SENEGAL :   Le duo Ousmane Sonko et Diomaye Faye (l’exemple à suivre en Afrique)

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L’élection présidentielle sénégalaise de 2024 a marqué un tournant historique non seulement
pour le pays, mais pour toute l’Afrique de l’Ouest. Alors qu’il était largement
pressenti comme le favori de la jeunesse et des classes populaires, Ousmane
Sonko, figure emblématique de l’opposition sénégalaise, n’a pas pu se présenter
à cause de son emprisonnement. Dans un contexte tendu, où l’avenir démocratique
du pays semblait suspendu à un fil, son parti, le PASTEF (Patriotes du Sénégal
pour le travail, l’éthique et la fraternité), a fait un choix audacieux :
désigner Bassirou Diomaye Faye comme son candidat. Ce dernier, encore peu connu
du grand public africain, allait incarner les idéaux du parti et, au-delà, ceux
de son mentor.

Contre toute attente, Diomaye Faye fut brillamment élu président de la République. Ce fut un signal fort envoyé à l’ensemble du continent : une volonté claire du peuple sénégalais de rompre avec les pratiques politiques traditionnelles, de redonner un sens à la responsabilité et à l’intégrité, et d’ouvrir un nouveau chapitre où l’intérêt général prime sur les ambitions personnelles (sur notre photo, une transmission de pouvoir apaisée entre l’ancien bourreau et les deux anciens prisonniers du bourreau, au palais présidentiel)

L’héritage politique d’Ousmane Sonko

Si Diomaye Faye occupe aujourd’hui le fauteuil présidentiel, c’est bien Ousmane Sonko qui reste l’âme de ce changement. Ses idées ont façonné l’agenda politique du Sénégal contemporain : fermeture des bases militaires françaises en Afrique, sortie du F CFA, renforcement de la souveraineté économique, lutte acharnée contre la fraude fiscale, réduction du train de vie de l’Etat… Ces positions, radicales pour certains, ont pourtant trouvé un large écho chez une jeunesse en quête d’un avenir souverain et digne.

Sonko a ainsi posé un acte politique rare : renoncer à ses ambitions personnelles pour faire triompher un projet collectif. Dans une Afrique où la politique est trop souvent marquée par l’égoïsme, l’acharnement au pouvoir et les trahisons, ce geste l’a fait entrer dans l’Histoire. Peu d’opposants ont accepté de se mettre en retrait au profit d’un allié, souvent, par peur de perdre le contrôle ou de tomber dans l’oubli. Mais Sonko a démontré que l’essentiel n’est pas la personne, mais, le combat.

Charles Blé Goudé et le miroir ivoirien

Ce sacrifice de Sonko a trouvé un écho inattendu en Côte d’Ivoire, chez Charles Blé Goudé, président du COJEP (Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples). L’ancien compagnon de Laurent Gbagbo et ex-ministre de la Jeunesse a salué publiquement le geste du leader sénégalais. Selon lui, Sonko a montré que l’intérêt général devait primer sur l’intérêt particulier, une valeur trop souvent perdue dans les arènes politiques africaines.

Jusqu’à ce jour, on tente de diviser Diomaye Faye et Ousmane Sonko, mais, leur entente est plus que parfaite au grand bonheur du peuple sénégalais et africain.

Cependant, certains Ivoiriens restent sceptiques quant à la capacité de Blé Goudé à suivre cet exemple. Un compatriote affirmait récemment qu’il n’était pas sûr que le leader du COJEP puisse désigner un « Diomaye Faye » ivoirien, surtout, au moment où ce dernier semble négocier avec les autorités d’Abidjan pour réintégrer la liste électorale. Une telle posture pourrait apparaître contradictoire avec les discours tenus sur le renouveau éthique en politique.

Mais tout n’est pas joué. Il est possible que Blé Goudé ait déjà fait son choix. Car s’il veut être cohérent avec ses convictions affichées, s’il veut montrer qu’il n’est pas seulement un homme de parole, mais aussi, d’actes, il devra, à l’image de Sonko, désigner une figure crédible pour porter son projet. Ce serait là un minimum à faire pour ceux qui prônent le retour des valeurs dans la vie publique. La politique ne peut plus être un théâtre où l’on dit une chose et fait son contraire. Le continent a besoin d’hommes et de femmes capables de renoncer à leur égo pour construire un avenir collectif.

Le général des jeunes (Charles Blé Goudé) n’a pas droit à l’erreur : Il faut qu’il prenne ses responsabilités en ralliant le camp de l’opposition appelé à gagner la présidentielle d’octobre 2025.

Conclusion : l’Afrique en quête d’exemplarité

Le cas sénégalais offre une source d’inspiration précieuse. Il rappelle que l’alternance, le renouveau et l’éthique ne sont pas des utopies. Ils sont possibles dès lors qu’il existe des hommes capables de faire passer le combat collectif avant leur propre carrière. Ousmane Sonko, en se retirant, a ouvert la voie à une autre manière de faire de la politique. Diomaye Faye, en acceptant de porter ce flambeau, incarne cette nouvelle ère.

La balle est désormais dans le camp des autres leaders africains, notamment, ceux qui aspirent à incarner une alternative. Charles Blé Goudé, par ses paroles, a montré qu’il comprenait la portée de ce moment historique. Reste à savoir s’il ira jusqu’au bout, en posant, lui aussi, un acte fort et symbolique. Car c’est bien dans les moments de vérité que l’on reconnaît les véritables hommes d’Etat.

Jean-Claude DJEREKE

Est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).

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