CAMEROUN : Dieu le Père est-il content de son église catholique romaine ?

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Le corps de Mgr Jean-Marie Benoît Bala, 58 ans, évêque de Bafia (Centre), a été « repêché ce vendredi », 2 juin, dans les eaux du fleuve Sanaga. Alors que les recherches se focalisaient sur les environs (6 à 7 kilomètres) du lieu du suicide présumé, le corps du prélat a été retrouvé à …17 kilomètres plus loin, par un pêcheur …malien, qui ignorait tout de la mort de l’évêque. Après avoir vu un corps flotter et l’avoir attaché aux herbes fluviales afin qu’il ne soit pas emporté par le courant, il a couru donner l’alerte au village, avant que le processus administratif et policier ne se déclenche.

Mgr Bala (ici dans une de ses nombreuses paroisses de son diocèse, la paroisse Saint Kisito de Ngoro) avait quitté son diocèse à bord de son véhicule, mardi, 30 mai, soir, autour de 23h00 (22h00 GMT), selon ses collaborateurs. Le véhicule avait été découvert le lendemain sur le pont du fleuve Sanaga, à plus de 80 km de Yaoundé.

Un message, supposément, rédigé par l’évêque, avait été retrouvé sur le siège avant de son véhicule, de même que ses papiers d’identité, selon les autorités : « Je suis dans l’eau », indiquait le message écrit sur du papier à en-tête du diocèse. La graphologie devra, à coup sûr, être appelée en renfort car tout est mystérieux dans cette disparition.

La thèse du suicide s’est propagée avant même la découverte du corps, mais, elle n’a pas été confirmée de source officielle ou religieuse. L’épiscopat camerounais, lui, est bien sonné par la mort aussi cruelle d’un de ses illustres membres. On peut le comprendre : ce sont les prêtres qui, grâce aux paroles de l’évangile, apprennent aux fidèles à ne pas se laisser aller par des actes de désespoir comme le suicide, et de mettre sa confiance en Dieu le Père Tout Puissant. Mais quand un des tenants de cette doctrine se donne, lui-même, la mort. Que penser ? C’est donc le trouble total au sein de l’épiscopat camerounais.

Moins de trois semaines avant cette disparition tragique, l’un de ses proches collaborateurs, le recteur du grand séminaire de Bafia, le père Jean Armel, avait été retrouvé mort dans sa chambre au diocèse, mais, les raisons de ce décès ne sont pas, encore, élucidées. Le seront-elles un jour ?

L’église catholique du Cameroun est traversée par des vents contraires. C’est le moins qu’on puisse dire. Très régulièrement, sa conférence épiscopale condamne avec la dernière énergie des pratiques qui tendent à gagner la société camerounaise, notamment, l’homosexualité qui est un délit, lourdement, condamné par le code pénal camerounais. Il en est de même de la pédophilie. Mais si l’église catholique (comme les autres religions) est en (totale) phase avec ses fidèles et l’opinion camerounaise sur ces questions, on compte, en son sein, même, de plus en plus de brebis galeuses auxquelles Mgr Bala aurait déclaré la guerre, au sein du diocèse de Bafia. Même si on ne lie pas ce combat à sa mort, il ne pouvait plus être bien vu de tous, du moment où il devenait l’empêcheur de tourner en rond.

A l’Est du Cameroun, dans le diocèse de Mgr Joseph Atanga, l’évêque de Bertoua où on a aussi compté près d’une dizaine de prêtres morts de façon suspecte ces dernières années, la télévision française, France 2, a, le 21 mars 2017, dans l’émission Cash Investigation, lourdement, mis en cause le mutisme du chef de ce diocèse devant des actes de pédophilie caractérisée dont certains sont instruits par la justice. Le plus grave, c’est qu’ils étaient pratiqués par des prêtres récidivistes entre autres français, renvoyés de leur paroisse, en Hexagone, et envoyés au Cameroun, à la recherche d’une réhabilitation morale et religieuse, avant un éventuel retour en France. Mais, il s’avère qu’une fois au Cameroun, ils retombaient (exactement) dans les mêmes travers, témoignages des victimes à l’appui, et l’évêque, au lieu de les traduire auprès de la justice, les protégeait.

Le gouvernement a ouvert une enquête sur la disparition de l’évêque de Bafia. Mais le Cameroun étant le Cameroun, comme pour plusieurs autres faits précédents, on pourrait s’acheminer vers un enterrement première classe du dossier Mgr Bala. A la grande tristesse de ses milliers de fidèles et sympathisants.

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