Carence des devises étrangères: Le Burundi sur les traces de la Tanzanie ?

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Après le limogeage et l’arrestation, en début octobre, de Dieudonné Murengerantwari, l’ancien gouverneur de la Banque de la République du Burundi (BRB), en raison d’un faisceau de fautes lourdes, dont le blanchiment de capitaux et le détournement des fonds publics, le chef de l’Etat, Evariste Ndayishimiye, a décidé de confier la banque des banques burundaises à Edouard Normand Bidengako, lequel, jusque là, pilotait le département statistique de l’institution. Une décision qui a surpris étant donné tous les éloges qui avaient accompagné l’ancien gouverneur de la BRB lors de sa nomination à ce poste stratégique il y a un peu plus d’un an à l’âge de 39 ans.

Seulement, voilà plusieurs mois que l’économie burundaise tourne au ralenti à cause de la pénurie de devises étrangères. Coutumier du fait pendant ces dernières années, le pays connaît, cette fois-ci, une crise plus aiguë, comme en témoignent l’inflation galopante qui avoisine 29% de moyenne depuis le mois de janvier, et la rareté des produits phares, tels que les fertilisants, qui permettent au secteur agricole de peser à hauteur de 25% dans le PIB, et le carburant, dont la consommation moyenne mensuelle est estimée à 30 millions de litres.

Découlant de la mauvaise performance des exportations, cumulée à la spéculation sur le franc burundais née sur le marché noir de changes, cette pénurie des devises aurait été mal gérée par Dieudonné Murengerantwari, qui, en plus, est soupçonné d’avoir usé de son autorité pour faciliter l’accès aux devises étrangères devenues rarissimes à certains acteurs économiques. L’un d’entre eux, le commerçant, Sylvestre Niyonsaba, ayant, d’ailleurs, été écroué par les services de renseignement au même titre que l’ancien directeur de la BRB.

Selon les experts, la carence des devises au Burundi résulte, principalement, du manque de compétitivité des secteurs d’activité censés permettre la constitution d’un stock suffisant de réserves. En effet, certaines industries, telles que le tourisme, l’agriculture et l’exploitation minière, peinent à générer suffisamment de recettes, faute d’investissements. Dans le cas particulier de l’exploitation minière, le nouveau code instauré par le gouvernement ne devrait pas tarder à produire ses effets. Au-delà du manque de compétitivité observé, la lenteur dans le rapatriement des devises issues des transactions à l’étranger, le manque de transparence dans l’utilisation des devises actuellement détenues et la dépendance de la BRB vis-à-vis de la présidence du Burundi sont également pointées du doigt. 

En guise de comparaison, la Tanzanie, qui faisait face aux mêmes difficultés, a été obligée de réduire ses importations de carburant de 24% en raison de la pénurie de ses réserves en dollars. Il aura fallu des mesures ciblées de sa banque centrale sur le marché interbancaire des changes, ainsi qu’une bonne performance des secteurs générateurs de devises étrangères (cultures industrielles, tourisme, mines, industrie manufacturière) pour en sortir. A ce jour, le pays dispose d’un volume suffisant de réserves pour couvrir l’équivalent de 4 à 4,5 mois d’importations mensuelles, ce qui est le minimum requis pour tout pays membre de la Communauté d’Afrique de l’Est. 

Avec une balance commerciale déficitaire, puisque les exportations ne correspondent qu’à 20%, le niveau de couverture des importations du Burundi est bien en deçà du minimum fixé par la CAE. Toutefois, après avoir procédé à un changement nécessaire à la tête de la BRB, le président, Evariste Ndayishimiye, devra aller jusqu’au bout des réformes préconisées s’il veut que son pays se remette rapidement en selle pour relancer son économie, et poursuive la voie vers l’émergence en 2040.

Paul-Patrick Tédga

MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)

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