CENTRAFRIQUE : Touadéra exporte sa rancune jusqu’à Addis Abeba

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Cela n’arrive pas souvent dans les organisations internationales, et singulièrement, à l’Union africaine (UA) où on compte très peu de postes disponibles pour les 54 pays membres. Quand le ressortissant d’un pays est nommé, c’est un honneur pour ce pays et la direction de l’organisation panafricaine est généralement remerciée. Cela n’a pas été le cas pour le Centrafrique.

Il s’avère que le président centrafricain, Faustin Archange Touadéra, a de la suite dans les idées. D’autres pensent qu’il a, plutôt, la rancune tenace. De quoi s’agit-il ? Après avoir bien commencé son périple qui l’avait conduit, successivement, à Dubaï, ensuite, à Moscou (chez le camarade Poutine), il l’avait terminé par Addis Abeba où sa présence au Sommet de l’Union africaine était nécessaire, auprès de ses autres frères et homologues chefs d’Etat africains, les 17 et 18 février. Et là, le président de la Commission de l’UA, son frère du Tchad, Moussa Faki Mahamat, avait cru très bien faire en recrutant le Centrafricain, Erenon Dominique Désiré (notre photo), comme expert constitutionnaliste de l’organisation. Docteur en droit public, Erenon, tout comme Touadéra, sont des produits de la coopération française. En effet, c’est grâce à une bourse française des années 2001, que l’étudiant Erenon en DEA en droit public put poursuivre ses études en thèse en France. La petite histoire veut que Faustin Archange Touadéra figurait sur la même convocation signée par Dominique Malo, directeur des affaires académiques et de la coopération de l’ambassade de France en Centrafrique. La bourse française devait aider Touadéra à terminer son doctorat d’Etat en mathématiques à l’Université de Yaoundé (Ngoa ékélé devenue Yaoundé 1). La petite histoire veut qu’Erenon Dominique Désiré tout comme Danièle Darlan, présidente de la Cour constitutionnelle, étaient, tous les deux, farouchement, contre le changement de la constitution. Pour ce qui concerne Erenon, tout d’abord, par déformation professionnelle. Constitutionnaliste jusqu’à la moelle des os, il ne pouvait pas, intellectuellement, cautionner une réforme de la constitution dont le seul but était de permettre la pérennisation du président Touadéra à la tête de l’Etat. D’autre part, il était, politiquement, contre une telle réforme. Touadéra, lui, a su s’en souvenir au mauvais moment.

Voilà pourquoi, samedi, 17 février, après la cérémonie d’ouverture du Sommet, à Addis Abeba, il a convoqué le commissaire aux Affaires politiques, à la Paix, et à la Sécurité, Adeoye Bankole, pour parler, uniquement, du cas Erenon Dominique Désiré. Il s’est insurgé contre le recrutement de cet expert centrafricain et demandé son limogeage immédiat au motif qu’il était un farouche opposant à son régime, un de ceux qui s’étaient opposés au référendum constitutionnel et au troisième mandat voulu par lui-même.

Il faut savoir que Dr Erenon n’occupe pas une fonction politique. Il est à un poste strictement technique, et a été recruté suite à un processus ouvert en ligne aux ressortissants des Etats membres de l’UA. Il n’a pas été nommé. Il a mérité son recrutement. En effet, les postes de fonctionnaires et autres experts à l’UA ne sont pourvus que par voie de recrutement, sans l’intervention ou l’accord des gouvernements.

Mais, n’en ayant cure de tout ceci, le président centrafricain a réussi à mettre toute la direction de l’UA mal à l’aise, avant de mettre le cap sur Bangui-Mpoko. Rancunier comme il en existe très peu parmi la race des chefs d’Etat ,africains Touadéra vient d’atterrir à Bangui-Mpoko en provenance de Turquie, après avoir signé un accord militaire et des mines en Serbie où il était, ces derniers jours. On reproche, justement, à Touadéra de passer son temps à voyager, sans résultats visibles, alors que les caisses de l’Etat sont vides. Cela dit, il n’a aucun souci à se faire, les Russes assurent sa sécurité contre d’éventuels coups d’état militaire. Avant de se rendre en Serbie, il a signé le décret qui nomme les nouveaux membres du Conseil constitutionnel, totalement, acquis à sa cause. Fait marquant : Jean-Pierre Waboe et Sylvie Naissem qui faisaient partie de l’équipe Darlan, restent en place, ce qui apporte des réponses claires à certaines questions qui se posaient à Bangui, lors du bras de fer entre la Cour et Touadéra. Etaient-ils les traîtres à la cause qu’on cherchait au sein de la Cour constitutionnelle ? La réponse va de soi !

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