BIENS MAL ACQUIS : L’oncle de Bachar al-Assad sous la menace d’un procès en France

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Plus de cinq ans après les premières plaintes, le Parquet national financier (PNF) demande un procès à Paris pour Rifaat al-Assad, oncle du président syrien, Bachar al-Assad. Et pour cause, il est soupçonné de s’être, frauduleusement, bâti en France une fortune immobilière estimée à 90 millions d’euros.

Si le juge d’instruction, Renaud Van Ruymbeke, devait suivre les réquisitions du PNF, signées le 8 mars, Rifaat al-Assad, 81 ans, serait jugé devant le tribunal correctionnel pour « blanchiment en bande organisée » de fraude fiscale aggravée et de détournements de fonds publics aux dépens de l’Etat syrien, ainsi que, pour le « travail dissimulé » de gardiens et personnels de maison.

Le parquet soupçonne que le patrimoine colossal de Rifaat-al-Assad provienne d’un « enrichissement illicite depuis l’accession au pouvoir en Syrie de son frère (…) à son exil négocié en France », ce qu’il conteste.

Résident britannique, occupant son temps entre la France et Londres, il est soumis, depuis sa mise en examen, le 9 juin 2016, à un contrôle judiciaire qui limite ses déplacements à l’international.

« Nous contestons fermement les accusations qui reposent sur des analyses parfaitement erronées, des raccourcis et des témoignages d’opposants politiques historiques qui se contredisent », ont déclaré ses avocats, Pierre Haïk, Pierre Cornut-Gentille, Julien Visconti et Benjamin Grundler.

Ancien pilier du régime syrien, Rifaat al-Assad avait été chef des forces d’élite de la sécurité intérieure, les Brigades de défense, qui avaient, durement, réprimé, en 1982, une insurrection islamiste à Hama. Il avait été contraint à l’exil, dès 1984, après un coup d’état manqué contre son frère Hafez, le père de Bachar, qui dirigea le pays de 1971 à 2000.

A son arrivée en Europe, Rifaat al-Assad mène grand train, avec ses quatre épouses, ses seize enfants et sa suite de 150 à 200 « fidèles ».

En France, notamment, il accumule un impressionnant patrimoine immobilier jusqu’à ce que la justice se penche sur son cas et ouvre une information judiciaire en avril 2014, après les plaintes des ONG anticorruption Sherpa et Transparency international. La plupart de ses biens ont été saisis.

L’inventaire du PNF comprend deux hôtels particuliers dont l’un sur la prestigieuse avenue Foch à Paris et une quarantaine d’appartements dans les beaux quartiers de la capitale ; un haras et un château dans le Val-d’Oise, 7.400 m² de bureaux à Lyon.

En majorité acquis dans les années 1980, ces biens sont, pour l’essentiel, détenus par ses proches ou par l’intermédiaire de sociétés nichées, un temps, dans des paradis fiscaux – Curaçao, Panama, Liechtenstein – et désormais, établies au Luxembourg. Pour le PNF, la constitution d’un tel patrimoine « est empreinte d’un évident souci de dissimulation ».

Les investissements immobiliers s’étendent, aussi massivement, à l’Espagne, où 507 propriétés de la famille ont été saisies en 2017, à hauteur de 695 millions d’euros.

« En fait, je ne sais pas ce que je possède, je suis très absent de cette vie », avait-il déclaré aux enquêteurs.

Rifaat al-Assad a, toujours, affirmé que l’argent provenait du royaume saoudien depuis son exil européen, à hauteur de « plus d’un million de dollars par mois ». Le témoignage de « son amitié ancienne » avec les Saoud, en particulier, avec le défunt Abdallah.

Ses avocats estiment avoir « apporté la preuve » de ce soutien financier « en communiquant, notamment, tous les éléments bancaires à (leur) disposition, ainsi que, celle des banques attestant du caractère continu, régulier et massif de cette aide ».

S’ils ont ainsi produit des documents pour justifier de dons de près de 25 millions d’euros entre 1984 et 2010, ces explications ont été jugées « très insuffisantes » par le PNF.

L’enquête a montré qu’il disposait, dès 1984, d’un compte alimenté non pas par des fonds saoudiens, mais, par de l’argent en provenance des autorités syriennes, souligne le réquisitoire.

« Il est reproché à notre client de ne pas pouvoir communiquer une documentation bancaire vieille de plus de trente ans, et dont plus personne, banque ou administration publique, ne dispose », soulignent ses avocats.

Un premier procès des « biens mal acquis » s’est tenu en 2017 contre le vice-président de Guinée équatoriale, Teodorin Obiang, condamné à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d’euros d’amende, également, avec sursis. Il doit être rejugé en appel en décembre.

Avec AFP.

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