L’âge d’or de Vincent Bolloré fut avec le mandat de cinq ans de Nicolas Sarkozy à l’Elysée de 2012 à 2017. C’est l’époque où Sarkozy du haut de son trône élyséen, se permettait de menacer, au téléphone, certains chefs d’Etat d’Afrique centrale, qui traînaient les pieds pour octroyer de juteux contrats à l’ami Bolloré. Depuis, l’eau a coulé sous les ponts, et même si, au nom des intérêts de la France, Francois Hollande, le successeur de Sarkozy, à l’Elysée, avait essayé de jouer les « go between » entre Bolloré et certains chefs d’Etat, les résultats n’ont plus jamais été à la hauteur des attentes. Pour preuve, Bolloré a carrément vu son chiffre d’affaires plonger avec la nationalisation du Port autonome de Douala qui dessert la dynamique économie camerounaise, mais aussi, celles du Tchad et du Centrafrique. C’est 30% des recettes en moins du groupe en Afrique. A cela s’est ajoutée la chute du président, Alpha Condé, en Guinée au profit d’un colonel qui ne porte pas du tout Bolloré dans son cœur. Rappelons que Alpha Condé fut installé au pouvoir en décembre 2010 (de la manière qu’on sait par Bolloré et le duo Sarkozy-Kouchner). Sur un autre plan, l’arrivée au pouvoir au Bénin de Patrice Tallon n’a pas favorisé l’éclosion des affaires de Bolloré au niveau du chemin de fer et du port. Bref, en homme d’affaires avisé, il est obligé de tirer les conséquences et miser sur ce qui est son ultime chance pour pouvoir rebondir, à savoir, la montée en puissance (jusqu’à l’Elysée ?) de son candidat à la présidentielle, Eric Zemmour. Bolloré devrait donc se séparer d’une branche emblématique : l’armateur italo-suisse MSC a proposé au groupe français de lui racheter ses activités de logistique en Afrique pour 5,7 milliards d’euros.
Activité historique du groupe diversifié, la branche Bolloré Africa Logistics possède des infrastructures dans plus de 20 pays sur le continent africain, notamment, un réseau de 16 concessions portuaires, des entrepôts et des hubs routiers et ferroviaires.
Bolloré a consenti à MSC (Mediterranean Shipping Company) une exclusivité jusqu’à fin mars 2022 pour négocier, a précisé le groupe de l’industriel, Vincent Bolloré, dans un communiqué.
« Le groupe Bolloré annonce avoir reçu une offre du groupe MSC, acteur majeur du transport et de la logistique par conteneurs, pour l’acquisition de 100% de Bolloré Africa Logistics, regroupant l’ensemble des activités de transport et logistique du groupe Bolloré en Afrique, sur la base d’une valeur d’entreprise, nette des intérêts minoritaires, de 5,7 milliards d’euros », écrit l’entreprise.
Plus rentable que la logistique internationale de Bolloré, la branche de logistique africaine reste plus petite en chiffre d’affaires, avec 2,1 milliards d’euros réalisés en 2020, sur un total de 24,1 milliards pour le groupe. Elle emploie plus de 20.000 personnes.
« Le groupe conservera, dans tous les cas, une présence importante en Afrique, notamment, à travers Canal+, premier opérateur de télévision payante en Afrique francophone et actionnaire important de MultiChoice, le leader de la télévision payante en Afrique anglophone. Il y poursuivra également ses développements dans de nombreux secteurs comme la communication, le divertissement, les télécoms, l’édition », a indiqué l’entreprise lundi.
Bien avant les médias, la logistique et l’Afrique ont fait la fortune de Vincent Bolloré, qui a pris en 1986 le contrôle de la SCAC (Société commerciale d’affrètement et de combustible) au moment de sa privatisation.
– MSC, géant mondial –
Le groupe français s’est ensuite développé sur le continent, s’appuyant sur ses relations avec les dirigeants politiques et incarnant pour certains l’image de la Françafrique néocoloniale.
L’aboutissement de la transaction avec MSC ne pourrait intervenir « qu’à l’issue des procédures d’information et de consultation des instances représentatives du personnel compétentes et de certaines opérations de réorganisation internes au groupe Bolloré », a souligné lundi ce dernier.
Le polémiste d’extrême-droite, Eric Zemmour, lancé par la chaîne de Bolloré, CNEWS, est le candidat de l’homme d’affaires à la présidentielle d’avril.
En outre, « la réalisation de la cession serait soumise à l’obtention d’autorisations réglementaires et des autorités de la concurrence compétentes, ainsi qu’à l’accord de certaines des contreparties de Bolloré Africa Logistics », selon le communiqué de Bolloré, qui « fera connaître, le moment venu, les suites de ces négociations exclusives ».
MSC, basé à Genève, est un géant mondial du transport par conteneur : il revendique une flotte de 560 navires et plus de 100.000 employés. Présent dans la gestion de terminaux de Singapour à Long Beach (Californie, Ouest des Etats-Unis) en passant par Rotterdam, il exploite aussi un réseau de transports routiers.
Mais, ce groupe appartenant à la famille Aponte est davantage connu du grand public pour ses activités passagers : des car-ferries en Méditerranée et surtout les croisières MSC Cruises, qui possèdent 21 paquebots et ont transporté 2,7 millions de passagers en 2019, avant que la pandémie de Covid-19 ne bouleverse le secteur.