On ne vous dira pas comment on en est arrivé à cette médiation tenue, lundi, 18 avril, à Abidjan, sous les auspices des présidents de Côte d’Ivoire et du Togo. Mais, il fallait arriver à éteindre le feu qui couvait sous la cendre. L’animosité entre les « deux présidents » du Bénin était telle que sitôt arrivé à La Marina (présidence de la République), Patrice Talon a, immédiatement, annulé une vingtaine de décrets que le président sortant, Yayi Boni, avait signés entre février et mars 2016. « A la hâte », dit-on dans l’entourage du nouveau président.
Patrice Talon est, en plein, dans sa politique de « rupture », aidé, en cela par ceux qui l’ont fait roi et qui siègent, pour certains d’entre eux, au gouvernement : Pascal Irénée Koupaki, par exemple, sorti 5e au premier tour, est l’actuel patron de la présidence de la République tandis que ABT (Abdoulaye Bio Tchané), sorti 4e, s’occupe du Plan et de l’Economie.
Autre fait grave : le nouveau président a annulé un recrutement dans la fonction publique de plusieurs centaines de Béninois annoncé depuis début 2015. Bref, la « rupture » semble brutale mais Talon, qui connaît très bien comment fonctionne le système, semble s’être bien préparé. Il sait ce qu’il fait et où il va. Ce n’est pas pour rien qu’il s’est donné un seul mandat, à la tête du pays, même si la constitution lui permet d’en faire deux. A ce rythme, il n’y aura pas grand monde pour le plébisciter, à nouveau, dans cinq ans.
Dès qu’il a été confirmé comme vainqueur de la présidentielle par la Cour constitutionnelle, Talon a couru chez Faure Gnassingbé, le président togolais. Objectif : lui exposer ses préoccupations, ses ambitions ainsi que sa méthode de travail. C’est ainsi que ce problème est arrivé chez le président, Alassane Ouattara.
Entretemps, Yayi Boni, irrité par l’entreprise de démolition entreprise par son successeur, de ses bonnes œuvres, a préféré replier, au Nord, dans son village natal. Où les mauvaises langues disent qu’il continue de se comporter comme s’il était, toujours, président de la République.
La haine est tenace entre les deux hommes. Bien installée. Alassane Ouattara et Faure Gnassingbé vont avoir du travail, ce qui signifie que la bonne entente entre Talon et Yayi, promise devant les caméras, aux côtés des deux chefs d’Etat parrains de la cérémonie (notre photo), suppose une vigilance de leur part de tous les instants. Ce ne sera pas, toujours, possible car ils ont, aussi, et avant tout, les affaires de leur propre pays à régler. Alors ?
« Entre Patrice (Patrice Talon, ndlr) et moi, nous étions des amis, nous demeurons des amis et nous resterons toujours des amis. Ceci non seulement dans l’intérêt du peuple béninois mais encore dans l’intérêt de notre sous-région », a déclaré Yayi Boni, à l’issue d’un huis clos de plus de quatre heures, en la résidence privée de M. Ouattara.
« Je lui fais le serment d’être un bon président. Je voudrais le rassurer devant l’opinion (…) que je donnerai le meilleur de moi-même pour garantir à notre pays, aux Béninois et à toute la sous-région une bonne ambiance de convivialité, de paix », a répondu son successeur au pouvoir.
« On n’était pas en guerre, pas du tout… Etablir une bonne ambiance et entretenir cette ambiance-là, cela est nécessaire », a-t-il poursuivi, promettant « d’œuvrer pour la paix ».
On ne demande qu’à les croire. Même si la meilleure solution, pour tout le monde, serait (on s’en rend très vite compte) de vite trouver un point de chute pour Boni Yayi, aux Nations-Unies, ou n’importe où, afin qu’il ne vienne, au Bénin, pendant ces cinq prochaines années, qu’en transit.