Des centaines d’opposants béninois sont redescendus dans les rues de Cotonou, jeudi, 2 mai, où ils ont érigé des barricades enflammées pour défier les forces de l’ordre dans un climat de tension après des législatives boycottées par l’opposition qui en avait été évincée. Une personne est morte et deux autres ont été, grièvement, blessées dont une par balles depuis le début des violences, qui ont éclaté, mercredi, 1er mai, après-midi, après le déploiement des forces de sécurité autour du domicile de l’ancien président, Boni Yayi, dans la capitale économique. Jadis, laboratoire de la démocratie ayant organisé la toute première Conférence nationale souveraine, en février 1990, le Bénin (Ex-Dahomey) vient de connaître un bond de 30 ans en arrière en matière de démocratie.
Boni Yayi avait appelé à boycotter le scrutin de dimanche dont l’opposition avait été exclue. Son domicile a été encerclé, quelques heures, après l’annonce d’un taux d’abstention record. Celui-ci a approché les 80% montrant le rejet de ces législatives par l’écrasante majorité des électeurs.
Craignant qu’il ne soit arrêté, ses partisans ont, depuis mercredi, dressé des barricades sur tous les points d’accès autour de son domicile du quartier de Cadjehoun, avec des pneus en feu et armés de pierres et de bouteilles d’essence en guise de cocktails Molotov artisanaux.
Tout au long de la matinée jeudi, des centaines de personnes, notamment, des chauffeurs de taxi-moto, se sont rassemblées pour faire front devant l’armée, déployée dans la ville, et qui a lancé des tirs de sommation à plusieurs reprises pour tenter de dissiper la foule. La situation peut, facilement, dégénérer (sur notre photo, Boni Yayi et Nicéphore Soglo gazés par la police lors de la manifestation dispersée, vendredi, 19 avril 2019, à Cotonou).
De leur côté, les « chasseurs traditionnels » et des manifestants hostiles au pouvoir brandissaient des gris-gris vaudous en première ligne.
Les premières victimes graves dont une touchée par des tirs de balles réelles, ont été annoncées jeudi : « Sur les personnes amenées à l’hôpital dans la nuit -de mercredi à jeudi- une femme a succombé à ses blessures, un homme blessé par balles est toujours soigné et un homme, blessé en voulant ramasser une grenade, a dû être amputé du bras », a indiqué une source au Centre hospitalier universitaire de Cotonou.
La famille de l’homme blessé a confirmé qu’il « avait reçu une balle dans le dos ».
Le ministre de l’Intérieur a démenti toute tentative d’arrestation de l’ex-président et a assuré que les forces de sécurité étaient déployées pour empêcher des rassemblements non autorisés.
Cela dit, les violences ont, aussi, atteint le Nord. A Kandi, l’une des principales usines de coton du pays – secteur dans lequel le président Talon a fait fortune avant de se lancer en politique – a été incendiée dans la nuit.
« Des manifestants ont mis le feu à l’usine dans la soirée. On n’a encore aucune idée des dégâts mais ils sont énormes. Tout a brûlé », a confié un sapeur-pompier béninois.
Selon un habitant de Kandi joint au téléphone, les manifestants ont même tenté de « s’en prendre aux pompiers qui essaient d’éteindre le feu ».
Ses détracteurs accusent le président, Patrice Talon, d’avoir engagé un tournant autoritaire au Bénin, pays modèle de la démocratie en Afrique de l’Ouest.
Chez ses opposants comme au sein de la société civile, on l’accuse d’être derrière l’exclusion des grands partis d’opposition – officiellement évincés pour n’avoir pas respecté le nouveau code électoral.
L’ancien président, Nicéphore Soglo (1991-1996), avait menacé, Patrice Talon, de ne pas finir son mandat s’il persistait à les exclure des élections législatives.
Avec cette violence aveugle qui renaît, le Bénin retrouve, ainsi, ses vieux démons du « marxisme-béninisme » que prônait le régime des capitaines dirigé par feu Mathieu Kérékou, avant la survenue de la Conférence nationale, en 1990. C’est celle-ci qui mit fin aux violences en instaurant le multipartisme et la démocratie.