CHINE-KENYA : William Ruto pris à son propre piège

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Depuis sa victoire aux élections présidentielles du Kenya en août 2022, William Ruto a résolu de prendre ses distances avec la Chine. D’ailleurs, pendant sa campagne, il dénonça le volume des financements octroyés au gouvernement de son prédécesseur, Uhuru Kenyatta, en particulier, les 5 milliards de dollars d’avance alloués par la banque étatique spécialisée dans l’import-export pour le construction d’autoroutes et du chemin de fer ralliant Mombassa et Nairobi, faisant ainsi écho de la remise en question du poids de la dette chinoise en Afrique par plusieurs experts internationaux en matière de développement. Ces derniers estimant que la politique de la Chine à l’égard des nations africaines est plus prédatrice que bénéfique.

Profitant de cette vague de critiques, le chef de l’Etat kenyan, entama un rapprochement avec l’Occident, notamment, les Etats-Unis et le Royaume Uni, au détriment de la Chine, pourtant, détentrice de 2/3 de sa dette extérieure. En reniant ouvertement sa proximité avec Pékin, Nairobi entendait séduire les nations occidentales et tisser des liens avec elles devant déboucher sur des investissements et l’obtention de financements à des conditions avantageuses. Bien que cette stratégie ait dans l’ensemble fonctionné, puisqu’au travers de l’African Growth Opportunity Act (AGOA), Washington est devenue le premier importateur de produits kenyans, le volume des échanges avec l’Occident demeure dérisoire par rapport à celui de la Chine. 

Ayant anticipé l’échec de sa stratégie de remplacement des financements chinois par des fonds occidentaux, William Ruto cherche, désormais, à revenir dans les bonnes grâces de son homologue, Xi Jinping. Il a, à cet effet, annoncé se rendre à Pékin pour solliciter un milliard de dollars supplémentaires, ainsi qu’un rallongement des échéances de remboursement, afin de terminer les chantiers abandonnés par les constructeurs chinois, faute d’argent. Rien n’indique, cependant, qu’il saura convaincre le dirigeant chinois, qui doit le voir comme une personne ambiguë, surtout, après avoir constaté la révocation de l’obligation instaurée par Uhuru Kenyatta aux commerçants kenyans de faire acheminer par voie ferroviaire leurs marchandises livrées au Port de Mombassa, de manière à percevoir les frais de transport y relatifs pendant 27 ans, conformément, à l’accord signé avec le Kenya en 2014.

Par ailleurs, le timing est particulièrement mauvais pour la Chine, qui doit composer, non seulement, avec le fait que la majorité de ses partenaires africains sont, lourdement, endettés en raison des effets cumulés de la Covid-19 et de la guerre en Ukraine, mais aussi, avec le ralentissement de sa propre activité économique. Du coup, les autorités chinoises sont, aujourd’hui, de moins en moins enclines à accorder des financements, contrairement, à il y a quelques temps. 

Sachant que les mois passés à se rapprocher de l’Occident auraient pu être utilisés pour renforcer le partenariat avec la Chine, William Ruto finira t-il par regretter sa décision ?

Paul-Patrick Tédga

MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)

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