Les événements qui se déroulent sous nos yeux dans le Darfour se passent de commentaire : 50.000 morts au bas mot, 200.000 réfugiés au Tchad, 1.000.000 de déplacés à l’intérieur même du Darfour, 1.200.000 personnes fortement touchées par la crise humanitaire, empoisonnement des puits d’eau, etc. Nous avons là tous les ingrédients d’un début de génocide.
Il faut encourager les premiers ministres britannique et australien à intervenir militairement pour arrêter les massacres sur les populations civiles du Darfour et sécuriser l’acheminement de l’aide humanitaire. Les 5.000 hommes dont le chef de l’armée britannique, le général Sir Michael Jackson, a annoncé la venue dans ce cadre, doivent automatiquement être suivis d’autres contingents, notamment, africains.
Les 30 jours donnés par les Nations-Unies au gouvernement (très) raciste de Khartoum pour faire des progrès significatifs visant à désarmer les miliciens djandjawids armés par le régime du président soudanais, Omar El Béchir, sont une manière déguisée qui encourage l’accentuation de la sale besogne déjà largement entamée. Car quel est le vrai problème du Darfour ? Ce n’est que le refus de marginalisation de cette région (alors qu’il est grand comme la France, le Darfour compte à peine 40 kilomètres de routes bitumées), son refus de ne plus être prise en compte dans les projets de développement par le gouvernement central, alors que victime aussi du même type d’ostracisme, la grande région sud du Soudan, sous l’impulsion du charismatique John Garang, a pu parvenir, avec l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), au terme d’une vingtaine d’années d’une guerre civile inqualifiable, à la signature d’un accord de partage de responsabilités et de richesses avec le gouvernement de Khartoum. Pourtant, le Darfour n’est pas seul dans cette situation : les populations du Nord et de la région des monts Nouba sont également concernées par les problèmes que cette extrême pauvreté peut engendrer à tout moment.
C’est la raison pour laquelle il y a un an, les populations du Darfour, convaincues que le seul langage que comprenait Khartoum était celui des armes, n’ont pas hésité à les utiliser. La réaction de l’armée du président Omar El Béchir fut sans pitié, mais s’étant rendu très vite compte que son armée parviendrait difficilement à avoir le dessus sur ces combattants zaghawa et autres du Darfour, il a opté pour le moindre mal en équipant des miliciens djandjawid (arabes) afin qu’ils effectuent le sale boulot en lieu et place de l’armée régulière. Il ne faut donc pas se laisser divertir par les propos démagogiques du ministre soudanais des Affaires étrangères, Mustafa Osman Ismaïl : l’ingérence anglo-américaine à laquelle il fait allusion en dressant un parallèle entre le projet de résolution que son homologue américain Colin Powell, veut faire voter (à une vitesse de tortue) aux Nations-Unies, et la tactique employée par les Etats-Unis en Irak, sont deux problèmes de nature différente. Dans le cas du Darfour, les Etats-Unis travaillent sous l’égide des Nations-Unies tandis qu’en Irak, ils ont toujours joué solo. D’autre part, les Nations-Unies sont en parfaite symbiose avec l’Union Africaine qui n’a pas baissé la garde sur ce dossier malgré l’échec des négociations qu’elle entendait conduire en vue d’une solution politique à cette crise.
Cela dit, il est grand temps d’arrêter de discourir. On ne compte plus le nombre de ministres occidentaux à avoir effectué, ces derniers jours, le déplacement de Khartoum sans que rien, absolument rien, ne sorte de leur voyage : l’Américain Colin Powell, l’Allemand Joschka Fischer, le Français Michel Barnier, sans même parler de Kofi Annan en personne, en attendant la visite annoncée pour fin août du Britannique Jack Straw. Je dis à tous ces messieurs : « assez de tourisme et de bavardage » ! On attend vos actions car plus on perd du temps, plus les morts s’empilent au Darfour. C’est quand même hypocrite de serrer la main du dictateur Béchir et de discuter en longueur avec un gouvernement qui est impliqué dans tous les crimes qu’il y a eu au Soudan quand on sait pertinemment que le problème qui se pose n’est pas humanitaire mais suprêmement politique, à savoir, faire partir Béchir du pouvoir ainsi que toute sa clique.