UNION AFRICAINE : Le retour du Maroc bouscule-t-il l’organisation ?

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Le Maroc avait quitté l’UA (Union africaine), en 1984, pour protester contre l’admission de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) proclamée par le Front Polisario au Sahara occidental, un territoire que Rabat considère comme sien.

Mais, le Maroc a annoncé, en juillet, sa volonté de réintégrer l’organisation et le roi, Mohammed VI (sur notre photo avec le président togolais Faure Gnassingbé), qui a annoncé sa présence, à Addis Abeba, a enchaîné, depuis, les offensives diplomatiques.

Le retour du Maroc demeure, toutefois, un sujet clivant au sein de l’UA – l’Algérie y est notamment hostile – et les observateurs redoutent que ces dissensions ne viennent se coupler aux divergences de vue sur la Cour pénale internationale (CPI) et aux traditionnelles rivalités des blocs régionaux pour l’élection du nouveau président de l’exécutif continental.

« L’expansion économique sur le continent est importante pour le Maroc », assure Liesl Louw-Vaudran, analyste pour l’Institute for Security Studies (ISS). « L’Union africaine est de plus en plus importante, et le Maroc se rend compte qu’il est impossible de mettre en œuvre son agenda continental sans être membre de l’UA ».

D’autre part, souligne-t-elle, la réintégration du Maroc pourrait être une aubaine pour l’UA, qui cherche à devenir, financièrement, indépendante, mais, a perdu en la personne du défunt dictateur libyen, Mu’ammar Kadhafi un généreux bienfaiteur. Un générateur bienfaiteur, certes, mais, qui oubliait, très souvent, de payer ses cotisations, jusqu’à ce qu’on le lui rappelle, tout le temps.

L’UA est, actuellement, financée à 70% par des donateurs étrangers, selon l’ISS.

Toutefois, « l’affaire n’est pas pliée », avertit Mme Louw-Vaudran, rappelant que l’Algérie et l’Afrique du Sud, deux membres influents de l’UA, sont opposés ou réticents au retour du Maroc. Alger et Pretoria soutiennent, de longue date, la lutte du Front Polisario, qui réclame l’indépendance du Sahara occidental.

L’hostilité de certains pays africains vis-à-vis de la CPI pourrait, également, susciter de nouveaux débats animés. Le Burundi, l’Afrique du Sud et la Gambie ont décidé, en 2016, de quitter la Cour, l’accusant de ne viser que des pays africains.

Le Kenya, très en pointe dans ce combat, a menacé de leur emboîter le pas, tout comme, l’Ouganda, tandis que le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Botswana, entre autres, soutiennent, ouvertement, la CPI.

Les intérêts régionaux divers promettent, aussi, de compliquer l’élection d’un nouveau président de la Commission pour succéder à la Sud-Africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, saluée pour avoir mis la question des droits des femmes sur la table, mais, critiquée pour son bilan en terme de paix et sécurité. D’autre part, les modifications des constitutions dans plusieurs pays, et la fraude électorale ont prospéré, en Afrique, son règne. Bref, son bilan, en demi-teinte, ne fait pas honneur à la Sud-Africaine qu’elle est.

La désignation de son successeur devait avoir lieu en juillet, mais, avait, finalement, été reportée, de nombreux membres de l’organisation estimant que les prétendants « manquaient d’envergure ».
Trois nouveaux candidats se sont, depuis, manifestés, et les observateurs s’attendent à ce que le vainqueur soit l’un d’entre eux : la ministre kényane des Affaires étrangères, Amina Mohamed, l’ancien premier ministre tchadien, Moussa Faki Mahamat, ou le diplomate sénégalais, Abdoulaye Bathily.

Chargé de revoir le fonctionnement de l’UA, taxée de lourdeur bureaucratique, le président rwandais, Paul Kagame, doit, par ailleurs, présenter ses pistes de réformes.
Plusieurs crises sur le continent seront, également, à l’agenda du sommet, comme le chaos en Libye : l’Egypte, au nom de l’efficacité, conteste le leadership du Congo-Brazzaville, dans ce dossier. D’autres crises comme les groupes djihadistes au Mali, en Somalie et au Nigeria, ou encore, les tensions politiques en République démocratique du Congo (RDC), pourront, aussi, s’inviter dans les débats.

Le Soudan du Sud, où la guerre civile a fait des dizaines de milliers de morts et plus de 3 millions de déplacés, depuis décembre 2013, devrait, de nouveau, être au coeur des préoccupations.
Les violences ethniques perdurent et la force régionale de 4.000 hommes proposée au dernier Sommet de l’UA pour renforcer les 12.000 Casques Bleus, déjà, sur place n’a, finalement, pas été envoyée, le gouvernement du président Salva Kiir traînant des pieds.

Bien que la question ne soit pas, officiellement, à l’agenda du sommet, l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche devrait occuper nombre de discussions, estime Mme Louw-Vaudran. Sa promesse de défendre « l’Amérique d’abord » suscite, en effet, des craintes sur sa relation future avec l’Afrique.

Les Etats-Unis sont un des principaux contributeurs dans la lutte contre les islamistes radicaux somaliens shebab. Or, la mission de l’UA en Somalie a, déjà, souffert d’une diminution de financement de la part de l’Union européenne.

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