,23% des voix. Marc Ravalomanana, 69 ans, qui a fait fortune à la tête du groupe laitier, Tiko, le talonnait avec 35,35%.
Depuis la tenue du deuxième tour, les camps des deux protagonistes s’accusent mutuellement d’avoir triché.
Avant même le second tour, Marc Ravalomanana avait mis en garde contre la circulation de « fausses cartes d’identité et fausses cartes d’électeurs ».
Jeudi matin, l’ex-chef de l’Etat a haussé le ton en dénonçant des « fraudes massives ». « Je commence à être inquiet. Je n’accepterai les résultats que s’ils correspondent à la réalité, sinon, je déposerai un recours », a-t-il mis en garde.
Conforté par les premiers scores publiés, l’entourage d’Andry Rajoelina a répondu en accusant, à son tour, celui de son adversaire de « manipulations ».
« S’ils disent avoir constaté des fraudes, je les encourage à utiliser les voies de recours prévues par la loi », a répondu l’ancien ministre, Hajo Andrianainarivelo. « Nous avons fait un grand pas vers la victoire, les urnes ont parlé une bonne fois pour toutes ! ».
Le chef de la mission des observateurs de l’Union européenne (UE) a affirmé vendredi n’avoir pas constaté les irrégularités signalées par les candidats.
« Les Malgaches ont voté dans une atmosphère pacifique lors d’un scrutin transparent et bien organisé », s’est réjoui Cristian Preda devant la presse.
« Avant même le premier tour les candidats ont parlé de fraude massive, nous ne les avons pas constatées sur le terrain (…). Il faut leur dire, si vous les voyez, que la campagne est finie », a-t-il ajouté. « J’espère que le calme viendra une fois que les résultats seront très clairs ».
Tout au long de la campagne électorale, les échanges ont été vifs entre les deux ex-chefs de l’Etat et leurs partisans, dont les rancunes remontent à la crise de 2009.
L’animosité entre les deux hommes ne date pas d’aujourd’hui. Elu en 2002, M. Ravalomanana avait été obligé de démissionner sept ans plus tard face à une vague de manifestations violentes fomentées par M. Rajoelina, alors maire d’Antananarivo.
Ce dernier avait ensuite été installé par l’armée à la tête d’une présidence de transition qu’il a quittée en 2014.
Les deux hommes avaient été privés de revanche en 2013, interdits de candidature à la faveur d’un accord de sortie de crise validé par la communauté internationale.
Depuis des semaines, leur duel aux airs de règlement de comptes a occulté le débat sur l’insécurité, la corruption et surtout la pauvreté du pays, un des moins avancés sur le continent africain et dans le monde.