CAMEROUN : Après l’indignation et les larmes (suite à l’assassinat crapuleux de Martinez Zogo), on fait quoi ?

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Le journaliste, Martinez Zogo, est mort le 22 janvier 2023 parce que ceux qui étaient censés le protéger ont refusé de le protéger, parce que des gens dont il avait dénoncé la douteuse richesse, avaient juré d’avoir sa peau, parce que quiconque ose critiquer la corruption au Cameroun et le pouvoir d’Etoudi s’expose, inéluctablement, à une mort violente. Zogo avait été enlevé par des tueurs à gage. On retrouva son corps déchiqueté et en décomposition 5 jours plus tard. Beaucoup de Camerounais redoutaient une telle issue.

Ce pays que m’ont fait aimer Mongo Beti, Ferdinand Oyono, Francis Bebey, Fabien Eboussi, Jean-Marc Ela, Joseph Tchundjang Pouemi, Pius Njawe, Roger Milla, Théophile Abéga, Thomas Nkono, André-Marie Talla, Moni Bilé, Bébé Manga, et tant d’autres serait-il maudit ? Comment ne pas le croire après l’odieux assassinat de Martinez Zogo qui rejoint ainsi la longue cohorte des Camerounais atrocement mis à mort sous le régime de l’ancien séminariste Paul Barthélemy Biya ?

L’animateur de l’émission, “L’embouteillage”, sur Amplitude FM a fini sa vie sur terre comme l’abbé, Joseph Mbassi, rédacteur en chef de “L’effort camerounais “ en 1989, Mgr Yves Plumey en 1991, les religieuses de Djoum en 1992, le jésuite, Engelbert Mveng, en 1995, Marthe Moumié, en 2009, Mgr Jean-Marie Benoît Bala, en 2017. Jean-Marc Ela aurait subi le même sort s’il ne s’était pas exilé au Canada. En criant sa colère et sa douleur devant l’assassinat de Mveng dont il était proche, il avait mis sa propre vie en danger.

Tous ces crimes dont les enquêtes n’ont jamais abouti ne font pas du tout honneur au Cameroun. Paul Biya est comptable de tout ce sang, injustement, versé parce qu’il n’a rien fait pour que les criminels soient arrêtés et punis comme il faut. Je n’adhère pas à la légende selon laquelle seul l’entourage du chef serait pourri.

Au Petit Séminaire d’Akono, Paul Biya n’aurait-il appris et aimé que l’histoire de Caïn ôtant la vie à son frère Abel ? Comment les prêtres et les évêques catholiques camerounais continuent-ils de donner la communion à cet homme ? Pourquoi Jean-Paul II et ses successeurs l’ont-ils reçu sans problème ?

Dans l’article que j’avais consacré à Engelbert Mveng, je faisais remarquer que ce qui lui était arrivé pourrait arriver à tout autre Camerounais si le peuple camerounais ne se levait pas comme un seul homme pour se dresser contre ce régime prédateur et tueur, qu’il ne suffisait pas de s’indigner ou de dire, résigné, on va faire comment ?

Plein de personnes sont indignées par l’injuste élimination de Martinez Zogo. C’est bien mais pendant combien de temps sera-t-on en colère ? Pendant combien de temps dira-t-on que c’est inacceptable ? Les auteurs et commanditaires de la mort de Martinez Zogo, les laissera-t-on tranquilles jusqu’à ce qu’ils fassent de nouvelles victimes ?

“Toutes les dictatures, tous les terrorismes, tous les fascismes ont commencé parce que, devant les premiers viols du droit, on est resté muet”, affirmait l’abbé, Pierre, en 2004. Peut-être que Martinez Zogo n’aurait pas connu cette fin tragique si les Camerounais avaient réagi vigoureusement aux premiers assassinats.


Jean-Claude DJEREKE

est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis)

Il a résidé au Cameroun pendant de nombreuses années et connaît ce pays comme sa poche, lui, l’Ivoirien.

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