SENEGAL : Karim Wade de la Prison de Rebeuss au Palais présidentiel ?

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L’ancien ministre d’Etat et fils de l’ancien président du Sénégal, Karim Wade, a quitté le Sénégal pour le Qatar, peu après sa libération, dans la nuit de jeudi à vendredi, 24 juin 2016, selon une source officielle et de nombreux médias locaux.

Placé en détention préventive, à Dakar, depuis, avril 2013, il avait été jugé – avec d’autres co-accusés – et condamné, en mars 2015, à six ans de prison ferme et à plus de 210 millions d’euros d’amende pour « enrichissement illicite », ce qu’il a, toujours, nié. Le verdict a été confirmé en appel, en août 2015.

D’abord conseiller, puis, un des ministres puissants de son père, Abdoulaye Wade, qui avait dirigé le Sénégal de 2000 à 2012, il avait, malgré lui, été surnommé, par ses détracteurs, « ministre du Ciel et de la Terre », en raison de ses nombreux portefeuilles et prérogatives (Infrastructures, Transport aérien, Coopération internationale, Aménagement du territoire…) qu’il cumulait sous le magistère de son père.

Karim Wade est, par ailleurs, un des responsables du Parti démocratique sénégalais (PDS, opposition), formation créée et, toujours, dirigée par son père. Deux jours avant l’annonce du verdict, le PDS l’avait désigné candidat à la prochaine présidentielle, prévue en mars 2019. Une position inchangée depuis.

Sa grâce, par un décret de Macky Sall daté de vendredi, a été annoncée par la présidence sénégalaise peu avant 03H00 du matin (même heure GMT). Ce pardon concerne, également, deux autres accusés, Ibrahima Aboukhalil dit Bibo Bourgi et Alioune Samba Diassé. Trois heures du matin, est une heure choisie pour éviter des troubles.

« Cette mesure dispense seulement les condamnés de subir la peine d’emprisonnement restant à courir (…). Les sanctions financières contenues », dans le verdict prononcé en mars 2015, « et la procédure de recouvrement déjà engagée demeurent », a précisé la présidence de la République.

Cette décision est une « remise partielle » de peine, elle « n’efface pas la condamnation qui figure toujours dans leur casier judiciaire », a précisé, à la presse, le ministre de la Justice, Me Sidiki Kaba. La grâce a été décidée par Macky Sall « pour des raisons humanitaires », a-t-il argué.

Karim Wade, qui était détenu à la prison civile de Rebeuss, à Dakar, a été libéré « dans la nuit de jeudi à vendredi. Il a, ensuite, quitté Dakar pour aller au Qatar », selon un porte-parole du ministère de la Justice, Soro Diop. Tout s’est déroulé de la nuit au petit matin. Au moment où se réveillaient les Sénégalais avec une gueule de bois certaine, Karim était sans doute en train de prendre son petit-déjeuner dans l’avion qui le conduisait vers Doha.

Selon un responsable du PDS et plusieurs médias, il est parti du Sénégal à bord d’un jet privé, en compagnie d’un procureur général du Qatar, qui l’attendait dans le salon présidentiel de l’Aéroport international, Léopold Sédar Senghor de Dakar. Son départ a, cependant, surpris de nombreux partisans qui avaient commencé à se rassembler aux endroits où il était susceptible d’être conduit après sa libération.

Sa remise en liberté sur grâce était attendue depuis que, début juin, le président, Macky Sall, en visite, en France, avait évoqué cette éventualité, d’abord, dans un entretien à la radio française RFI. Il l’avait, de nouveau, mentionnée, mi-juin, devant d’influents chefs religieux musulmans locaux. Les Wade père et fils sont des adeptes de la confrérie musulmane Mouride.

Au PDS, on a indiqué que le parti communiquerait, ultérieurement, sur cette libération, que cette formation et ses alliés ont, toujours, réclamée. A l’inverse, le maintien, en détention, de Karim Wade était prôné par des organisations de la société civile, des citoyens engagés et certains partis – y compris de la majorité présidentielle -, à mesure qu’enflait la rumeur sur la grâce présidentielle.

De nombreux Sénégalais – connus ou anonymes – se sont déclarés choqués ou scandalisés par la libération de Karim Wade (notre photo où il est avec le fils âiné du Khalife Général des Mourides Serigne Moustapha Mbacké Maty Lèye, quelques heures après sa sortie de prison) au mépris, selon certains, des promesses de campagne de Macky Sall qui s’était posé en chantre de la lutte contre la corruption et pour une « gouvernance vertueuse ».

Sur Twitter, ‏@tidianeouestaf dénonce une « gifle aux Sénégalais » tandis que @gayesarr fustige un « deal politique (…) honteux, indigne et ignoble ! »

A l’évidence, selon Alioune Tine, une figure de la société civile sénégalaise, ce dernier développement dans le dossier Karim Wade, après « des interférences religieuses et politiques », a installé « une impression de malaise réel » au Sénégal.

Trahison ou promesse de campagne non tenue ? L’essentiel est que Karim Wade soit dehors, en liberté, et qu’il lui soit loisible, dès maintenant, de réfléchir au programme de sa campagne présidentielle de 2019 où il briguera, ouvertement, la succession de Macky Sall. Sa libération anticipée est, certes, une mesure d’apaisement pour Macky Sall (qui entend détendre l’atmosphère après la dialogue politique mi-figue mi-raisin). Elle est, surtout, une victoire incontestée de Me Abdoulaye Wade qui, très combatif, comme il sait l’être, malgré son bel âge actuel, avait pu remuer « le ciel et la terre » afin que ses réseaux et lobbies fassent pression sur le président, Macky Sall.

Avec la libération de ce futur candidat à la présidence de la République pour le compte du PDS, le parti présidé par Me Abdoulaye Wade, on peut d’ores et déjà dire que la présidentielle de mars 2019, est lancée et qu’elle sera des plus ouvertes. Avec un Macky Sall qui aura fort à faire à cause d’un bilan de mandat mitigé promis sur cinq ans, puis, prolongé à sept ans, pour des raisons qui n’ont guère convaincu, d’un côté, et Karim Wade qui vient de passer par la case prison où, il s’est fait une stature d’homme d’Etat, qui lui manquait, voilà qui va compléter son très riche curriculum vitae, et rendre les débats plus enlevés. Le couple Abdoulaye et Viviane Wade, est, désormais, apaisé d’avoir son fils à ses côtés, plus libre que le vent de Dakar-Yoff.

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