COTE D’IVOIRE : Non à une réconciliation sélective

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Laurent Gbagbo vient de discuter à Bruxelles (Belgique) avec Konan Bédié qui, en plus de l’avoir combattu et renversé avec la complicité de Nicolas Sarkozy et de Dramane Ouattara, le traita de tyran, puis, se réjouit de sa déportation et de son incarcération à La Haye. Si l’on en croit les rumeurs, il n’est pas impossible que l’ancien président accueille, dans les jours ou semaines à venir, Soro Kigbafori qui ne se priva pas, en Côte d’Ivoire comme à l’étranger, de l’accuser d’être un mauvais perdant et d’avoir exterminé des nordistes, des musulmans et des ressortissants de la CEDEAO.

Ayant prôné depuis plus d’un an une union sacrée des fils et filles d’Eburnie, non pas pour former un gouvernement d’union nationale ni pour aller à des élections truquées et gagnées d’avance par le RDR (parti d’Alassane Ouattara), mais pour chasser celui qui nous pourrit la vie depuis 1999 et n’a travaillé que pour les étrangers, je ne puis que saluer la décision des trois (Bédié, Gbagbo et Soro) de se mettre ensemble pour sauver la patrie en danger, pourvu qu’ils soient sincères, demandent publiquement pardon au peuple ivoirien à qui ils ont causé énormément de tort et le dédommagent d’une manière ou d’une autre, car il faudra plus que “je reconnais avoir mal agi contre mon pays et je demande pardon” pour guérir, apaiser ou désarmer les cœurs brisés, blessés ou chargés. 

Pour moi, Gbagbo aura accompli la chose la plus difficile, et ce sera tout à son honneur, s’il se réconcilie avec Bédié et Soro. Or, un proverbe grec (Aristote le cite dans son œuvre) enseigne que “celui qui peut le plus, peut le moins ”. Et les Français renchérissent en affirmant : “ Il n’a rien fait, qui n’achève bien”.

Je souhaite que Laurent Gbagbo termine bien ce qu’il a commencé, qu’il ne s’arrête pas en si bon chemin, que la réconciliation qu’il appelle de tous ses vœux et pour laquelle il a mis son parti en mission ne soit pas ciblée, c’est-à-dire, ni sélective ni exclusive mais inclusive. Quelles que soient les fautes commises par Pascal Affi N’Guessan, quelle que soit la gravité de ces fautes, il mérite, lui aussi, que Gbagbo le reçoive et discute avec lui sans condition ni intermédiaire car il n’a pas fait pire que Bédié et Soro, je veux dire qu’il n’a fait tuer aucun Ivoirien. Bref, Affi N’Guessan (notre photo) n’a pas de sang sur les mains quoiqu’il ait tenu des propos condamnables et posé des actes frisant la soumission à la France et à Ouattara. Qui sait si, au cours de cette rencontre, il ne demandera pas pardon au “chef” pour les paroles malheureuses qu’il a prononcées et pour les mauvaises actions menées contre ses camarades ? Qui sait s’il ne lui remettra pas les clés du parti ? 

C’est bien beau d’inviter les Ivoiriens à se réconcilier mais parler à tout bout de champ de réconciliation et en exclure le député de Bongouanou, n’est-ce pas manquer de cohérence ? Affi n’est-il plus fils de ce pays qui a besoin que tous ses enfants se remettent ensemble ? Laurent et Simone Gbagbo, Assoa Adou et autres dirigeants du FPI, s’ils veulent être crédibles et pris au sérieux, peuvent-ils continuer à ostraciser et à diaboliser l’ancien premier ministre de Laurent Gbagbo tout en serrant dans leurs bras ceux qui ont nui le plus à la Côte d’Ivoire ?
 
Certains GORs (Gbagbo Ou Rien), coutumiers de jugements hâtifs et simplistes, penseront que je suis maintenant avec Affi ou qu’il m’a donné de l’argent pour que je produise cette réflexion. Je m’empresse de leur répondre que je ne suis pas partisan de Affi N’Guessan, ni achetable par qui que ce soit, mais, que je me bats, uniquement, pour la justice et la vérité.

Jean-Claude DJEREKE
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).

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