Le 7 octobre 2018, les Camerounais se rendront aux urnes pour élire un nouveau président ou pour reconduire M. Paul Biya arrivé au pouvoir le 6 novembre 1982. Six jours plus tard, ce sera au tour des Ivoiriens de prendre part aux municipales et régionales maintenues à la date fixée malgré le refus de Dramane Ouattara de les reporter et de faire droit à la demande de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples de réformer la Commission électorale que toute l’opposition juge à juste titre illégale et forclose.
Avant ces deux importants rendez-vous électoraux, il m’a semblé bon et utile de revenir sur la relation entre Religion et Politique. Pour certains, la cohabitation est presque impossible entre les deux entités. Péremptoires, ils professent qu’on ne peut servir les deux. Sans nuance, ils condamnent la politique qu’ils assimilent à une activité sale et salissante. “On y ment, on y vole et on y tue facilement alors que les commandements divins interdisent ces dérives-là”, précisent-ils.
Il est indéniable que Sylvanus Olympio (Togo), Murtala Mohammed (Nigeria), Marien N’Gouabi (Congo-Brazzaville), Thomas Sankara (Burkina Faso), Baré Maïnassara (Niger), William Tolbert et Samuel Doe (Liberia), João Bernardo Vieira (Guinée Bissau) et d’autres présidents perdirent la vie sur le front politique. Il est non moins indiscutable que certains acteurs politiques donnent quotidiennement de la politique une image négative sur le continent africain. Doit-on pour autant disqualifier la politique ? Faut-il penser qu’elle est mauvaise, que Religion et Politique sont inconciliables et que les croyants devraient se tenir éloignés de l’art de la gestion de la Cité (polis en grec) ? En un mot, croyance en Dieu et engagement politique sont-ils incompatibles ?
Non, à mon avis : On peut être croyant (pratiquant ou non) et faire de la politique. La doctrine sociale de l’église catholique (textes et déclarations des conciles, des synodes, des évêques et des papes sur la question sociale) encourage fortement les fidèles laïcs à s’intéresser à la politique et à s’y investir car elle est “le champ de la plus vaste charité” (Pie XI en 1927). La même doctrine sociale ajoute que les chrétiens qui veulent descendre dans l’arène politique devraient souscrire aux critères suivants : compétence, honnêteté, humilité, désir de servir la collectivité, passion pour la vérité et la justice, tolérance, refus de la violence, attention aux faibles et défavorisés, etc.
Peut-on critiquer un chrétien ou un musulman qui s’efforce d’incarner ces valeurs ? Non ! Car incarner sa foi veut dire la mettre en pratique dans son milieu professionnel, dans son parti politique, dans sa mairie, dans son ministère, etc. Concrètement, il s’agit de bien faire son travail, de ne pas escroquer les petites gens qui viennent solliciter tel ou tel service, de ne pas détourner les deniers publics, de ne pas pactiser avec le culte de la personnalité, de ne pas abuser du pouvoir qui vous a été momentanément confié par le peuple. A ceux qui ont tendance à l’oublier, il faut rappeler que le pouvoir appartient au peuple, qu’il en est le vrai détenteur et que le chef de l’Etat, les ministres, parlementaires et maires, ne sont que des employés. Incarner sa foi n’a rien à voir avec parler de Dieu à tout moment, organiser des séances de prière ou d’exorcisme à la présidence, dans les bureaux et ministères, remplir la résidence présidentielle de soi-disant serviteurs de Dieu, etc.
Au total, ce qu’on attend des chrétiens et musulmans engagés en politique, ce n’est pas un quelconque exhibitionnisme (porter un chapelet au cou, inonder les murs de son bureau d’images de saints, se promener avec la Bible ou le Coran, etc.), mais, des actions concrètes en lien avec ce qu’ils croient (sur notre photo Alassane Ouattara avec le président de la CEI Youssouf Bakayoko).
Jean-Claude DJEREKE
Professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis)